- Allo Pat ? C’est Claude ! Que fais-tu
jeudi ? J’ai pas mal de choses à te dire ! Connais-tu un petit resto sympa du coté de chez toi ?
- Heu… ! Oui j’ai ça en magasin,
mais est-ce vraiment important ?
- Oui ! Tes articles nous
donnent des problèmes avec les codes HTML,
ils nous mettent le souk dans la mise en page du blog. Il faut en parler
sérieusement.
Donc ce jeudi attendant la personne
qui m’ouvrit les portes du Déblocnot, je vois une voiture noire s’arrêter à coté
de moi avec au volant un homme à la barbe blanche et à la casquette de feutre.
Un genre d’Henri-Désirée Landru moderne, le premier homme pour la femme au foyer...
- Je dois te dire que tes articles marchent
bien, mais il faudrait que tu cibles plus sur la bande dessinée !
- Ha bon ? Ok ! Si tu le
dis !
Sur ce, après un copieux repas des
plus salutaire, je me mis au travail après avoir écouté les conseils du
patriarche de la rédaction.
On vit une époque
formidable
Tout ce que
l’on sait de lui avant de le connaître comme dessinateur, est qu’il fut
livreur chez «Nicolas » le caviste bien
connu des pochtrons français. Il
commencera à publier des dessins pour le journal interne de son
employeur ainsi que dans de petites publications comme « Blagues ». En 1960, il fait partie de
l’équipe fondatrice de «Hara-Kiri» avec Cavanna,
le professeur Choron (Georges
Bernier) et Fred, journal où il devient l’un des
auteurs les plus prolifiques. Bien évidemment, sa collaboration avec ce journal
lui ouvre les portes d'autres publications comme les «Editions
du Square», «Charlie Hebdo »,
«Charlie Mensuel» ou encore le premier journal
écologique «La gueule Ouverte» fondé
en 1972 par le pacifiste Pierre Fournier. En 1966, il entre chez «Pilote» (Mâtin !!!), il publiera
énormément de dessins et de récits pour lui-même ainsi que pour beaucoup de ses
collègues comme Gotlib, Cabu, Mandryka, Alexis et d’autres encore.
De Jeanine au gros Dégueulasse
Ce
matin en regardant dans ma bibliothèque, je suis tombé par hasard sur un album de
Reiser, tous de suite, les noms "Hara-Kiri" et Cavanna (qui
venait de décéder) me traversèrent l’esprit. Mais la question qui me vint en
tête fut : «Mais au fait ? Depuis combien de temps le bonhomme est-il
mort ?». Je me jetais sur mon ami Google et quelle ne fut pas ma surprise en
me remémorant que ce dernier nous avait quittés le 5 novembre 1983 ; il y a déjà
plus de trente ans !
Reiser, dans l’esprit des gens qui ne le connaissaient que de nom, c’était des dessins
un peu crades avec une critique des homos-sapiens que nous sommes. Reiser
c’était un dessin non-réaliste mais expressif sur des dialogues ou la justesse
était extrême. Reiser,
c’était des caricatures réalistes (pléonasme ?). Des personnages modestes
qui aiment les bonnes choses et vivant sur la base des trois B : Bouffe,
Boisson, Baise.
- Tu sais Pat, qu'en classique, les 3 B c'est Bach, Beethoven et Brahms... Pardon ? on s'en fout... Ah bon, désolé...
Le 13 avril 1941, alors que le Japon et l’U.R.S.S signent un pacte de non
agression et que les troupes allemandes entraient dans Belgrade, le petit Jean-Marc Roussillon (dit Reiser) pousse ses premier cris dans la petite ville de Réhon
(Meurthe-et-Moselle), pas loin de Longwy, ville connue pour ses faïences et sa
sidérurgie. Pas de trace de sa jeunesse dans sa biographie, même dans celle, officielle, écrite par Jean-Marc Parisis (Au demeurant excellente !) en 1995.
Il
renoue avec «Hara-Kiri» en 1967 jusqu'à l’interdiction d’«Hara-Kiri Hebdo» en 1970 avec la une sur la mort de Charles de Gaulle «Bal tragique à Colombey…». C’est à cette
époque qu’il sort son premier album aux Editions du Square «Ils sont moches».
Tous en collaborant avec «Le Monde», «Actuel»
et d’autres revues, il continue à sortir un album par an. En 1971, il sort «Mon Papa» (Mon album préféré) une série de gag en
une page d’un gamin flanqué d'un père alcoolique notoire, il fera un clin d’œil à
son ancien employeur «Nicolas».
