jeudi 5 juin 2014

CHANTEURS SANS FRONTIERES par Pat Slade







Les Étrangers en France




Il y a peu, j’avais parlé de Dick Annegarn, Murray Head et Graeme Allwright, des artistes qui avaient réussi à toucher le public français. Mais et tous les autres alors ?  Toute la cohorte de ses musiciens et artistes étrangers qui ont réussi à se faire un visage dans le paysage musical de l’hexagone ? Ces artistes un peu trop oubliés à mon goût et qui ont eu et ont encore du succès et doivent retrouver une place dans la mémoire collective.




Nos cousins d’Afrique du Nord




La France a été, à une époque, un pays colonialiste et beaucoup d’exactions ont été commises. Le temps a passé et des musiciens qui n’avaient pas une grande liberté d’expression  sous le joug de leurs colonisateurs, s’exprimeront et importeront leurs
Djurdjura
musiques. En Afrique du nord, le folklore des rues joué par des musiciens mendiants, appelés Bekhor au début du XXème siècle, deviendra rapidement populaire avec des chanteuses comme Haja El Hamdaouia, chanteuse de Chaâbi marocaine qui modernisera le «Aïta» qui, en français, veut dire appel, cri ou plainte. Parlons aussi de Cherifa avec le chant Kabyle et Beggar Hadda pour la musique Chaouis en Algérie. Le processus de modernisation de la musique d’Afrique du Nord sera long et fastidieux. Il faudra attendre la fin des années 70 pour voir apparaître le trio féminin berbère Djurdjura avec un répertoire de chants de traditions. Trois femmes qui apporteront un vent de modernisme.



Idir
Il ne faut pas croire pour autant que la mode anglo-saxonne et la musique moderne déferlera outre mesure sur ce continent qui parait figé à nos yeux de continentaux. Un autre genre d’artistes sortira des sentiers battus et prendra le chemin des ballades de leurs pays sur des thèmes plus modernes. Le plus connu est Idir, un chanteur Kabyle (Encore la Kabylie ? A croire que les bergers ont de l’inspiration !) qui fera en 1976 un tube planétaire avec «A Vava Inouva» (Mon papa à moi), titre qui sera diffusé dans 77 pays et traduit en 15 langues différentes. Vous allez vous demander pourquoi je ne parle pas d’Areski Belkacem ? Le compagnon de route de Brigitte Fontaine et de Jacques Higelin ? Parce que ce dernier est français et est né à Versailles, ses parents sont d’origine Kabyle (Encore un !) et il a été bercé dans la musique Chaâbi, mais c’est tout !


La grande Révolution musicale du continent Nord-Africain se fera avec le Raï. Même s'il existait déjà depuis les années 30 avec des instruments comme l’accordéon, le banjo et le piano, le mélange des styles de musique françaises, espagnoles et latino-américaines permettra au début des années 80 de moderniser le genre, avec des synthétiseurs et des boites à rythme, tout en y ajoutant une pointes de rock, de pop et de reggae. Les jeunes (Cheb) chanteurs de l’époque apparaissent : Cheb Khaled, Cheb Mami ou encore Cheb Kader, Faudel (Qui ternira son image en 2007 en soutenant Nicolas Sarkozy) et pour finir et pas des moindres, Rachid Taha le «rockeur» du Raï. Ex.chanteur du groupe carte de séjour qui fera un petit scandale en reprenant «Douce France» de Charles Trenet et qui fut distribué aux députés de l’assemblée nationale. Le 26 septembre 1998, un concert à Bercy qui réunira Khaled, Faudel et Taha, «1, 2, 3 soleils» fera un retentissant succès.


- Comment Claude ? Je n’ai pas parlé d’Enrico Macias et du Malouf ? Heuuu… ! Crois-tu que ce soit le genre de la maison ? Au fait, tu diras à Rockin' que s'il me cherche cet après-midi, je serais au métro Chatelet, correspondance mairie d'Ivry, en train de jouer du derbouka...


En descendant plus au sud...




Bienvenue au pays des griots dans l’Afrique profonde et mystérieuse. Du Cameroun au Mali, du Sénégal à la côte d’Ivoire, les hommes à la peau d’ébène ont apporté énormément à la world music où tous les styles et genres sont mélangés et représentés. Certains scientifique disent que l’Afrique noir est le berceau de l’humanité, il est aussi celui de la musique. Attention ! Je ne parlerai pas des pages sombres de l’histoire du colonialiste du début du XXème siècle où des pères jésuites blancs allaient enseigner aux petits noirs que leurs ancêtres étaient les gaulois. Donc fi de «Tintin au Congo» et autre «Y’a bon… Banania», mais place aux musiciens au talent et au sens du rythme  imputable à personne d’autre.

Youssou N'Dour
Beaucoup d’artistes africains ont quitté leur continent pour tenter leur chance dans la vieille Europe, Youssou N’Dour est un exemple parfait de cette réussite. Ce Sénégalais né en 1959 sera très tôt bercé dans la musique grâce à une mère griotte. Je me souviens l’avoir vu sur scène en 1985 à Bercy avec Jacques Higelin et le groupe qu’il avait fondé en 1979 «le super étoile de Dakar». C’est après ce passage en France que sa notoriété et sa carrière prendront des proportions internationales. On pourra le voir avec Peter Gabriel, Paul Simon et il fera un duo qui restera célèbre avec Neneh Cherry : «Seven Seconds». En parallèle de sa carrière de chanteur musicien, il a été ministre de la culture et du tourisme.


