Au
fur et à mesure des écoutes, je me disais : mais qu’est-ce que je vais
bien pouvoir en dire ?... Tous les superlatifs ont déjà été utilisés…
Qu’est-ce que je vais bien pouvoir tirer de ce machin-là, pourquoi ai-je été me
le coltiner sous prétexte qu’il faut fournir à l’index Musique (ouvert 7/7 et
libre d’accès, parking gratuit jusqu'à 22h) quelques classiques du genre… Et puis j’ai trouvé. Ne pas
reprendre le concert de louanges habituelles, et, comment dire... mettre un peu de distance entre l'oeuvre et l'auditeur.
Mais
revenons vers la douce Californie des années 60, bercée par le folk, un folk
assaisonné au LSD, creuset du Rock Psychédélique (en réalité, un
sous-genre transverse, comme on dirait chez les DRH). Au départ du groupe, la
rencontre de deux guitaristes, Dino Valenti, qui traine ses basques un peu
partout, et à Greenwich Village en particulier, et John Cipollina. Mais
patatras, Valenti est chopé avec de la Marie Jeanne plein les poches, et doit
repasser par la case prison. Cipollina reprend le projet, qu’il complète par
Gary Duncan (guitare) et Greg Elmore (batterie), tous les deux rencontrés à une
fiesta où jouait JEFFERSON AIRPLANE. Qui va leur piquer leur
chanteur-guitariste Alexander Spence, qui atterrira derrière une batterie. Ce
même Spence qui formera ensuite MOBY GRAPE… rien ne se perd…
Bon,
le décor est planté, on est dans la mouvance Acid Test et colliers à fleurs, et
QUICKSILVER MESSENGER SERVICE fait rapidement sensation, avec de longues
improvisations bluesy sur du Bo Diddley ou Howlin’ Wolf. Ce que font à peu près
tous les groupes du coin. Les musiciens vivent en
communauté, dans le même périmètre que les gars de GREATFUL DEAD, ou THE BIG
BROTHER de Janis Joplin, c’est dire si les soirées ne se passent pas autour du
Pastis, mais de l'herbe locale et des pilules bleues (étaient-elles bleues ?).
QUICKSILVER est invité à jouer au festival de Monterey, 1967, où Jimi Hendrix
apprécie en connaisseur le jeu de Cipollina. Ils entrent ensuite en studio,
signés chez Capitol, et sortent un premier disque en 1968, réalisé par Nick
Graventies, routier du milieu (THE ELECTRIC FLAG avec Michael Bloomfield).
Et
on en arrive à HAPPY TRAILS, leur second album. En réalité, c’est un collage de
différentes prestations scéniques (dont le Fillmore). Le groupe se sent à l’étroit en studio, les
musiciens préfèrent présenter leur facette live. Toute la première face
s’articule autour du fameux « Who do you love » Bo
Diddley, un titre dont on ne compte plus les versions, propice à de longues
improvisations. Divisé en sous-parties « Who do you love » puis
« When do you… » puis « Where » et « How »…
Pratique pour réviser les pronoms.
Après
la version classique du « Who », chantée mollement (la voix n’est pas le fort du groupe), déboule le « When do you love » qui sonne très
ALLMAN BROTHERS (les "Moutain Jam" et Cie) conduit principalement par Gary
Duncan. Le « Where » est une longue digression basse / guitare, interrompue
par « How » avec John Cipollina dans un solo tonitruant très rock. La batterie de
Greg Elmore est revenue en 2/4 classique, le bassiste David Freiberg glisse mine de
rien le thème de Bo Diddley rejoint par la batterie sur « Which » où s’illustre David Freiberg en solo. Retour chanté du « Who do you love », juste suggéré
au début, quelques harmonies vocales aériennes (on est loin des BYRDS), avant
que Greg Elmore ne batte le retour au bercail.
