Au
début des années 70, la déferlante celtique envahit la culture française. J’avais
déjà parlé de la musique bretonne dans une précédente chronique (CLIC), mais je
voulais revenir sur ce groupe qui, depuis plus de quarante ans, continue à rependre
la ar brezhoneg (la langue bretonne) à travers les six coins de l’hexagone (Et
pas quatre comme aurait dit Guy Lux à une
époque !).
L’amitié
se noue immédiatement. Ils décident de se réunir pour un festival folklorique
le Folk Song 70. Le trio n’a pas encore de nom, alors qu’ils ce produisent un
soir d’octobre 1971 dans un bal
breton à Plouharnel, un amis danseur en rigolant les surnommes les Tri Yann An
Naoned (Les trois Jean de Nantes). Invité au festival de Kendalc’h,
Jean-Louis Jossic demande à Bernard Baudriller, professeur d’anglais dans le même
collège de les rejoindre comme contrebassiste.
Les Tri Yann
(qui devraient s’appeler les Pevar an Naoned, les quatre de Nantes), tournent
dans les M.J.C et les centres associatifs de la région Nantaise. Ce qu’ils
veulent, c’est faire sortir la musique Bretonne de son ghetto et faire revivre
le sentiment de «Bretonnitude» en Loire-Atlantique.
Tri Yann un groupe d’amateurs
En 1972, dans un bal breton au profit de
la langue bretonne, leur route croise celle de
Gilles Servat qui leur propose d’enregistrer un album
sur son label Kelenn avec lequel il avait enregistré «La Blanche Hermine». Les finances
de la jeune entreprise encore peu solide, la production de leurs premier album
«Tri Yann An Naoned» ne sera que de
500 exemplaires, les membres du groupe casseront leurs tirelires pour en faire
presser 500 autres qu’ils vendront «Au
cul du camion». Le soir d’un concert gratuit pour la
reconstruction de la cathédrale de Nantes qui avait été incendiée, ils sont à
l’affiche avec Gilles Servat et Glenmor. Leurs album se vendra comme des petits pains,
ce qui leur permettra d’investir dans un camion pour sortir leur musique hors
de Nantes.
En
vacance en Bretagne, Jacques Caillart, le
directeur de Phonogram France
découvre le disque et décide de les distribuer, il découvre en même temps Gilles Servat et achète le catalogue Kelenn. La promotion du disque sera
ciblée sur le morceau «Les prisons de Nantes» qui passera sur les ondes d’Europe 1.
En
décembre 1972, ils font la
première partie d'un spectacle de Juliette Gréco à l’Olympia.
Leurs activités musicales étant de plus en plus chargées, les profs Jossic et Baudriller
abandonnent les bancs de l’école, et Corbineau et
Chocun eux aussi quittent leurs activités
professionnelles. En janvier 1973,
ils deviennent officiellement professionnels, ce qui permet à Phonogram de s’occuper de leur promotion.
Phonogram organise un Musicorama à
l’Olympia en compagnie de Gilles Servat et Diaouled Ar Menez le
groupe phare des fest-noz bretons des années 70 que rejoindra plus tard Mélaine Favennec. Le succès leur ouvre les portes
de l’Olympia en tête d’affiche au festival Keltia 73 pour 8 jours. Mais ce ne
sera pas le triomphe escompté. Idem pour leurs second album «Dix ans, dix filles» qui sera un échec. Une
tournée d’été de 40 dates sous chapiteau des artistes du catalogue Kelenn est organisée.
Tri Yann
à de plus en plus de succès, leur prestation scénique reste le temps fort de
leurs concerts.
En 1974 alors que la mode Bretonne a
tendance à s’essouffler, c’est à cette époque que le groupe s’envole sur les
chemins du succès avec un troisième album «Suite
Gallaise» produit sous leur propre label Marzelle. Ils s’électrisent et leur gros succès sera «La découverte ou l’ignorance» deux ans plus
tard, un album qui sera rapidement disque d’or. Le groupe prend de l’importance en France
et à l’étranger. Les compositions changent, le mélange d’instruments celtes anciens et contemporains amène une nouvelle sonorité au groupe. Ce
sera la valse des batteurs jusqu'à l’arrivé de Gérard
Goron en 1977.
Les concepts albums
En 1978 alors que le groupe tourne de plus
en plus souvent à l’étranger comme au festival de Nyon, ils sont à l’affiche
avec Fairport Convention sort l’album «Urba» qui contient le titre «Le soleil est noir», une chanson référence à la catastrophe pétrolière de
l’Amoco Cadiz (200 000 tonnes de brut dans la Manche !!). Un album qui confirme que le groupe peut sortir du carcan du
folklore celtique et faire dans la satire de notre société urbanisée.