Reiser, l’écolo qui en connaît un rayon
Reiser
était un genre de Pierrot lunaire qui croyait en l’écologie. Il voulait à tous
prix se rapprocher de la nature, mais pas d’une manière utopique, tout était
calculé. Il rejetait le pétrole, le bitume et était un anti-nucléaire forcené,
des énergies qu’il trouvait nocives. Il aimait découvrir de nouvelles techniques
et était un ardent défenseur de l’énergie solaire.
Ses
argumentations et ses dessins sur le sujet seront regroupés. un album sortira en 2010 soit 27 ans après sa mort : «L’Ecologie». Une anthologie sur le travail qu’il consacra a
son engagement contre la laideur
urbaine, la marée noire, la pollution en général. Mais Reiser était aussi un
visionnaire. Dans ces pages, il explique comment fonctionne les éoliennes et ce
qui lui tenait le plus à cœur, l'énergie solaire. 35 ans avant le sommet de Copenhague, il
se souciait des générations futures.
De Jeanine au gros Dégueulasse
Les
personnages sortis de l'imagination de Reiser pourraient se croiser dans la
rue. Ils viennent de milieux modestes et ne roulent pas sur l’or. Ils disent tout
ce qu’ils pensent, parlent sexe sans être vulgaire, argumentent sur des sujets
qu’ils ne maîtrisent pas. Jeanine est l'image d’une femme qui a trois enfants, un vocabulaire fleuri, qui s’assume, mais qui est une mère indigne, fainéante,
qui utilise autant de vernis à ongle que de gel douche, qui tient bien au chaud de
petites bêtes dans sa région pubienne et qui vit plus sur le dos que sur ses
jambes. Jeanine, une prostituée ? Non, mais elle ne serait pas loin de
tapiner pour pouvoir se payer ses clops et de quoi boire. Existe-t-elle ou a-t-elle existée ?
Le gros Dégueulasse,
lui, a bien existé. Il vivait du coté de la rédaction de «Hara-Kiri». Vêtu d’un slip kangourou jaune
devant, marron derrière, un éternel mégot au coin de la lèvre, crade, mal rasé,
un testicule qui dépasse. Le gros dégueulasse symbolise une certaine philosophie
de la vie par ses discours. Un clochard ? Oui, un homme rejeté par la
société qui garde en lui un humour féroce et noir. Un personnage rendu infect par l'existence. Un homme seul qui finira par se suicider en se taillant les veines avec un couvercle d’une boite de conserve.
Poursuivons. Un petit garçon
qui, à force de se prendre des torgnoles, va hériter d’un surnom : «Les Oreilles rouge». Encore un personnage récurrent
de Reiser, le gamin "pas de chance", l’enfant battu, et pas uniquement par ses
parents, un môme de 12 ans qui passe de
l’enfance à l’adolescence avec ce que ça comporte (De l’apparition de l’acné
au premier émoi de la masturbation), Une bande dessinée que n’aurait pas renié Freud et Françoise Dolto.
Pourtant, il est attachant ce gamin, malgré ses problèmes avec l’autorité
parentale et les embûches de la vie.
En 1981 il collabore avec le «Nouvel Obs», et avec Coluche
dans «L’Echo des savanes», ils feront «Y en aura pour tous le monde», des histoires
drôles, vieilles comme le monde, remises à la sauce Reiser. Après le décès de ce
dernier, ce sera Vuillemin qui reprendra le pinceau.
Reiser dessinera aussi l’affiche du film «La Grande Bouffe», le
film de Marco Ferreri, et celle du spectacle théâtral
«Le père noël est une ordure» en 1979. Deux albums seront portés à l’écran :
«Vive les femmes» et «Gros Dégueulasse».
35
albums en 14 années, un grand prix de la ville d’Angoulême en 1978. Un lycée professionnel en Meurthe
et Moselle porte son nom et, en 2003, pour les 20 ans de sa mort, un album tribute est sorti en son hommage.
Le
militant humaniste tendre et cruel, passionné et écologiste avant la mode,
décédera d’un cancer des os au jeune âge de 42 ans. Il laisse une œuvre considérable
immortelle dans l’esprit des lecteurs.
Il existe une vidéo dans laquelle Reiser nous fait visiter sa petite maison équipée de panneaux photovoltaïques.... En toute simplicité (Clic).
L'annonce de sa mort et une interview réalisée quelques temps avant sa mort (Clic).
Désolé pour la mise à disposition de simples liens, les codes d'intégration ont été supprimés... ?!
Je pensais avoir tout lu sur Reiser (le bon comme le mauvais), pourtant je ne connaissais pas cette facette écolo.
RépondreSupprimerD'autant plus étonnant, que je connaissais un proche de l'équipe de Charlie Hebdo (il avait même des dessins, des trucs uniques) et qui avait un peu cette approche écologique.
Amusant aussi, mais lorsque l'on lit "Reiser", on a du mal à imaginer le gars avenant, et apparemment affable - et propre -, de la séquence vidéo.