- J'entends une musique de circonstance en ce jour de vendredi saint
      M'sieur Claude, c'est une messe ????
  - Pas tout à fait Sonia, demain je vais parler de la Passion selon
      Matthieu de Bach, c'est un oratorio chanté en allemand…
  - Un opéra en somme ?
  - Oui et non, seuls le Christ et l'évangéliste ont un rôle précis, un
      oratorio s'appuie sur un livret inspiré du récit de la Passion dans
      l'Évangile…
  - Tiens… le chœur qui commence me dit quelque chose… Dans un film qui se
      passe à Las Vegas je crois, bizarre comme rapprochement…
  - Et oui Sonia, c'est le générique de Casino de Martin Scorsese, quand
      Robert De Niro saute avec sa voiture dans un geyser de flamme, au
      ralenti…
  - La jaquette de l'album est effrayante, j'ai l'impression d'avoir déjà
      vu ce tableau dans une revue d'art…
  - C'est très possible ! Il s'agit d'un fragment du retable d’Issenheim du
      peintre Matthias Grünewald, peint vers 1512. On pense à Jérôme Bosch,
      glaçant, en effet…
  
  Écrire sur un œuvre aussi importante pose de nombreux problèmes à votre
    rédacteur, ne serait-ce que la peur de trahir l'esprit de la partition ou
    les intentions des musiciens. Déjà, premier écueil, l'ouvrage de
    Bach
    dure près de 3 heures voire 4 heures dans des enregistrements anciens (Klemperer). Inutile de préciser que je ne peux qu'isoler et commenter quelques
    extraits caractéristiques parmi les plus de 80 airs, récitatifs et chœurs
    qui constituent ce que d'aucuns considèrent comme l'un des chefs-d'œuvre
    absolus de l'humanité (option musique). Et puis les choses se compliquent
    pour le choix d'un enregistrement tant l'ouvrage a été gravé par les plus
    grands, soit par des ensembles modernes au début du XXème siècle,
    soit,  
      à partir des années 60, par des ensembles baroques qui tournaient le dos à l'épaisseur romantique,
    une révolution dans le style des interprétations permise par les recherches
    de
    Nikolaus Harnoncourt
    et
    Gustav Leonhardt. Et comme il fallait bien faire un choix, c'est justement le triple album
    de 1989 du claveciniste et chef
    d'orchestre
    Gustav Leonhardt
    que j'ai retenu parmi les 9 versions que je connais bien. Pour cette
    occasion, le maestro dirige un ensemble baroque :
    La Petite Bande
    créé par en 1972 par
    Sigiswald Kuijken.
  ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
    
    Jean-Sébastien Bach
      n'est pas un nouveau venu dans les articles "classique" du Deblocnot. Dans
      l'index, on trouve déjà des articles sur : l'Art de la fugue (mon premier article…), les
      variations Goldberg,
      l'Oratorio de Noël
      et les célèbres
      suites pour violoncelle
      (Clic). La biographie et les compositions les plus essentielles de ce grand
      bonhomme ont donc déjà été bien esquissées. À l'époque baroque, les
      compositeurs comme
      Bach
      naviguent de ville en ville au gré des propositions de postes plus ou
      moins prestigieux. Par ailleurs, en cette Allemagne mi catholique, mi
      reformée, chaque noble "protecteur" peut imposer à son "employé" la
      création d'ouvrages suivant la liturgie latine ou luthérienne en langue
      allemande. Je parle des œuvres chantées. D'où l'écriture de ces
      passions
      sur des livrets en allemand d'un côté, et la
      Messe en si
      de l'autre, quintessence d'une vie de travail et conforme à l'ordinaire de
      la Messe catholique.
  
