Nouvel album du songwriter belge Laurent Leemans, alias "The Imaginary Suitcase" après "Full moon fever" l'an passé (clic), Laurent qui est par ailleurs membre du groupe Ceili Moss. La recette n'a pas changé, toujours cette voix qui en impose, soutenu par des arrangements minimalistes, une musique introspective, poétique et belle autant que sombre, chargée de blues, de folk, de country, de rock épuré qui fait passer des émotions, et donne la chair de poule souvent.
Ce nouvel album est dans la lignée du précédent, à noter une sublime reprise dépouillée du "Ashes to ashes" de Bowie (sur "Scary monster") ; un morceau cetle à la Pogues ("A plausible lie")pour faire danser dans les tavernes de Dublin, pardon de Bruxelles et un morceau a capella ("Before I knocked") qui montre qu'avec une telle voix point n'est besoin d'artifices pour créer l'émotion. Encore un bel album.
Mais pour mieux découvrir ce singulier artiste le mieux est encore de lui donner la parole, ça tombe bien il est ici avec nous..
- Bonjour Laurent. D'abord pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas peux tu brièvement te présenter? Quel fut ton parcours musical?
Salut
JL, et tous les visiteurs! Je suis Laurent Leemans, né à Bruxelles
quelques mois avant la mort de Jim Morrison (et je ne crois pas aux
coïncidences), et pour faire court, mon parcours a commencé en 1990 dans une
mauvaise imitation des Bérurier Noir
qui s'appelait Moïse et les Manches de
Pioches, avant de passer à quelque chose de plus sérieux en 1992 au sein de La Vierge du Chancelier Rolin, un
groupe inspiré par e.a. And Also The
Trees, Legendary Pink Dots et Philip
Glass, qui a récolté un certain succès d'estime en Belgique jusqu'à ce que
différentes conneries fassent que ce projet tourne au vinaigre en 1999.
Entretemps, j'avais aussi rejoint en 1996 le groupe folk-rock Ceilí Moss (en bref, le chaînon
manquant entre les Pogues et Louise Attaque) qui est toujours actif
aujourd'hui. The Imaginary Suitcase,
ça a commencé fin 2010, mais n'a d'abord été qu'un concept vague. Ca fait deux
ans que je travaille sérieusement sur ce projet.
- Pourquoi
"la valise imaginaire", que représente t'elle? Les voyages? Et que
contient elle?
Ah, le nom
vient de la toute première démo que j'ai faite en 2010. Elle s'appelait "Laurent and the imaginary friends
ensemble", ce qui était juste un clin d’œil au fait que j’avais tout
fait tout seul. Je ne m'attarderai
pas dessus, cette démo était malfichue, bancale, bâclée et il n'y a que deux
chansons qui sont encore écoutables aujourd'hui. Mais ça m'a donné l'idée
d'appeler le projet The Imaginary quelque chose, alors j'ai brainstormé avec
mon chat, et l'idée de la valise imaginaire, remplie des images de la vie telle
qu'on aurait voulu qu'elle soit, qui idéalement est juste assez lourde pour
t'éviter d'être emporté par le vent et dans laquelle tu vas piocher de l'espoir
quand tu en as besoin, ça me plaisait. C'est donc une valise qui n'implique pas
forcément de voyages, sauf intérieurs.
- Ceili
Moss joue plutôt un folk celtique, comment un belge arrive t'il à cette
musique?
J'ai
toujours beaucoup aimé Alan Stivell.
Je suis pas forcément fan de folk, mais Stivell, il a quelque chose en plus. Et
j'ai rejoint Ceilí Moss simplement
parce que les deux membres fondateurs étaient des copains, et quand il y a eu
une période un peu creuse avec la Vierge (qui était en fait le commencement de
la fin de ce groupe), ils m'ont proposé de les rejoindre. Et j'ai appris à
connaître le folk en en faisant. Je trouve qu'il y a dans le fond celtique une
profondeur que je ne retrouve pas dans d'autres traditions musicales. Les
celtes, que ce soient les irlandais, les bretons, les écossais ou les gallois,
ont continué à faire évoluer leur folk au long du 20e siècle, tandis que la
plupart des autres se figeaient dans un académisme assez stérilisant. Mais ça
n'engage que moi, bien sûr, je ne voudrais pas avoir les corses ou les
auvergnats sur le dos ;)
- Et
pourquoi ce projet parallèle, pour aborder d'autres styles?
