- Et bien dites donc
M'sieur Claude… On ne s'entend plus dans votre bureau… C'est
la fin du monde en musiiiique
?
- NON
!! Plutôt le début, le big bang, attendez Sonia… je coupe…..
- Ouf, vous allez rendre
jaloux M'sieur Vincent, le chevalier du Hard Rock… De qui est cette musique à
l'intro féroce ?
- Seconde Symphonie d'Henryk
Górecky, une œuvre écrite pour le 500ème anniversaire de son
compatriote polonais, l'astronome Nicolas Copernic…
- Vous avez déjà parlé
de ce compositeur il me semble…
- Oui, peu après sa
disparition en novembre 2010, à propos de sa Symphonie N° 3 "Chants
plaintifs", dont des millions de disques furent vendus dans les années
1990-2000…. (clic)
- Ouah ! C'est rare en
classique, surtout en musique contemporaine…
- En effet, donc
aujourd'hui épisode II…
En
composant cette symphonie en 1972 Henryk Górecky répond à une commande de la fondation Kosciuzko de New-York qui réunit des émigrés polonais de la Grosse
Pomme ; la fondation caritative se fixant pour but de promouvoir la culture
polonaise. Henryk Górecky choisit
d'écrire une fresque pour solistes (soprano, baryton), orchestre et chœur célébrant
le 500ème anniversaire de la mort de l'astronome et philosophe Nicolas Copernic. Pour mémoire, Copernic, à l'aube de la renaissance
est le premier astronome à remettre en cause le sacro-saint modèle du cosmos de
Ptolémée qui place la terre au
centre de l'univers planétaire et stellaire. L' héliocentrisme copernicien
place enfin le soleil au centre du cosmos, la terre n'étant plus le centre du
monde, le concept bouscule bien évidement nombre de règles philosophiques et
théologiques en vigueur depuis le début de la chrétienté. Il ne sera jamais
inquiété par les autorités ecclésiastiques, bien que chanoine, au contraire de Galilée et Kepler qui dans le siècle suivant consolideront par les
mathématiques ce nouveau modèle cosmologique.
Ce
qui fascine Górecky dans la personnalité
de Copernic est une dualité : celle
de la volonté d'une réflexion scientifique rigoureuse au bénéfice du progrès, par
la remise en cause d'un modèle conçu et maintenu pour valider au sens stricte
les écritures saintes, sans pour autant que l'homme de science renie sa foi en
une Présence divine et un Créateur de toute chose. Comme son compatriote et
compositeur Penderecki, Górecky est un homme de foi, mais dont les
recherches en termes de formes musicales sont très avant-gardistes. Copernic aurait pu participer au courant
de pensée intitulé gnose de Princeton.
Pour montrer
cette facette de la pensée de Copernic,
Górecki utilise dans les deux mouvements
de sa symphonie des extraits des psaumes 145 et 135 et une citation tirée de
l'ouvrage du savant expliquant son nouveau modèle :
Psaume 145
: Dieu,
créateur du ciel et de la terre
Psaume 135
: Il créa le
soleil et la lune, le soleil régnant le jour, la lune et les étoiles régnant la
nuit…
Copernic
: Qu'est-ce qui
est plus beau que les cieux, depuis qu'ils contiennent tant de choses aussi
belles…
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Le
chef d'orchestre polonais Antoni Wit
a déjà fait la une du blog par son interprétation de la symphonie
de noël de Penderecki
(clic). Pour ce chef né en 1944 et
engagé dans la gravure d'une intégrale de l'imposante production symphonique de
Penderecki, il est assez normal de le
retrouver dans des enregistrements consacrés à d'autres compositeurs
contemporains de son pays comme Górecky
et Witold Lutoslawski
ou encore Karol Szymanowski… La
gravure de la 2nde symphonie de Gorecki avec l'orchestre de la radio
polonaise date de 2001.
