lundi 29 décembre 2014

R.I.P. Joe COCKER (20/05/1944 - 21/12/2014)

Joe Cocker : 20 mai 1944 - 21 décembre 2014


     Joe Cocker... La voix, cette voix emblématique qui fit vibrer tant d'esgourdes de 1968 à 1972, puis de retour en 1984 pour ne plus jamais déserter les ondes, nous a quitté le jour du solstice d'hiver de l'année 2014. Ce dimanche 21 décembre, à 70 ans, quelque part au milieu de la nature du Colorado, dans son "Mad Dogs Ranch" à Crawford où il résidait avec son épouse Pam Baker, Joe Cocker a succombé des suites d'un cancer des poumons.

Le plombier de Sheffield a cassé sa (clé à) pipe. Mince. Plombier, ainsi surnommé car il sort de l’école, ado, avec un genre de C.A.P de plomberie, et réparera effectivement quelques conduites de gaz, le jour. Mais la nuit il passait de clubs en clubs, derrière sa batterie, avec son premier groupe, les Cavaliers. De la batterie, il passe au chant. A l’époque, la mode est au Skiffle, tous sont passés par là, y compris les Beatles. Et comme les autres, le Rock’n’roll lui tombe dessus, par Gene Vincent, mais bien davantage la Soul Music de Ray Charles, son idole. Quand il enregistre son premier 45 tours en 1964 (sous le nom de Joe, et non plus John Cocker) c’est pour graver une chanson des Beatles, et de Ray Charles.   Sa carrière commence à prendre forme l’année suivante quand il rencontre un musicien de Sheffield : Chris Stainton (claviériste, guitariste et compositeur).
Stainton co-écrit "Marjorine", le premier succès de Cocker.  Les deux hommes ne se quitteront plus (jusqu'en 1972), Stainton étant sans doute un des plus fameux sessions-man de la pop music. Leur groupe, Grease Band, commence à se faire un nom, trouve un producteur, sort un disque, mais c’est en octobre 1968 que tout explose, avec une reprise de « With a little help from my friends » des Beatles (avec Jimmy Page a la guitare). Il n’était pas rare à l’époque que plusieurs versions d’une même chanson sortent en disque (comme les titres de Dylan repris par d’autres) et on sait que les Beatles appréciaient énormément cette version furieusement gospel de leur titre. Joe Cocker aura carte blanche pour reprendre ce qu’il veut de leur répertoire, même avant qu’eux même n’enregistrent.
     Joe Cocker devient mondialement célèbre après son passage à Woodstock, en 1969. On découvre un gars mal fagoté, cheveux et barbe hirsutes, pris de spasmes convulsifs, à la limite s’il ne se bave pas dessus ! Épileptique ? Non, mime ! Joe cocker avait cette habitude de mimer les autres musiciens, jouant autour de lui (Air-guitar avant l'heure), car totalement impliqué, possédé même par la musique. Joe n'est pas un poseur, il n'en a rien à cirer de l'allure qu'il peut avoir sur scène. Son but n'est pas de se pavaner, de faire le paon. Joe est un gars simple, sincère et entier qui ne souhaite que pouvoir participer à la musique (de s'y fondre comme dans une étreinte amoureuse et passionnée) qui le fait vibrer, qui le transporte, l'habite. Il s'implique corps et âme.
Sur son premier album, il reprend Dylan (« I shall be released») et tout le monde se presse aux concerts du phénomène. Il rencontre aux Etats Unis le pianiste Leon Russell, qui lui écrit « Delta Lady » pour le second album appelé sobrement « Joe Cocker »où il reprend encore les Beatles ("She came in through the bathroom window" et "Something" qui apparaitront sur "Abbey Road", ), Leonard Cohen "Bird on the wire", Dylan, ainsi que le sublime "Darling be home soon" de John Sebastian. Peut-être le clou de l'album.

     Le succès effraie Joe Cocker, qui fait machine arrière et revient dans son bled. On le menace de procès. Leon Russell lui sauve la mise en créant l’armada Mad dogs and the Englishmen, une caravane itinérante de musiciens, avec femmes et enfants, qui tourne pendant trois mois. On y retrouvait Delaney & Bonnie, Jim Price et Bobby Keys. Un foutoir innommable, et un piège pour Joe Cocker, d'un naturel hésitant, entraîné malgré lui à toujours plus de surenchère. Un double album live couronne la tournée, où on y entend Joe Cocker s’époumoner sur « Feeling alright », « Cry me a river », « Something », « Honky Tonk woman »
     Ce qui aurait dû lui apporter la gloire, le mène aux enfers. C’est Russell qui rafle la mise. Joe Cocker, lui, lessivé, sombre dans la dope et l’alcool. Quatre ans à ne plus pouvoir enregistrer, à ne monter sur scène que pour dégueuler sur son pied de micro, ou croupir dans des geôles pour possession de drogue ou crise de delirium. Son label sort des best-of et live trafiqués en attendant. En 1974, il revient avec la ballade de chez ballade « You are so beautiful » (de Ray Charles), et enregistre à la Jamaïque un très bon album « Stingray ». Mais commercialement, c’est peanuts. Et puis miracle, en 1982, il chante à la télé américaine, maigrichon et presque chauve. Il pourrait faire pitié, mais il émeut. Le producteur Chris Backwell décide de la prendre sous son aile. Joe Cocker sort l’album « Sheffield Steel » qui marque son retour, avec la reprise « Many rivers to cross » (Jimmy Cliff), et son duo avec Jennifer Warmes « Up where you belong ».

