vendredi 26 septembre 2014

LES COMBATTANTS de Thomas Cailley (2014) par Luc b.


Comme on dit, je ne savais pas trop à quoi m’attendre (on y rit ou on y pleure ?) mais j’y allais avec un a priori plutôt positif. Et LES COMBATTANTS se révèle être une belle petite surprise. On est dans le registre premier film, français, comédie, sans star… Je ne dis pas « au rabais », je dis « modeste ». Ce qui n’exclut pas le talent.

Et dès le départ, Thomas Cailley semble vouloir bousculer un peu les conventions et codes du genre. Brouiller les pistes. Exemple dès le premier plan. Deux frères, dont le père vient de mourir, choisissent la qualité du cercueil aux Pompes Funèbres. L’employé leur fait l’article, sur le chêne, le frêne, le 22 millimètres, échantillon à l’appui. Sauf que les frangins reprennent la société du père qui était menuisier. Question bois, ils s’y connaissent, et renvoient l’employé des Pompes à ses chères études ! C’est tout bête, mais tout de suite on sent un ton, léger, décalé, pince-sans-rire. 

On peut citer aussi la scène de la pancarte que le gamin essaie de défoncer. Deux militaires interviennent (ça se passe du côté de Mont-de-Marsan). On pense évidemment qu'ils vont s'en prendre au gars... "Non mais hé, tu crois faire quoi, là ?", alors qu'ils vont lui apprendre à mieux se positionner devant l'obstacle pour le détruire ! C'est en cela que le film surprend agréablement, les situations ne sont pas celles attendues, ce qui crée ce petit décalage et rend le film attachant.

Le film va s’attacher à Arnaud, le plus jeune frère, qui traine avec ses potes, hésite sur la direction à donner à sa vie. Pas bavard, timide, maladroit. Pas stupide, mais on pourrait presque le croire. Thomas Cailley sait capter en trois images la complicité, l’amitié entre ces types. Arnaud bosse sur un chantier de son frère, et remarque la fille des clients. Une drôle de nana, pas causante, peu aimable, le sourcil sévère, qui nage des heures par jour, avec un sac à dos lestés de tuiles !! Elle s’appelle Madeleine, elle est persuadée que l’Homme doit apprendre à survivre par lui-même, en cas de fin de monde (et les raisons qu’elle énumère sont nombreuses !). C’est une guerrière. Sortir, s’amuser, être aimable ? Pour quoi faire ? Elle cherche un stage commando dans l’armée pour parfaire son enseignement. C’est grâce à Arnaud qu’elle intègre l’armée, et celui-ci, autant intrigué qu’attiré par Madeleine, décide de la suivre.

Commence une seconde partie consacrée à la formation militaire, le ton reste humoristique, avec une Madeleine plus pénible que jamais, parce qu’elle jouit, selon elle, d’encore trop de confort (du Flamby au dessert ? N’importe quoi ! Elle préfère les maquereaux crus mixés !). Elle recherche la vie à la dure, s’intéresse à toutes les techniques de survie, ne tolère aucun relâchement. A la suite d’une marche d’orientation (ratée) Arnaud et Madeleinevont se retrouver seuls en forêt. Et décident d’y rester.

C’est surtout Madeleine qui cherche à mettre en pratique toutes ses théories, parce qu’Arnaud, glandouiller sur le bord d’une rivière, ça lui va bien. Passer du temps avec Madeleine, il aime ça. Elle n'est pas commode, mais avec son tee-shirt trempé qui lui sculpte les seins, elle est carrément sexy. Madeleine voit bien qu’Arnaud est troublé. Celui qui ne sait jamais où aller, et celle qui est faite que de certitudes inébranlables, vont se rapprocher. Thomas Cailley évite la bluette, le pathos, il filme avec justesse. On pourrait croire que c'est lors de la scène dans la boite de nuit, que les amoureux se découvriraient. Mais non, le premier contact physique se passe pendant une séance de peinture camouflage. Le réalisateur nous surprend toujours par ses choix décalés. 

A la suite d'une intoxication alimentaire, Madeleine et Arnaud doivent rejoindre la ville, mais un incendie de forêt menace, les villages sont évacués. Thomas Cailley réussit une jolie fin de film, images étranges, angoissantes (le village désert) avec trois fois rien, comme déjà les frères Larrieu l’avaient fait dans LES DERNIERS JOURS DU MONDE.

La réussite tient aussi aux acteurs, à commencer par Adèle Haenel, qui est vraiment épatante. Rôle ingrat, au début, sévère, cassante, pas facile, elle fait bien évoluer son personnage, la diction rapide, précise. Un arc tendu du début à la fin. Il n’y a pas d’esbroufe dans ce film, ni sur l’interprétation, très naturaliste, ni sur l’image. LES COMBATTANTS est un film modeste, qui dit pas mal de choses, par petite touche. Récit initiatique (le deuil, le boulot, l’amour) qui se révèle une comédie sensible. 

couleur  -  1h40  -  format 1:85

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