vendredi 24 octobre 2014

GONE GIRL de David Fincher (2014) par Luc B.

GONE GIRL est l’adaptation d’un roman de Gillian Flynn, dont nous vous avions déjà parlé en son temps. Un bouquin précédé d’une bonne réputation, gros succès de librairie, un thriller psychologique qui reposait notamment sur une astuce narrative qui relançait totalement l’intrigue, et ouvrait de nouvelles perspectives.

On se frotte les mains à l’idée qu’un script aussi diabolique tombe entre les mains du réalisateur David Fincher (SEVEN, MILLEMNIUM  THE SOCIAL NETWORK…) très à l'aise avec les intrigues retorses.

L'histoire : Nick Dunne fête aujourd’hui son cinquième anniversaire de mariage, avec Amy. Mais Amy s’est volatilisée. Disparue. Quelques traces de violence dans la maison inquiètent Nick, qui prévient la police. L'enquête commence, la solidarité joue à fond, les voisins se mobilisent. Les parents d’Amy, un couple d’écrivains pour enfants, qui ont fait de leur fille leur héroïne (genre « Martine à la plage, Amy fait du vélo, Amy joue au ballon, Martine se roule un joint…») montent un comité de soutien. Les médias s’emmêlent. Et plus on avance, plus le mari devient le suspect…
   
L’adaptation de David Ficher est très fidèle au livre. Au générique, Gillian Flynn est créditée du scénario, mais franchement, c'est histoire d'avoir une fiche de paie, parce qu'elle a photocopié les pages de son bouquin, c’est tout ! 99% de la matière du film se trouve dans le livre, à l’identique. Y compris sa construction, c’est-à-dire, le croisement de deux récits. Celui de Nick Dunne, qui commence le jour de la disparition, et le récit de Amy, via son journal intime, qui couvre les cinq années précédentes. Et donc, le moyen pour le lecteur/spectateur, d’apprendre à connaitre ce couple, son histoire, son passé, en parallèle de l’enquête policière. Fincher use d'effets de montage très simples, de transitions habiles, pour signifier l'avant ou après disparition.

Avec le récit du mari, on part du jour du drame, avec le récit de la femme, on s’en rapproche.

David Fincher sait raconter les histoires. Il le prouve encore, avec un film de 2h25, à la construction complexe, non linéaire, qu’il mène d’un bout à l’autre sans fléchir le rythme. Comme d’habitude, tout est propre, bien fait, cadré… mais ne cherchez pas de prouesses de caméra, David Fincher illustre davantage qu’il recrée, il est au service du récit, autrement dit, de sa scénariste (au contraire de certains metteurs en scène qui s'accaparent la matière des autres, Fincher réfute l'idée d'auteur, il se considère comme un salarié qui filme ce qu'on lui demande de filmer. Il le fait juste mieux que les autres...). 

Dans les films de David Fincher, THE GAME, PANIC ROOM, MILLENIUM, ou dans ces polars comme SEVEN ou ZODIAC, il est souvent question de jeu, de défi, d'intrigues à tiroirs, de pièges. La réalité est rarement ce qu'elle parait être. Ici aussi, puisque dans leur couple, les Dunne aimaient les chasses aux trésors. Amy concoctaient des jeux de pistes pour pimenter leur sexualité. Mais les pistes, les indices qu’Amy a semés pour leur anniversaire de mariage, prennent un tout autre sens, quand la police les décrypte.

On sent que c’est cela qui a intéressé David Fincher. Le jeu, le double-jeu, le triple-jeu. La manipulation. Comment se sortir d’un récit pareil, le rendre fluide et limpide, préserver le suspens. Le film est aussi une radiographie de l’Amérique, une Amérique bien-pensante, bâtie sur l’illusion du bonheur (à travers les livres pour enfants, le couple Dunne), sur la réussite sociale, l’apparence (le bouquin s’appelait en français « Les Apparences », très bon titre), ainsi que sur l’omniprésence des médias, les talk-show, qui font et défont les réputations. Mais tous ces thèmes étaient déjà dans le livre.