Manu Di Bango



Faisons un petit saut par le Cameroun pour y rencontrer le musicien de jazz que je trouve le plus sympa : Manu Di Bango. Ce saxophoniste connu aux quatre coins de la planète (Une sphère avec des coins ?) est le doyen des musiciens africains. Parler de sa carrière reviendrait à faire une biographie de 50 pages, et je n’ai pas envie de recopier la page Wikipédia. Mais son talent en fait un des musiciens de jazz respecté par ses pairs et par les autres artistes internationaux avec qui il a collaboré comme Sinéad O’Connor, Peter Gabriel, Manu Katché, Serge Gainsbourg. A plus de 80 ans et plus de 40 albums, je pense que nous n’avons pas fini d’entendre parler de lui et c’est tant mieux.

Mory Kanté

Beaucoup auront du succès, comme l’albinos Salif Keita et Amadou et Mariam le couple aveugle au Mali, Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly en Côte d’Ivoire, Mory Kanté en Guinée ou encore la belle Angélique Kidjo au Bénin. L’Afrique a su se faire une place considérable au sein de la world music en mélangeant quelques fois son style à d’autres comme YoussouN’Dour qui jouera avec Alan Stivell. Le style Afro réunira toujours tout le monde sous la bannière de sa diversité.



- De quoi Claude ? La compagnie Créole ? Heu… ! J’ai parlé de la musique Africaine et non des Antilles ! Qu’est que c’est que ce zouk !!! Bon ! Sur ce si Rockin me cherche, je vais arrondir mes piges métro St Michel, correspondance porte de Clignancourt, pour jouer un peu de Djembé !





…Et en remontant vers l’Europe !




Anna Prucnal
Et en Europe aussi, beaucoup de chanteurs et chanteuses (surtout) vont passer la barrière de la langue pour proposer leur talent dans l’hexagone. Ils viennent d’un peut partout, de la Pologne à l’Italie, du Canada à l’Amérique du sud, beaucoup de noms sont passés à la postérité. Rappelez-vous d’Anna Prucnal en Pologne qui, d’actrice de cinéma et de théâtre, deviendra chanteuse avec une image d’artiste engagé ; Georges Perec dit un jour à propos de la belle polonaise «Quelques-unes des choses qu’il faudrait tout de même que je fasse avant de mourir, écrire des chansons». En Italie, loin des Dalida et autre Frédéric François, nous avons eu une chanteuse très «Rive Gauche» et un paladin troubadour.



La première n’est autre que Pia Colombo, même si cette dernière est née et morte en France, elle reste une image forte de la chanteuse engagée qui aura «Bouffé de la vache enragée». Tous comme Barbara, elle commencera à l’écluse et, de Brassens à Gainsbourg, de Bertolt Brecht à Kurt Weill, de Léo Ferré à Jean Ferrat, la tendance de ses textes sera toujours portée sur une rive de la scène qui restera à jamais marquée par les événements de mai 68 où à cette époque d’ailleurs, elle occupera Bobino avec Isabelle Aubret, Félix Leclerc, Georges Moustaki, Jean Ferrat et Leny Escudero. Après une vie remplie de combat et de chansons, elle sera emportée par le crabe à l’âge de 51 ans.

La tignasse folle, joueur de guitare de violon et de dulcimer, Angelo Branduardi est surement le dernier troubadour sur cette planète. En 1974, il apparait avec ses ballades folks et folklo-médiévale chantées en différentes langues. Ce n’est qu’en 1979 avec «La

Demoiselle» et surtout l’année suivante avec «Va Ou le Vent te Mène» qu’il ce fera connaître en France. Il disparaît souvent du devant de la scène pour se consacrer à la composition de musiques de films et à la peinture. Son impressionnante discographie suffirait à remplir une armoire normande. Qui se rappelle de l’image d’un homme à la coupe de douille tel un mouton que l’on aurait oublié de tondre, en chemise blanche sous un gilet de costume, armé d’un violon au grand échiquier de Jacques Chancel en 1985, Deux ans après l’album «Tout l’Or du Monde» qui sera un très gros succès ? A 64 ans passés, le troubadour des temps modernes continue de tracer sa route et à répandre sa musique de paladin tout autour de la planète.

J’avais déjà parlé des chanteurs Canadiens dans une chronique, les Charlebois, les Leclerc, les Vigneault, les Reno, les Dufresne, je n’y reviendrais pas !

- Comment ça les Garou, les Justin Bieber ? Ha non Sonia …Voyons ! Restons sérieux !
- Pardon Claude ? si je serai place d'Italie correspondance Mairie d'Ivry pour jouer de la mandoline ? Non Dans ce quartier que tu connais pourtant, on jouerais plutôt du Dôngxião et du gǔzhēng...

A faire le tour de la planète, on trouve toujours un artiste qui vous marquera par sa voix, son style, ses textes ou plus simplement sa musique. J’en ai sûrement oublié, je n’ai pas parlé de ces artistes de secondes générations comme Sapho ou Armande Altaï. Bien que pour Sapho, un jour, elle aura sûrement une chronique...




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