  
    Les fonctions les plus marquantes occupées par
      Bach
      se situeront à Weimar de 1708 à 1717 et surtout à
      Leipzig (Cantor de Leipzig) où il travaillera de
      1723 jusqu'à sa mort en
      1750. Ce quart de siècle
      verra la naissance des plus grands chefs-d'œuvre du compositeur : les
      concertos et œuvres pour orchestre joués dans le
      Café Zimmermann (le café "Procope" de Leipzig),
      300 cantates pour 5 ans de liturgie (un projet fou – 200 nous sont parvenus), et les
      passions
      (seules les
      Saint-Jean
      et
      Saint Matthieu
      ont été redécouvertes en entier par
      Mendelssohn). Les dernières années de sa vie, gagné par la cécité,
      Bach
      se consacrera aux recherches sur le contrepoint, en lien avec la
      numérologie, comme dans
      l'Art de
      la fugue
      (clic) et
      l'Offrande Musicale.
    
  
  
    Les temps sont durs et la protection sociale inexistante en
      1750, même pour les
      Bach.
      Anna Magdalena, sa seconde épouse qui recopiait les partitions, et lui avait donné 13
      enfants, lui survivra dix ans de manière précaire. Une légende prétend
      qu'elle mendiait sur le parvis de l'église Saint-Thomas. La passion
      d'Anna Magdalena…
    
    
    
     Comme pour nombre d'ouvrages essentiels de
      Bach, cette
      Passion
      est auréolée de mystères divers.
      Bach
      a dû achever la composition vers
      1727. Il ne semble pas que le
      maître ait reçu une commande précise pour cet oratorio qui sera créé le 11 avril 1727, sans doute le
    vendredi saint, dans l'église
      Saint-Thomas de Leipzig. Elle
      sera rejouée plusieurs fois, mais fort mal accueillie par un public
      luthérien intégriste qui accepte mal cette théâtralité de la composition
      en regard du respect absolu dû aux textes sacrés. Cela explique qu'après
      la mort de
      Bach, en 1750, la partition
      finira au fond d'un placard jusqu'en
      1829, date à laquelle le
      jeune
      Felix Mendelssohn
      redécouvre, émerveillé, le chef d'œuvre et permet sa renaissance à travers
      des adaptations données en concert. Le jeune compositeur sera très
      influencé par la structure de la partition lors de l'écrire de ses propres
      oratorios :
      Paulus
      et
      Elias.
    Comme pour nombre d'ouvrages essentiels de
      Bach, cette
      Passion
      est auréolée de mystères divers.
      Bach
      a dû achever la composition vers
      1727. Il ne semble pas que le
      maître ait reçu une commande précise pour cet oratorio qui sera créé le 11 avril 1727, sans doute le
    vendredi saint, dans l'église
      Saint-Thomas de Leipzig. Elle
      sera rejouée plusieurs fois, mais fort mal accueillie par un public
      luthérien intégriste qui accepte mal cette théâtralité de la composition
      en regard du respect absolu dû aux textes sacrés. Cela explique qu'après
      la mort de
      Bach, en 1750, la partition
      finira au fond d'un placard jusqu'en
      1829, date à laquelle le
      jeune
      Felix Mendelssohn
      redécouvre, émerveillé, le chef d'œuvre et permet sa renaissance à travers
      des adaptations données en concert. Le jeune compositeur sera très
      influencé par la structure de la partition lors de l'écrire de ses propres
      oratorios :
      Paulus
      et
      Elias.
  