Je pense que David Fincher aurait pu forcer davantage le trait, sur ses contemporains, mais ce n'est pas dans ses habitudes. C'est un homme poli. Son cinéma est souvent froid, distant, précis, calculé. Avec des explosions soudaines de brutalité. J’imagine qu'un Robert Altman - en son temps - nous aurait dynamité tout ça avec bonheur et ironie.

L’actrice Rosamund Pike (vu dans JACK THE REACHER) joue Amy. Elle est parfaite, elle tient presque le film à elle toute seule, mais de son personnage malheureusement, je ne peux trop en dire… On peut s’étonner du choix de Ben Affleck, pour jouer Nick. Un bon acteur, mais assez lisse, qui à mon sens ne rend pas assez son personnage ambigu. Encore que, justement… un type gentil, beau, inoffensif... on ne l’imaginerait jamais faire des horreurs… (ma femme insiste pour que je précise que Ben Affleck est l'homme le plus sexy du monde... C'est dit.)

Finalement, la limite du film, c’est le livre qui le précède. Je me fais la même réflexion que pour SHUTTER ISLAND de Martin Scorsese, d’après le bouquin de Dennis Lehanne. Si vous avez lu le livre, vous connaissez le truc. David Fincher n’apporte rien de nouveau. Et la question se pose donc : quel intérêt de voir le film (qui est un très bon film !!) sauf pour une étude comparée, un jeu des 7 différences, il y en a, quelques-unes, minimes, plus pour des raisons techniques d’ailleurs, pour éviter que le film ne dure 3 heures.

Vous avez lu LES APPARENCES ? Non ? Alors allez voir le film, il est très bien, un tout petit peu long, mais c’est un modèle de narration, et une histoire diabolique, vous passerez un bon moment.

Vous avez lu LES APPARENCES ? Oui ? Il n'y aura pas de surprise, mais de la curiosité. Et vous passerez aussi un bon moment !

   
GONE GIRL (2014) 
couleurs - 2h25 - scope 2:35






ooo

5 commentaires:

  1. 4 sur 6, ouais, c'est la note que j'aurais attribué aussi, un poil déçu après le buzz et surtout après Mille(m)nium qui m'avait terrassé.
    Marrant aussi de voir et écouter ceux qui sont venus en couple à la fin du film, ça soulève bien des questions...
    Manque un tantinet d'action, mais bon sang que c'est bien filmé, du coup je me suis refait quelques clips de Fincher ( Sting, Billy Idol, M J, Madonna, les Stones, Timberlake un bijou Timberlake...), ce mec c'est la Rolls des metteurs en scène! Faut pas rater un Fincher quand on aime le cinoche!!

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  2. Je te réponds un peu tard, Juan, pour cause de défaillance Internet ces derniers jours... Mon souci pour ce film, dont les qualités formelles sont indéniables, c'est que j'avais lu le roman trois semaines avant... Et plutôt que de me laisser emporter par cette histoire (le scénar est impeccable), j'ai passé mon temps à regarder comment il traduisait en image, ce que j'avais lu avant. Un peu surpris (déçu ?) de constater que c'était le décalque du roman de bout en bout. Il parait que la fin est radicalement différente que le livre... Ah bon ? Qu'on me dise en quoi, parce que moi, je ne vois pas... Le4/6 peut paraitre un poil sévère, mais je vois que tu sembles d'accord avec moi.

    La semaine prochaine, autre grosse sortie : Mommy. Tu l'as vu ?

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    1. Ton "problème" c'est que tu intellectualises tout, et forcément si tu lis les bouquins avant de mater les films tu finis par jouer au jeu des 7 erreurs...sachant que Fincher est d'une rigueur maladive, faut pas t'étonner de ton ressentit...
      Mommy pas vu, pas encore, j'ai découvert Dolan grâce à son aversion pour Zemmour et il mérite toute mon attention, sinon ma sympathie!
      Sinon je vise Interstellar et le parallèle étant fait avec 2001, m'étonnerait pas que ça soit dans ton collimateur...

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    2. Y'a pas de T a ressenti...bon...

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  3. Je ne savais pas (à l'époque) que c'était Fincher qui faisait l'adaptation ! je pensais en rester au bouquin, qui m'avait plu. Et quand j'ai su... (je me bouchais yeux et oreilles quand je tombais sur la bande annonce !!)

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