Si
vous n’en aviez pas eu assez, la face B commence par « Mona » un autre
titre de Bo Diddley ! Et re-le beat. Les guitares se parent d’effets de
vibratos et s’envolent, pour atterrir sur « Maiden of the cancer moon »
une composition de Duncan. Après une descente de toms d'Elmore pourtant moins percutante que celles d'un John Bonham, on s’oriente
vers un proto-hard rock, la fin sonnant presque comme du LED ZEPPELIN des débuts (avant le gros son) avec une
rythmique bien lourdingue à la BLACK SABBATH. Sur son tom basse, Elmore martèle
un pattern de chevaux au galop… car on vient de passer à « Cavalery »
longue cavalcade de Gary Duncan, qui nous sonne le clairon du septième
bataillon avec sa guitare. Le morceau évolue ensuite sur de faux airs de
flamenco, influence de la scène psychédélique californienne, de
Robby Krieger des DOORS, à Arthur Lee de LOVE. Richie Blackmore, dans les
premiers DEEP PURPLE nous lâchait aussi quelques riffs hispanisants (leur "Hey Joe"), le son de
ce « Cavalery » évoque par moment les impros du quintet british avant qu'il ne verse dans le Hard Rock. Duncan donne dans l’effet larsen (on se croirait parfois
dans la séquence finale de 2OO1 !) et le messager se pose tranquillement, quelques
effets sonores ayant été mixés en studio, pour compléter ça et là.
Et
on finit par une chanson « Happy trails », une vraie, courte, une
minute trente, en réalité le générique d’une série télé western avec la Star
Roy Rogers, happy trails, to you (sur l’air de happy birthday) until we’ll meet
again… avec vieux piano bastringue en
fond. D’où la pochette du disque…
HAPPY
TRAILS est considéré comme un album référence d’un style, le Rock Psychédélique, dans ce qu’il a de plus orthodoxe ! Pas certain qu’il soit d’accès facile si
on ne baigne pas dans ce style de musique. Les longues improvisations, que ce
soit dans le Blues psychédélique de CANNED HEAT, le proto-Hard de CREAM, le Hard
de DEEP PURPLE ou LED ZEP, le Prog de PINK FLYOD, autant que dans le Jazz-Rock
de Miles Davis, relèvent parfois de l’exercice un peu hermétique, qui concerne
essentiellement les musiciens qui les interprètent (et encore, chez CREAM,
chacun se tirait la bourre). Les substances que gobaient les musiciens n’aidaient
pas forcément à la cohérence d’ensemble. On n'est pas dans le registre des DOORS, des impros psychédéliques certes, mais issues de chansons bluesy ou pop. Dans HAPPY TRAILS il est difficile de se raccrocher à une mélodie. Y'en a pas. L'exercice peut être rebutant, mais on
apprécie que les chorus ne tournent pas à la démonstration d’égo. Pas
de surenchère. Même une certaine fraicheur qui émane de ce disque. Mais le choix de
ces variations autour du Bo Diddley beat risquent de refroidir l’auditeur.
Perso, j’ai tendance à préférer le GREATFUL DEAD de Live/Dead, et son « Dark
Star » en particulier. La présence de claviers n’y est pas étrangère.
QUICKSILVER
MESSENGER SERVICE ne fera pas beaucoup plus ensuite, le groupe à géométrie
variable va retrouver Dino Valenti, qui opérera à retour au Folk, virage qui
sera à l’origine du départ de John Cipollina, puis de son retour, puis de son
départ… Toute cette scène, les HOT TUNA, JEFFERSON AIRPLANE, JOE FISH, BIG
BROTHERS, ne vont cesser de se croiser, montant des groupes éphémères, dont la
généalogie exacte est aussi complexe que les mariages princiers chez les
Bourbons. Pat Slade, notre Stéphane Bern du Rock, doit être un des seuls à s’y
retrouver…
Who Do You Love +
variations 25:00 / Mona 7:01 /
Maiden of the Cancer Moon 2:54 / Calvary 13:31 / Happy Trails 1:29
Une version de "Mona" en 1969, donc contemporaine de HAPPY TRAILS.
Mmouais...Bel exemple du disque surfait, selon moi. Ni fait ni à faire. Correspond à l'époque. Pas plus pas moins.
RépondreSupprimervous avez le chic pour dégoter des perles qu'on a oublié depuis si longtemps....ce disque je l'ai toujours en vinyle mais plus rien pour l'écouter!
RépondreSupprimerc'était la période West coast et les noms de groupes improbables à rallonge. Ton article m'a fichtrement donné envie de réécouter tout ça .
Alors CD ou achat d'une platine? En tout cas merci pour toutes ces trouvailles.
A vot' service Bluesykid !
RépondreSupprimerShuffle : surfait... ben ouais, mais d'un autre côté, chargés comme ils étaient les gus, je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement ! Comme tu dis, correspond à l'époque.
Tu as raison Luc, ce disque n'est pas aussi évident que cela à aborder, je vais pas t'étonner si je te dis que "Happy Trails" fait partie de mes 3 disques préférés.......
RépondreSupprimerPS: commenter le commentaire de ce bon Shuffle.....????? Ah non alors....;mais bon faut bien qu'il assure sa réputation....;