   Comme pour nombre d'ouvrages essentiels de
      Bach, cette
      Passion
      est auréolée de mystères divers.
      Bach
      a dû achever la composition vers
      1727. Il ne semble pas que le
      maître ait reçu une commande précise pour cet oratorio qui sera créé le 11 avril 1727, sans doute le
    vendredi saint, dans l'église
      Saint-Thomas de Leipzig. Elle
      sera rejouée plusieurs fois, mais fort mal accueillie par un public
      luthérien intégriste qui accepte mal cette théâtralité de la composition
      en regard du respect absolu dû aux textes sacrés. Cela explique qu'après
      la mort de
      Bach, en 1750, la partition
      finira au fond d'un placard jusqu'en
      1829, date à laquelle le
      jeune
      Felix Mendelssohn
      redécouvre, émerveillé, le chef d'œuvre et permet sa renaissance à travers
      des adaptations données en concert. Le jeune compositeur sera très
      influencé par la structure de la partition lors de l'écrire de ses propres
      oratorios :
      Paulus
      et
      Elias.
    Comme pour nombre d'ouvrages essentiels de
      Bach, cette
      Passion
      est auréolée de mystères divers.
      Bach
      a dû achever la composition vers
      1727. Il ne semble pas que le
      maître ait reçu une commande précise pour cet oratorio qui sera créé le 11 avril 1727, sans doute le
    vendredi saint, dans l'église
      Saint-Thomas de Leipzig. Elle
      sera rejouée plusieurs fois, mais fort mal accueillie par un public
      luthérien intégriste qui accepte mal cette théâtralité de la composition
      en regard du respect absolu dû aux textes sacrés. Cela explique qu'après
      la mort de
      Bach, en 1750, la partition
      finira au fond d'un placard jusqu'en
      1829, date à laquelle le
      jeune
      Felix Mendelssohn
      redécouvre, émerveillé, le chef d'œuvre et permet sa renaissance à travers
      des adaptations données en concert. Le jeune compositeur sera très
      influencé par la structure de la partition lors de l'écrire de ses propres
      oratorios :
      Paulus
      et
      Elias.
  
    Le livret alterne les textes de l'Évangile, à savoir les récitatifs du
      narrateur (l'évangéliste) et les paroles du Christ,
      avec des airs et des chœurs qui traduisent de manière plus lyrique les
      interventions de la
      foule pendant le chemin de
      croix, et les prières des
      croyants. Lors de la
      rédaction de l'article sur
      l'art de la fugue, j’avais insisté sur l'intérêt que portait
      Bach
      à la numérologie et à la géométrie à travers ses compositions. La
      Passion selon Sant Matthieu
      est organisée… disons comme un arbre de décision ou encore comme les
      branches d'un organigramme d'entreprise (1 chef, 2 sous-chefs, 4
      sous-sous-chefs… etc.). Il y a une symétrie rigoureuse dans la répartition
      arborescente des récitatifs, airs et chœurs et dans le choix des
      tonalités. Il en résulte une très grande variété dans les enchaînements et
      une perfection de l’architecture "en arche" ; et on ne peut nier que
      Bach
      pensait à une tragédie grecque face à son écritoire.
      Bach
      ne pouvait pas proposer au courant
      piétiste de Leipzig une œuvre
      théâtrale avec mise en scène, personnages et figurants. On s'en doute. Il
      contourne le problème en faisant chanter les textes par au moins 6
      solistes différents, deux chœurs (adultes et garçons) et fait jouer deux
      orchestres. Pendant près de trois heures on ne s'ennuie pas une seconde
      (enfin si on aime…) grâce à ces idées de génie.
    
  
  
    ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
  
  
    
    Il n'est pas interdit de penser qu'en cette année 1989 Gustav Leonhardt
      ait médité et mûri depuis près de quarante ans cet enregistrement sur
      instruments d'époque. Un projet qui respecterait aussi les règles
      d'authenticité vocale. Un travail ardu destiné à nous faire redécouvrir la
      Passion
      telle qu'on pouvait l'entendre à
      Leipzig
      260 ans plus tôt. Lors de sa disparition en 2012,
      j'avais déjà dressé un portait de cet immense musicien, claveciniste,
      organiste, chef d'orchestre, et complice de
      Nikolaus Harnoncourt
      et du jeune
      Philippe Herreweghe
      dans la redécouverte du style baroque (CLIC).
      Gustav Leonhardt
      avait participé à la gravure de l'intégrale des cantates de
      Bach
      en compagnie de ces pionniers dans les décennies précédentes.
  
  
    Pour cet enregistrement, Gustav Leonhardt
      revient aux fondamentaux les plus radicaux du XVIIème siècle :
      la distribution vocale est exclusivement masculine. Ce n'est en
      aucun cas de la misogynie mais de la musicologie, un retour aux sources
      avec des timbres vocaux en vigueur à l'époque. Les
      sopranos ne sont pas des
      femmes mais des garçons choisis parmi les meilleurs petits chanteurs du
      Tölzer Knabenchor, et l'un des altos solistes,
      David Cordier, est un jeune chanteur du
      King's College
      de
      Cambridge
      (il fait actuellement une carrière internationale de contre-ténor).
  