Commencera
le manège des membres du groupe, en 1979
Jean-Paul Corbineau s’efface pour quelques mois,
il sera remplacé par Mylène Coue. En 1981, ils s’en prennent au nucléaire et
soutiennent les émeutes de Plogoff (L’état français voulait implanter une
centrale nucléaire sur le site) ils sortiront «An
Heol a Zo Glaz (Le soleil est vert)» avec le titre «Kan Ar Kann» (En Breton, chant de combat)
parle de la lutte des habitants de Plogoff contre la centrale.
En 1983, la presse Allemande décerne à Tri Yann
le prix de la critique du disque (Preis
Der Deutschen Schallplattenkritik).
En août sort «Café du bon coin» qui
mélange les influences médiévales et rock avec deux très beau titres : «La ville que j’ai tant aimée» et «Les chevaux de Méné-Bré». Ils reçoivent le
Triskell d’Or qui rend hommage à leur créativité. En 1985, pour fêter les 15 ans du groupe, sort leurs premier live «Anniverscène» enregistré à la Nantes… Évidemment.
C’est à ce moment que Bernard Baudriller décide
de quitter le groupe, il est remplacé par Louis-Marie
Seveno surnommé Loumi, en plus de la
basse, il est violoniste et joue de la flûte Irlandaise.
Il
faudra attendre 5 longues années pour retrouver une galette de cire des
Nantais. En 1988 ils sortent le
double album «Le vaisseau de pierre». Un
opéra folk-rock inspirée d’une B.D de Pierre Christin
et Enki Bilal. Un spectacle qui mettra en scène
150 marionnettes géantes, un bagad et des ballets africains. La tournée
s’arrêtera, faute de moyens financiers. Mais la bonne nouvelle, c’est le
guitariste Jean-Luc Chevalier (Ex. Magma) qui
rejoint Tri
Yann,
sa maitrise et ses influences rock moderniseront la musique du
groupe. En 1990, ils reçoivent la
médaille de la SACEM pour leurs 20 ans de carrière.
Ils espacent
leurs enregistrements, mais n’arrêtent pas de tourner. Le public est moins
nombreux mais très fidèle. En 1992
arrive Christophe le Helley, au clavier, mais
aussi aux instruments médiévaux et à la harpe celtique ; de plus c’est un
jongleur qui apporte beaucoup au spectacle, je me souviens l’avoir vu sur scène
jongler avec des massues enflammées.
Portrait d’Inventaire
1993,
c’est l’heure du bilan, la compilation «Inventaire» reprend
l’histoire du groupe avec les morceaux les plus significatifs de leurs
carrières. Une vidéo du même nom est tournée lors d’un concert dans la
région Nantaise.
1995 «Portrait» sort. Un album avec six titres qui retrace la vie de Guillaume Seznec condamné à plus de 20 ans de bagne pour un crime sans motif, sans preuve et surtout sans cadavre. C’est à cette époque que j’ai vu Tri Yann deux fois de suite en scène dans la capitale (Bataclan et Olympia) avec cet album à l’affiche. Une tournée qui sera sold-out, une salle de l’Olympia sans fauteuil pour permettre au public de danser. Mais surtout, un final de concert sur l’histoire de Seznec, le Dreyfus Breton, avec Denis Seznec son petit fils sur scène venu lire la lettre (L’Adieu) de son grand père qu’il écrira à sa femme avant son départ au bagne. Grand silence et grand moment d’émotion dans la salle ou on aurait entendu voler une mouche. «Portrait» l’album qu’il faut dans sa discothèque.
«Inventaire vol. 2» est mis sur le marché. 1996, les tournées avec succès s’enchainent, deux dates dans un Zenith bourré à craqué, ce qui nous donnera leur second album live tout simplement appelé «Tri Yann en concert» avec les contes (Madeleine Bernard) que Jean-Louis Jossic raconte sur scène. Une nomination au 12ème Victoires de la musique. En 1998, c’est l’heure des concerts avec l’Orchestre National Symphonique des Pays de Loire ou ils jouent une parties de leur répertoire mais aussi d’autres compositeurs bretons et qui donnera un très beau C.D : «La Tradition Symphonique». Christophe le Helley quitte le groupe suivi par Louis-Marie Seveno l’année suivante. Arrive Konan Mevel à la cornemuse et à la veuze, Fred Bourgeois au clavier et Christophe Peloil au violon et à la basse. Jean-Paul Corbineau s’absente de mai 2000 à janvier 2001, il est remplacé par Bleunwen Mevel, il revient pour le douzième album «Le Pélégrin». Entre 2001 et 2011, seulement 3 albums studio, deux live dont un «La Tradition Symphonique 2» et un double live pour le quarantième anniversaire, et pas moins de cinq compilations.
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