Ressortir
ces bonnes vieilles galettes dont on se délectait jadis ne saurait nuire à nos
esgourdes toujours aussi voraces... Surtout quand ces mêmes galettes dorment
depuis un bon bout de temps dans un coin à l’abri des regards indiscrets...
Certaines, de par leur médiocrité ou leur aspect caricatural, préfèreraient
peut-être ne jamais être repérées, pour mieux prolonger leur repos alangui,
évitant ainsi le mange-disque jamais repu et toutes ces critiques ô combien
faciles et désinvoltes... D’autres au contraire ne demandent qu’à être
réécoutées, mâchées, assimilées, réévaluées...
Et
justement, les disques d’Oscar Peterson (1925-2007) sont ainsi faits : la
musique de ce géant du piano jazz ne demande qu'à être libérée et goutée à
nouveau… Pourtant, à l’écoute des trios du pianiste virtuose, l'amateur
remarque quelque chose d’assez étrange. Ses diverses formations en trio
dénotent une évolution certaine en termes de jeu, le pianiste assumant au fil
des années une toute autre sonorité collective. Comme disciple d’Art Tatum,
Oscar était un champion du clavier, aucun doute là-dessus ! Mais là où les
premiers trios d’Oscar avec Ray Brown et Herb Hellis (milieu des années 50)
soutenaient une cohésion de groupe en servant le swing avant tout, les suivants
notamment avec le contrebassiste Niels Henning Orsted Pedersen et le guitariste
Joe Pass se distinguaient de par une musique certes toujours aussi jubilatoire,
mais beaucoup plus performative, beaucoup plus démonstrative.
Ce
PARIS CONCERT, double album publié par Pablo et que je m'étais procuré lors de
sa sortie en 1995, illustre parfaitement cette nouvelle direction, laquelle
est, disons-le tout net, totalement assumée par le pianiste. Faut dire qu'à la
fin des années 70 (années marquées par la présidence de Jimmy Carter et le
retour des vétérans de la guerre du Vietnam…), le public fuyait les
revendications sociales et politiques longtemps propres au jazz (le free jazz
ne faisait plus recette à cette époque et rentrait dans la catégorie « musique
pour élitistes et intellectuels ».
Avec Oscar Peterson, c’était tout autre
chose. Un jazz joyeux et élégant à la fois, sans pour autant tomber dans la
faribole. Aussi, ces gars-là avaient une telle technique que le public en
redemandait toujours davantage, obnubilé qu'il était par toute cette démonstration
technique, cette virtuosité inégalée. Bref, le point commun entre ces trois
musiciens, c’est bien cela : un sacré niveau technique quitte à faire dans la
caricature... Si Joe Pass est à la guitare ce que Peterson est au piano,
N.H.O.P. est à la contrebasse ce que ses deux comparses sont sur leurs
instruments respectifs : des virtuoses qui connaissent leurs instruments sur le
bout des doigts et s'en amusent. Le résultat est à ce point vertigineux.
Cette
captation publique du 5 octobre 1978 à la Salle Pleyel n'a bien sûr rien perdu
de sa fraîcheur, ni de sa joie de vivre : le niveau des solistes est porté très
haut (« Please Don’t Talk about Me When I’m Gone », « Benny’s Bugle » ou encore
« Goodbye » dans le premier set). Et le niveau de musicalité de chacun d’eux
est à chaque fois démontré dans ce répertoire alternant morceaux péchus issus
du bop et balades savoureuses (la version de « Manha de Carnaval » est à tomber
par terre, ne serait-ce que lors de cette introduction offerte par Peterson).
Alors que la première partie de ce concert est plus ancrée dans le jeu à trois
(relances, riffs, dialogues), la seconde est nettement plus individualiste, les
musiciens n’hésitant pas à jouer seuls lors d'un morceau (ainsi en solo absolu
le pianiste enchaînera « Lou » avec « How Long Has This Been Going On », et Joe
Pass en fera de même avec « Gentle Tears » et « Lover Man »). Cela dit, on aura
droit à deux duos de toute beauté entre le contrebassiste et le guitariste,
d’abord dans « Samba De Orfeu » puis dans « Donna Lee ». Le dernier thème, «
Sweet Georgia Brown », classique des classiques, sera une mise en bouche
technique sans toutefois égaler les pièces précédentes.
Un disque qui a marqué ma jeunesse avec l’autre grand disque d’Oscar de cette époque révolue (Nigerian Marketplace). Bien des années plus tard, le contrebassiste Ron Carter sera quasiment le seul à reprendre cette formule, notamment avec le guitariste Russell Malone et divers pianistes, comme Kenny Barron, Jacky Terrasson ou encore Mulgrew Miller.
Un disque qui a marqué ma jeunesse avec l’autre grand disque d’Oscar de cette époque révolue (Nigerian Marketplace). Bien des années plus tard, le contrebassiste Ron Carter sera quasiment le seul à reprendre cette formule, notamment avec le guitariste Russell Malone et divers pianistes, comme Kenny Barron, Jacky Terrasson ou encore Mulgrew Miller.
Pas d'image de 1978, mais le "Sweet Giorgia Brown" avec ce même trio en 1985. Après les deux solos d'ouverture, le démarrage en trombe est à 3'50 !!
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