Inutile de se perdre en conjectures sur le sens de la musique imaginée par Górecky pour sa seconde symphonie : musique pure, à programme ou encore spirituelle ? Sans doute un peu de tout si on considère la simplicité pourtant explicite des versets utilisés dans les parties solistes et chorales. Si je peux me permettre, j'attribuerais deux sous titres aux deux mouvements d'un quart d'heure chacun qui composent l'ouvrage : "la puissance de la création" et "enivrement face à la beauté du cosmos".
Inutile de se perdre en conjectures sur le sens de la musique imaginée par Górecky pour sa seconde symphonie : musique pure, à programme ou encore spirituelle ? Sans doute un peu de tout si on considère la simplicité pourtant explicite des versets utilisés dans les parties solistes et chorales. Si je peux me permettre, j'attribuerais deux sous titres aux deux mouvements d'un quart d'heure chacun qui composent l'ouvrage : "la puissance de la création" et "enivrement face à la beauté du cosmos".
Premier
mouvement
: pour Górecky, quand Dieu crée le
cosmos, il le fait à coup de marteau de bâtisseur, avec une énergie
apocalyptique. Un marteau devenu timbales et grosse caisse appuyés par des
clusters polytonaux à l'harmonie. Sous la baguette d'Antoni
Wit, le big bang surgit du chaos primitif. Cette titanesque
création orchestrale des astres est répétée après un passage contemplatif évoquant
le calme interstellaire aux cordes. Le chef polonais taille à la serpe avec une
clarté surprenante dans ce matériau sonore mégalithique ; étonnant et passionnant
! La seconde partie du mouvement voit se développer une furie de cuivre, un
tsunami de sons acides qui suggère l'expansion déchaînée de l'univers, les
étoiles et galaxies qui s'entrechoquent, se dévorent entre-elles, explosent ou
se font engloutir dans les trous noirs… Une musique gagnée par la folie.
L'écriture explosive au sens premier submerge l'auditeur. Un bref chœur énonce
le verset du psaume 145 quasiment en hurlant pour achever cette création de démiurge.
Second
mouvement
: Górecky rend grâce à la création par un long
chant contemplatif assuré par le baryton, qui graduellement gagne en vigueur pour
donner la parole à la soprano. Côté orchestre, nous sommes proches de ces
longues phrases lentano qui feront le
succès de la 3ème symphonie
écrite en 1976. Pour marquer le lien
avec la musique que pouvait entendre Copernic
en son temps, Górecky puise des motifs
méditatifs dans un antiphonaire du XVème siècle. L'orchestre
adopte cette douce polyphonie caractéristique du style de la musique de la
pré-renaissance. Un monde enchanteur de cordes et quelques notes au piano. Une
musique qui se fait lumière. [12'00] Le chœur intervient dans des sonorités
divinement slaves. Ceux qui ont aimé la musique du compositeur Howard Shore pour la saga Le Seigneur des anneaux seront surpris de
trouver une analogie entre des partitions écrites à 30 ans d'intervalle. [14'30]
Surgi de l'infiniment lointain, un thrène aux cordes annonce une coda qui semble
ne pouvoir s'achever que par un nouveau cataclysme. En fait, c'est un piège, l'œuvre
s'achève dans la plus pure sérénité… À noter que la direction fluide
et scintillante d'Antoni Wit est servie par
une belle prise de son et un excellent baryton du nom de Andrzej
Dobber. Le passage confié à la soprano Zofia
Kilanowicz (*) est bref mais bien tenu par une voix sans
fioriture hors de propos…
(*)
Pfff, pas évident les articles avec l'orthographe polonaise, n'est-ce pas Soniawicz et Rockinsky
?
J'ai
découvert ce chef d'œuvre "sidéral" avec un disque de Tamas Pàl nettement moins abouti et de
toute façon plus difficile à trouver que ce CD Naxos (livret en Français).
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L'intégrale
du CD sur le site Deezer : attention, la symphonie est précédée par Beatus Vir,
un complément d'essence plus religieuse.
La symphonie N° 2 par Antoni Wit :
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