C'est une renaissance, enfin. Joe Cocker retrouve les feux de la rampes aux débuts des années 80. Son  "Up Where We Belong" sert de bande son au film "Officier & Gentleman". Ce qui aurait pu n'être qu'une niaiserie de plus, est sauvée par le timbre délicieusement rauque de Cocker qui insuffle, autant se faire se peut, une teinte Soul. C'est un hit qui lui permet d'obtenir un Grammy Award. Une publicité bienvenue qui le rappelle au bon souvenir de certains et le faire découvrir à d'autres. Une attention qui lui permet de retrouver un peu de monde à ses concerts, et en conséquence, d'avoir de nouvelles offres de tournée. Sa carrière est relancée. De nouveau sur les rails, redevenant "bancable", en 1986, le film à succès d'Adrian Lyne,  "9 semaines 1/2", réunissant Mickey Rourke et Kim Basinger, utilise sa reprise de "You Can't Leave your Hat on" (de Randy Newman) pour la fumeuse scène du strip. Énorme carton. Le titre est rabâché sur les ondes, et le clip squatte MTV.  

Le succès est international. C'est la revanche de Joe Cocker. Lui qui avait avoué, quelques temps auparavant, qu'au moment où il avait besoin d'aide, lorsqu'il s'était empêtré dans de forts problèmes d'addictions, on lui avait tourné le dos. Ses soit-disant amis se détournaient de lui. Sauf ceux qui le fournissaient. Désormais, la donne avait changée de main. On le respectait, on l'acclamait, on l'adulait, on l'invitait, on se rappelait à son bon souvenir. Désormais, l'ancien pestiféré avait reconquit les médias, un public, et le respect de ses pairs. Mieux, même si à partir de 1994, ses disques perdent en jus, en saveur, il maintient toujours un certain niveau de popularité, ses sorties étant toujours un événement. Car Joe Cocker a un don : il est capable de transformer (presque) n'importe quelle mièvrerie en une magnifique et poignante pièce Soul. 

Dorénavant, à partir de "You Can't Leave your Hat on", les succès s'enchaînent. Le nom de Joe Cocker semble avoir une place réservée dans les classements du Billboard américain (qui le classe d'ailleurs dans son Top 10 des "Biggest Hits").
« When the night come » (1989) de Bryan Adams, « Sorry seems to be the hardest words » d’Elton John (1991), "Night Calls" et "Little Bit of Love" de Free (1992), « Summer in the City » de The Lovin’ Spoonful » et "Take me Home" (1994), "N'oubliez jamais" et "Tonight" (1997), "Never Tears us apart" (2002)
 Si les disques sont techniquement bien produits, se vendent, on peine à retrouver la folie d’antan. L’industrie a changé, il faut formater pour vendre. On attend toujours le disque de pur Soul, de Blues, mais rien ne vient, juste des reprises de luxe (par un interprète de luxe, qui s’offre même un duo avec Catherine Deneuve), des reprises Motown mille fois entendues, et des ballades FM.  
Dans son album « Heart & Soul » (2004) il reprend U2, REM, autant que Lennon ou Marvin Gaye… Par contre, les concerts restaient de grands moments, l’homme a tout de même un répertoire en béton, de quoi tenir deux heures rien qu’avec des tubes (comme en témoigne « Joe Cocker Live » en 1990), et bénéficie d’un grand capital sympathie.

En 2007, à l'occasion de l'anniversaire de la Reine, il reçoit un OBE le consacra alors Officier de l'Empire Britannique. (Pas mal pour un prolétaire de Sheffield)
Joe Cocker était un immense interprète, avec Rod Stewart une des plus belles voix de Soul blanche. Les versions qu'il faisait de certaines chansons étaient souvent plus remarquables que les originaux. Il a connu la gloire, puis le fond du trou, pour mieux ressusciter, et suscite de toutes parts le plus profond respect. 
 
Paul McCartney : "C'était un adorable gars du nord que j'aimais beaucoup, j'adorais sa façon de chanter. J'étais aux anges quand il avait décidé de chanter une reprise de With a little help from my friends"
Ringo Starr : "Adieu et que Dieu bénisse Joe Cocker, de la part d'un de ses amis. Peace and Love"
Son manager, Barrie Marshall, apparemment très affecté  : "Un incroyable talent, une vraie star, mais aussi un homme bon et humble qui adorait se produire sur scène....impossible de remplir l'espace qu'il va laisser vacant dans nos cœurs... sans aucun doute le plus grand chanteur de rock/soul jamais produit par le Royaume-Uni» - "Quiconque l'a croisé une fois dans sa vie ne pourra jamais l'oublier"
Johnny Hallyday - "Un grand de plus qui nous quitte"
Patrick Bruel (qui avait fait un duo avec Joe sur "Sorry Seems to be the Hardest World") - "Une légende de la chanson s'en va".
Nagui - "Ce soir, la musique pleure : Joe Cocker nous a quitté"


Night Calls xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx puis Woodstock "Let's go get Stoned"



"Sticks and Stones" xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxpuis  "When the Night Come" (signé Bryan Adams et Jim Vallance)



"Something"  (de George Harrison)

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