jeudi 23 octobre 2014

R.I.P. – CHRISTOPHER HOGWOOD (1941-2014) – Par Claude Toon


Photo : Rosa Frank

Et je ne dis pas merci aux "merdias" qui, comme souvent, ont passé sous silence la disparition de ce grand pionnier de la musique baroque et du siècle des lumières interprétée sur instruments d'époque, un homme partageant la passion d'artistes toujours vivants comme Paul McCreesh ou Nikolaus Harnoncourt ou d'autres dont nous avons eu à rendre hommage à la fin de leur voyage : Gustav Leonhardt (Clic) et plus récemment Franz Brüggen (Clic). C'est en recevant la revue Diapason ce matin que j'ai appris que le musicien avait été emporté le 24 septembre par une tumeur cérébrale comme Ravel ou Gershwin.

Né en 1941, le jeune Christopher commence ses études musicales et littéraires à Cambridge. Il apprend la direction d'orchestre avec Raymond Leppard (Clic), l'un des premiers chefs qui ont compris que l'on ne pouvait par réellement jouer Bach ou Haendel avec un orchestre romantique de 80 musiciens mais avec un orchestre allégé même si il est composé d'instruments modernes comme l'English Chamber Orchestra. Il devient également claveciniste en suivant les cours de Rafael Puyana et Gustav Leonhardt.
Influencé comme nombre de musiciens de sa génération par les recherches de Harnoncourt ou Gustav Leonhardt depuis les années 50, Christopher Hogwood fonde un premier ensemble avec David Munrow : The Early Music Consort of London. Nous sommes en 1965, Hogwood a 24 ans et Munrow 23 ans. Ce dernier expérimente de nouveaux instruments à vent et travaille à la redécouverte de la flûte à bec à l'instar de Franz Brüggen. L'aventure du Early Music Consort prendra fin en 1976 avec le suicide de Munrow, à 34 ans. Christopher Hogwood y jouait de la harpe médiévale, de l'orgue positif et de la vielle à roue. De nombreux enregistrements pittoresques de musique du moyen-âge ont vu le jour à cette époque et restent des références grâce à leurs couleurs insolites.
En 1973 Christopher Hogwood avait fondé l'Academy of Ancient Music, un orchestre plus polyvalent qui va s'illustrer dans tous les répertoires de l'époque baroque jusqu'au romantisme. En dehors de parcourir le monde avec cet ensemble de prestige, Hogwood grave des CDs remarquables, entre autres : le Messie de Haendel, des œuvres de Mozart et une intégrale des symphonies de Beethoven. Cette dernière n'a pas pour but de proposer une interprétation pour faire "style époque" mais de retrouver la pensée de Beethoven à travers les sonorités que pouvait entendre le compositeur : des cuivres moins puissants, un nombre de cordes plus limité. Dans les enregistrements modernes, le chant des bois, dont le nombre et la sonorité n'a guère évolué depuis les années 1800 (2/2/2/2), est souvent noyé dans la masse sauf quand le chef contrôle parfaitement ce déséquilibre…
Si la musique baroque était son univers de prédilection, Christopher Hogwood s'aventurait avec gourmandise vers la musique contemporaine comme Stravinsky.
L'art de Hogwood sera présent par les CDs régulièrement réédités. Il fit les riches heures du label L'oiseau Lyre, une filiale de Decca. Voici trois incontournables puis deux extraits. La direction de Christopher Hogwood reposait sur des traits francs, une grande fidélité au texte que lui apportaient ses recherches musicologiques.


1 – de Mozart : Exsultate Jubilate (avec la soprano Emma Kirkby), un trésor de ma discothèque avec les vêpres solennelles du confesseur. Désolé, CD disparu du catalogue. Quelle bonhomie et fraîcheur dans le début de ce motet !
2 – Le Nisi Dominus de Vivaldi toujours disponible (avec le Stabat mater) avec en soliste James Bowman, un contreténor né en 1941 et pionnier du retour à cette tessiture masculine. Le grand frère musical de Andreas Scholl
Les deux extraits sont bien entendu issus des gravures de l'Academy of Ancient Music.

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