  
    Pour les deux rôles principaux,
      Leonhardt
      fait appel à deux spécialistes qui ont déjà chanté et enregistré un nombre
      incalculable de fois la
      Passion selon Saint-Matthieu. La basse néerlandaise
      Max Van Egmond
      dans le rôle du Christ et le
      ténor allemand
      Christoph Prégardien
      pour camper l'évangéliste.
      Dans la distribution, on rencontre également le
      contre-ténor
      René Jacobs. Bref, n'en jetez plus…
  
  
    Nota
      : pour rassurer les ultras de la lutte contre le sexisme, je précise que
      de nombreuses instrumentistes du beau sexe sont présentes dans l'orchestre
      la Petite Bande, bien évidement.
    
  
  
    Leonhardt
      recourt à un effectif choral et instrumental très équilibré (40-50
      exécutants max). C'est un juste milieu entre les versions anciennes
      romantiques mais parfois boursouflées, et les exécutions chiches avec une
      poignée de chanteurs… On sait que Bach
      se plaignait de ne pas disposer d'un nombre suffisant de musiciens.
    
  
  
    Dire que cette parution discographique était attendue par les mélomanes
      fans de cette
      Passion est un euphémisme. Ils ne furent pas déçus ! Le mieux est d'écouter et
      d'apprécier quelques extraits. Les N° correspondent au découpage sur
      Deezer puis aux plages sur les 3 CD.
    
  
  
    N° 1 Chœur - Plage 1 CD 1:
      "Kommt…"
      :
    
  
  
    L'ouverture, haletante, oppressante, nous invite d'emblée à partager le
      tourment de la passion. Le rythme imposé par
      Leonhardt
      est régulier, un cœur bat dans cette ouverture. La respiration inquiète
      simulée par les cordes et le chant des bois naturels ne suggèrent ni
      détresse, ni angoisse désespérée. La conception de
      Gustav
      Leonhardt
      sera emplie de lumière. L'orgue positif apporte ses rayons de clarté
      sonore. Clarté pertinente, même si
       le texte est une lamentation
      ; et d'ailleurs le chef fait articuler presque avec allégresse ses
      chanteurs. Il souligne ainsi que le chemin de croix et la mort du Christ,
      dans l'esprit de
      Bach, doivent avoir lieu pour que "s'accomplissent les écritures" et
      que la rédemption nous atteigne. Le musicien n'apporte aucune fioriture
      mais propose un flot d'une belle musicalité et les voix sont d'une rare
      expressivité. Le chant des gamins est très audibles… bref, la
      perfection.
  
  
    N° 6 Air pour Alto – Plage 6 CD 1 :
      "Du lieber heiland du" :
    
  
  
    Cet air évoque le récit du versement d'un parfum rare sur la tête du
      Christ par une femme.
      René Jacobs
      chante avec douceur et sérénité ce passage de louange, l'un des derniers
      airs radieux alors que le drame se profile. La voix est souple, les
      ornementations discrètes, le continuo avec la flûte solo aérienne
      accompagne d'un bel éclat le chant du contre-ténor. (René Jacobs vient d'enregistrer sa propre vision de la passion ; je ne la connais
      pas, une réussite majeure d'après la presse.)
  
  
    N° 8 Air pour soprano – Plage 8 CD 1
      : "Blutt Mur" :
  
  
    Cet air commente la trahison de Jésus par Judas pour 30 deniers. Il est chanté par un jeune soprano du chœur
      d'enfants. J'ai toujours des craintes quant à la justesse de la ligne de
      chant avec les gosses. Cet air est un miracle. Avec un tempo vif, la ligne
      mélodique déploie un sentiment de colère. Le jeune chanteur rythme avec
      vigueur et vaillance son chant. Ses aigus séraphiques, sans écueils ni
      saturation, accentue l’indignation du propos. Le continuo ne couvre jamais
      la voix. En dirigeant ainsi le jeune soprano, Gustav
        Leonhardt
      
      gagne un pari réputé impossible.
  
