Keith Jarrett : la genèse
A la
fin de mon adolescence, j’ai profité du temps que j’avais pour connaitre le
vaste monde, de la Thaïlande a la Chine, de Bali à Bombay en passant par la Turquie et l’Irlande,
j’ai longtemps posé mon sac en Allemagne
et surtout à Cologne, une ville ou le Rhin coule tel le Danube au travers
de Budapest. Cologne et sa Kölner Dom haute de 157 mètres (la cathédrale), la
Kolsh, sa bière digestible et son opéra où le 24 janvier 1975 Keith Jarrett
donnera un concert qui restera célèbre.
Keith Jarrett, malgré son teint mat est un descendant
d’immigrants écossais et Hongrois. Né en 1945,
il commence le piano à 3 ans, un âge où d’autres commencent à peine à lire et, à 7 ans, il
donnera son premier concert. Il faudra attendre ses 17 ans pour le voir donner
un récital de ses propres compositions. Il refusera une bourse d’étude à Paris
auprès de Nadia Boulanger le professeur aux 1200
élèves comme Daniel Baremboïm, George Gershwin, Pierre-Henry et autre Quincy
Jones. Mais il acceptera celle de la Berklee School of Music de Boston,
endroit où il formera son premier trio. Sa première trace discographique
existante sera avec les Jazz Messengers d’Art Blakey le batteur
de jazz qui jouera avec Miles Davis et Thelonious Monk.
C’est
la même année après avoir intégré le groupe du saxophoniste Charles Lloyd qu’il devient la nouvelle révélation du
piano. En 1970, il devient le
pianiste de Miles Davis. I l enregistre son
premier album solo en 1972 «Facing You». Sur sa carte de visite, il y a marqué
«Keith Jarrett pianiste», pourtant le musicien est multi instrumentiste,
il est tour à tour saxophoniste, flûtiste, percussionniste, organiste, calviniste
et guitariste.
Keith Jarrett, un improvisateur hors-pair
Nous
sommes à l’opéra de Cologne à quelques encablures du Rhin et, en ce soir du 24
janvier 1975, va être enregistré un
des albums que tout pianiste et amateur de jazz qui se respecte doit posséder.
Avec ces 3,5 millions d’album vendus, il est l’album de piano solo le plus
vendu de tous les temps. Un album qui apportera la reconnaissance du grand
public à Keith
Jarrett. Cet album live à Cologne est l'une des œuvres les plus
essentielles jamais enregistrées dans le genre en ce qui concerne le jazz et le
piano. En comparaison cette œuvre serait sur un point de vue classique comparable aux variations Goldberg de Bach
par Glenn Gould, ce qui en fait une référence
culte de cet album.
Un
album et un concert qui n’auraient jamais du voir le jour, Keith Jarrett est un artiste
très exigeant si ce n’est pas pour dire emmerdant ou chiant (Vulgairement parlant !). Il a
failli annuler le concert. Il est capable d’arrêter un concert si un spectateur
prenait une photo ou pire encore si une personne dans le public venait à
tousser. Pour le cas du concert à Cologne, c’est le piano qui ne lui plaisait
pas, d’ailleurs pendant tout le concert, il ne jouera que sur les notes graves,
le aiguës ne sonnaient pas assez bien pour lui.>
C’est avec un mauvais état d’esprit,
avec un manque de sommeil et un piano de mauvaise qualité (D’après lui !) que jusqu'à
la dernière minute, il hésitera à jouer. Jusqu’au dernier moment assis sur son
tabouret, il hésite ne sachant toujours pas quoi jouer. La sonnerie de l’opéra
retenti pour annoncer le début du concert et puis, à la surprise générale, il
commence par improviser avec les quatre premières notes de cette sonnerie. S’en
suivra une pure improvisation de 66 minutes dont lui seul a le secret. Son
génie explose de la première à la dernière minute. Keith Jarrett a toujours trouvé que l’improvisation
est la seule façon d’être fidèle a soi-même. La musique pour lui c’est surtout
créer un monde et voyager dans ce monde.
Le
concert fut gravé dans la cire, et si ce disque était un mètre-étalon, il
serait à sèvre. C’est pour vous dire l’importance et la réussite de cette
galette dans la musique jazz.2 disques, 4 faces, un joyau, une référence que
même les non initiés à la musique jazz aiment ou aimeront.
Clairement la claque monumentale ! C'est curieux d'ailleurs comme depuis il semble exécrer cet enregistrement pensant que c'est vraiment pas à la hauteur de son talent.
RépondreSupprimerSympa à écouter, quelques temps morts mais un touché de piano qui vaut le détour…
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il a le melon le gars. Témoignage d'une copine pianiste de jazz qui se rend chaque année à un festival au pays du foie gras : "C'est sous chapiteau. Il avait exigé qu'il soit le seul musicien de la soirée. Il avait voulu faire évacuer le village pendant les répétitions… La préfecture n'a pas suivi :o)"
En pianiste classique aussi on a eu nos "stars" capricieuses : Gould, son yamaha fétiche et sa chaise aux pieds sciés, Horowitz et sa mégalomanie, ou dans le genre "je lâche le piano au milieu du concert car un type tousse" : Arturo Benedetti Michelangeli qui lui aussi se baladait avec SON piano qu'il savait réparer lui-même.
Si nous devions faire une chronique sur les stars capricieuses, le Déblocnot changerait son nom en "Closer", "Voici" ou "France dimanche".
RépondreSupprimerHeuu oui et non. Car si des grandes pointures de la musique sont un rien "caractériels" pour reprendre l'expression de Luc, ils nous apportent que du bonheur... "Ils leur sera beaucoup pardonné" de leurs extravagances...
SupprimerEnfin Pat !!!! "Closer", "Voici" ou "France dimanche", c'est pour donner des infos débiles sur des losers dont tout le monde se fout (enfin nos lecteurs je pense). Justin Bieber les fesses à l'air sur un yacht ; la huitième cure de désintox' de miss Groenland....
C'est pas si bête un article sur les virtuoses fêlés....
Quand Keith Jarrett ne trouve pas le piano à son goût, il exiger peut du régisseur qu'on lui en livre deux autres, pour tester, comparer. Et pas des claviers Bontempi, des trucs à trois bâtons qu'on fait venir de l'autre bout du pays ! Et bien évidemment, souvent, il choisit de jouer sur le premier...
RépondreSupprimerC'est vrai, il est caractériel, a une très haute opinion de son art. Il exige le silence total. Pas le genre à jouer en club, au milieu de la fumée, des verres qui tintent, et des discussions de bar... Il faut dire que l'exercice de l'improvisation nécessite une concentration de tous les instants, pour mener à bien les développements, suivre le fil. C'est un numéro d'équilibriste ! Il est seul en scène, ne se repose pas sur une rythmique, ou d'autres solistes. Et s'il quitte la scène au moindre éternuement, on raconte aussi l'inverse. J'ai lu qu'il avait arrêté de jouer un jour (à Paris, je crois), au bout de 15 minutes. La salle s'attend à se faire engueuler... Il prend le micro, et annonce : "désolé, je n'y arrive pas, ça ne vient pas, j'ai pas d'idée, j'arrête là....". Et il part...