  
    N° 27a Duo pour soprano et alto + Choeur – Plage 27 CD 1
      : "So ist mein Jesus…" :
  
  
    Une des pages les plus surprenantes de l'ouvrage. Ce passage intervient
      pour commenter l'arrestation du Christ. Il débute par un duo
      soprano-contralto (René Jacobs) et s'achèvent par un chœur rageur sensé illustrer la colère des
      disciples opposés à l'arrestation. Le discours musical est de fait assez
      complexe, voire chargé.
      Gustav
      Leonhardt
      assure une belle lisibilité entre les voix des solistes puis celles du
      chœur. Les traits violents de l'orchestre évitent tout pathos. Ce qui fait
      toujours merveille dans cette gravure est l'équilibre entre les voix et le
      ou les orchestres, l'absence de confusion, la présence discrète mais nette
      de l'orgue…
  
  
    N° 41a Air pour alto – Plage 10 CD 2
      : "Erbarme dich…"
      :
  
  
    Cet air commente le reniement de Pierre. Il commence par une mélopée des
      cordes avec un émouvant solo du violon.
      René jacobs
      est, comme dans la plupart des airs pour alto qu'il assume, au sommet de
      son art. Il s'affranchit de la tristesse affectée que l'on entend parfois.
      Il chante un Pierre regrettant amèrement, moins son reniement, que son
      manque de courage et de fidélité. Dans ce très bel air, le contralto
      apporte une sincérité réelle à cette confession nostalgique.
  
  
    Avant d'écrire ces quelques mots sur l'air N° 41, j'ai laissé de côté
        une diversité inouïe d'airs et récitatifs pour basse, ténors, etc… sans
        compter des combinaisons entre le chœur et les solistes. Dans cet
        enregistrement, le phrasé des chanteurs est toujours excellent. Le ton
        expressif et délié correspond bien à l'esprit du texte. Je m'aperçois
        que je n'ai encore rien dit sur les rôles principaux.
        Christoph Prégardien
        donne une vie intense et habitée à l'évangéliste. Tous ses récitatifs
        sont très articulés et animés. Le Christ de
        Max van Egmond
        répond au double impératif de la résignation face au sacrifice et de
        l'humanité. La voix est chaleureuse et ne trahit jamais une dérive vers
        l'affectation possible pour un personnage d'essence divine. À noter la
        délicatesse de l'air
        N° 49 (20-CD2) pour soprano
        accompagné d'un jeu subtil du basson, du hautbois et d'une flûte à
        bec…
  
  
    N° 65 Air pour Basse – Plage 13 CD 3
      : "Mache dich"
  
  
    C'est l'un des plus beaux et des plus longs airs pour basse. Ici la voix
      est accompagnée par une profusion orchestrale que l'on retrouve dans les
      concertos les plus riches de
      Bach. Curieusement, c'est musicalement plus vivant et coloré que dans bien
      des ouvrages religieux ultérieurs, de
      Mozart à
      Brahms...
    
  
  
    N°67 & 68 : récitatif de quatre solistes et chœur, puis chœur
        conclusif plage 15 et 16 CD 3
      :
  
  
    Encore une trouvaille tout à fait inhabituelle : quatre solistes (Basse,
      Ténor, Alto, soprano – tessiture descendante) chante un à un et en
      alternance avec une réponse du chœur un ultime verset d'adieu au Sauveur.
      Aucun chanteur ne fait preuve d'hédonisme, nous ne sommes pas dans un
      opéra mais dans l'un des passages les plus intimes, un passage qui conduit
      au célèbre chœur final (entendu par Sonia dans Casino). Fidèle à
      son souci de grande simplicité,
      Gustav
      Leonhardt
      conduit son ensemble de deux chœurs, de la maîtrise et de deux orchestres
      avec une stricte rigueur, dans une priante douceur, en ciselant chaque
      phrase.
  
  
    ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
  
  
    Il serait inepte de tenter d'établir une discographie définitive de la
      passion selon Saint Matthieu
      de
      Bach. On y rencontre souvent l'excellence et quelques petits points faibles
      inévitables dans un ouvrage aussi ambitieux qui réunit 6-7 solistes et
      plus, deux chœurs et deux orchestres, sans compter la variété de
      conceptions imaginables de la part des chefs. Certaines versions anciennes
      (1930-40) ont souvent mal vieilli par leur lourdeur romantique (Mengelberg et même
      Furtwängler…).
    
  
  
    En 1962,
      Otto klemperer, d'origine juive, mais s'étant converti au catholicisme pour entrer dans
      l'univers de
      Bach, réunit le plateau de chanteurs du siècle :
      Peter Pears
      en évangéliste et
      Dietrich
      Fischer Dieskau
      en Jésus Christ. À leurs cotés,
      Elisabeth Schwarzkopf,
      Christa Ludwig,
      Nicolai Gedda
      et
      Walter Berry. Un enregistrement avec le
      Philharmonia
      qui reste une légende pour les amateurs de grandes voix. Hélas, le
      vieux maître, en étirant le discours pendant près de 4 heures avec une
      direction sulpicienne, passe à coté du thème du sacrifice et de la
      rédemption, et nous inflige une céleste tragédie wagnérienne qui lorgne
      vers
      Parsifal. (EMI – 4,5/6).
    
  
  
    Avec un plateau de chanteurs aussi investi et le
      Concertgebouw d'Amsterdam,
      Eugen
      Jochum
      apporte plus de ferveur et de majesté à son enregistrement pour
      Philips en
      1965. Spirituellement sublime
      (pas surprenant), mais les 3 CD sont difficiles à trouver et le son un peu
      feutré (Philips – 5/6).
  
  
    À mon humble avis, la gravure mono de
      1950 d'Hermann Scherchen
      à Vienne reste le modèle de
      la transition entre les versions à l'ancienne et celles de l'école
      baroque. J'avais déjà parlé de ce chef qui comprenait plus qu'un autre la
      magie, la numérologie, et les secrets de la polyphonie de
      Bach. Avec des effectifs réduits et les chanteurs géniaux de cette époque,
      Scherchen
      redécouvre les tensions poignantes et métaphysiques oubliées et prépare
      ainsi l'arrivée des baroqueux. Le son mono remasterisé est parfait. Les rééditions sont hélas chaotiques (Millennium Classics
      - 6+/6).
  
  
    
    Curiosité
      : en 1992,
      Christoph Spering
      a enregistré la version établie par
      Mendelssohn
      et jouée en 1841 avec des coupures. C'est réservé aux passionnés de
      l'œuvre dans mon genre. Je vous ai épargné la jaquette qui représente… un
      fauteuil style Ikea ?!?!?!?! (Naïve
      - 4/6). Oh et puis si, je craque pour détendre le propos... Quelqu’un
      peut-il m'expliquer le rapport avec le sujet ?
  
  
    Autre merveille (il y a un consensus), l'entreprise de
      Paul McCreesh
      en 2003 consiste, à partir de
      travaux des musicologues Joshua Rifkin et
      Andrew Parrott, à recourir à des effectifs minimalistes. Chaque chœur est chanté par un
      quatuor de voix, une par tessiture. Les airs sont chantés par six
      chanteurs, solistes un à un, mais aussi éléments du double chœur réduit
      ainsi à 2x4 chanteurs. La conséquence : une intelligibilité du texte
      remarquable. Les tempos sont rapides. Le jeu entre les instruments
      surprend par l'intimisme douloureux qui se dégage. Déroutant au départ,
      Paul McCreesh
      offre une relecture où le moindre risque d'emphase mystique a totalement
      disparu ! Un thriller liturgique magnifié par le
      Gabrielli Consort et 8 chanteurs d'exception dont
      Magdalena Kozena (Archiv - 6+/6).
  
  
    Je ne peux faire l'impasse sur les deux enregistrements de
      Philippe Herreweghe, grand chef de chœur (formé à l'école de
      Harnoncourt
      et
      Leonhardt) et chef scrupuleux. Le second enregistrement de
      1999 surpasse à mon sens le
      premier par sa ferveur dramatique et une lisibilité des voix excellente.
      La prise de son est splendide. C'est une alternative à la conception
      exclusivement "masculine" de
      Leonhardt. Le chef belge adopte avec le
      chœur (mixte)
            et l'orchestre du Collegium Vocale
      un staccato et une articulation qui éclaircit le flot sonore. Point noir :
      le Jésus par trop prophétique
      et outré de la basse
      Franz-Josef Selig. On aurait préféré
      Peter Kooy, complice habituel de
      Herreweghe dans les cantates. (Harmonia Mundi
      - 5/6).
  
  
    Il faudrait citer
      Harnoncourt
      chez
      Teldec,
      Rilling,
      Richter… Comme l'écrivait un critique : rarement un nouvel enregistrement se
      révèle inutile. Il complète le patrimoine…
  
  
    ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
  
  
    4 Vidéos
      : les deux parties de la
      Passion selon Saint-Matthieu dans l'enregistrement
      d'Hermann Scherchen
      de 1950.
      Bach
      au tournant de l'ère romantique et de la révolution baroque. Cette vidéo a
      été réalisée avec le plus de soins possibles à partir de vinyles… ; soyez
      indulgent. (Le report en numérique sur CD est lui, miraculeux.) Un concert
      de Gustav Leonhardt.  Puis un concert de
      Philippe Herreweghe
      à Cologne avec le
      Collegium Vocale de Gent.
      Christophe Prégardien
      chante l'Évangéliste.
  
   











 

Un modeste apport venu du fond des alpages chablaisiens
RépondreSupprimerClaude TOON semble ne pas connaître une version récente
et à mon avis remarquable
par René JACOBS
avec le RIAS KAMERCHOR
et l'académie für Alte musik Berlin
chez Harmonia Mundi
Mais bien sur Gustav Leonhardt reste la réincarnation de BACH
et pas seulement au cinéma (le BACH film)
Bon, je retourne brouter l'herbe encore rare
signé : BIDULE (mouton de Bernex)
Cher Bidule !
RépondreSupprimerLisez avec plus d'attention mais articles fort complet. J'ai écrit à la fin du paragraphe consacré à l'air d'alto (N°6) :
"(René Jacobs vient d'enregistrer sa propre vision de la passion ; je ne la connais pas, une réussite majeure d'après la presse.)"
Hors, j'avais écrit la semaine passée cette chronique, et un ami m'a prêté samedi ce disque Jacobs.
En deux mots :
- Prise de son magnifique, pour moi, c'est important...
- Couleurs de l'orchestre idem, Théorbe bien venu
- Soprano qui, hélas, chante ses airs comme dans une opérette du XIXème siècle !?!? Jolie voix cela dit.
- Esprit général qui fait penser à l'oratorio de Noël. Après tout, pourquoi pas, joie et espoir de la résurrection et de la rédemption sont des leitmotiv. Mias c'est quand même une "Passion" à l'origine :o)
En résumé : comme j'ai également écrit : aucune version n'est inutile, cette version Jacobs en particulier qui tourne définitivement le dos à des affres sulpiciens d'avant Vatican II.... (heuuu, c'est vrai que c'est une œuvre luthérienne, mais on comprendra...) Note perso : 5/6
Merci à toi cher génie des alpages
béee !!!
SupprimerIl semble bien que la Passion selon Saint Matthieu ait été donnée pour la 1ere fois en 1727, et non pas 1729. Dans deux ans, ce sera d'ailleurs le tricentenaire de sa création. Depuis 2014 et la publication de cet article bien intéressant pour un passionné de cette œuvre, et aussi de la Passion selon Saint Jean qui est différente, mais qui n'a rien à lui envier d'un point de vue qualitatif, bien des versions de cette sublime Passion ont été enregistrées, ce qui fait qu'aujourd'hui, le choix des bonnes versions est assez vaste.
SupprimerUn coup de cœur pour moi, la version de l’Ensemble Pygmalion et son chef Raphaël Pichon.
Juste sublime!
Oui en effet, le 11 avril 1727 d'après un site Web. Je vais modifier le texte...
SupprimerMerci pour ce commentaire... J'en profite pour mettre à jour les vidéos et tenter la version de Raphaël Pichon.