J'écris
beaucoup de chansons, et toutes ne sont pas retenues par Ceilí Moss. A un moment, j'ai eu envie de les faire exister aussi.
TIS a donc commencé avec des rebuts ... Je n'en attendais pas grand-chose comme
retour, et puis il y a eu des commentaires élogieux, alors je me suis dit qu'il
y avait peut-être un potentiel. Bizarrement, pour moi, quand je compose, il me
semble quasi toujours facile de distinguer quelles chansons seraient plus
appropriées pour The Imaginary Suitcase,
et lesquelles colleraient mieux à Ceilí
Moss. Ce qui veut dire que TIS est
désormais un projet à part entière, parallèle et complémentaire à Ceilí Moss.
- La
musique que tu joues dans The Imaginary
Suitcase est assez sombre, pourquoi? Et -question classique- quelles sont
tes influences?
L'une des
raisons pour lesquelles ces chansons n'étaient pas retenues par Ceilí Moss était justement qu'elles
étaient trop caverneuses et tourmentées. Non pas que Ceilí soit une groupe
sautillant, guilleret et superficiel, mais il a une identité sonore plus énergique,
festive, tout-à-fond. J'y exprime mon côté mordant et cynique avec des paroles
assez "dans-ta-face", alors qu'Imaginary me permet d'exprimer un aspect
plus introverti de ma nature et de mon écriture. Je suis un gros angoissé,
humaniste misanthrope (c'est à dire que le décalage entre ce que les humains
pourraient faire et ce qu'ils font me désespère), et ça rejoint mes influences,
qui sont à chercher du côté de Morrissey,
Nick Cave avant qu'il ne devienne pleurnichard, 16 Horsepower et Wovenhand, The The, The Jesus & Mary Chain, Joy Division, Swans, tous de
joyeux turlurons, n’est-ce pas.
- Pour les
auditeurs non anglophones, de quoi parlent tes textes, quels sont tes sujets de
prédilection?
Il est
beaucoup question de relations humaines qui ne fonctionnent pas, qui sont comme
des pièces carrées qu’on s’obstine à vouloir faire entrer dans un orifice
circulaire. Relations amoureuses ou humaines en général. Je n'adore pas donner
une grille de lecture de mes textes parce que j'aime que l'auditeur se fasse
son propre film avec sans se sentir obligé d'interpréter "comme il
faut" (bouh, quelle horrible expression). Je suis du genre à trouver qu’à
partir du moment où tu lâches ton œuvre dans la nature, elle ne t’appartient
plus complètement. Et ce qui me fait le plus plaisir, c’est quand un auditeur trouve
dans une chanson quelque chose que je n’avais pas (consciemment) pensé y
mettre.
- Qu'est
ce qui a motivé ton choix de reprendre le Ashes to ashes de Bowie ? superbe
version d'ailleurs.
Merci!
"Ashes to ashes" (comme "Bring on the dancing horses" d'Echo & the Bunnymen, que je
reprends aussi sur l'album) est une chanson qui a beaucoup compté pour moi. Je
viens d'une famille de mélomanes avertis, mais qui méprisaient copieusement la
pop et le rock, surtout mon père. Et rien de ce qui passait à la radio ne me
faisait grimper aux murs, jusqu'au jour où j'ai vu cette vidéo de Bowie. J'avais
jamais rien vu ni entendu de semblable. Ca a commencé à fissurer mes à prioris,
et plus tard, c'est Echo, "she
sells sanctuary" de The Cult et "wasteland" de The Mission qui les ont de façon spectaculaire fait exploser
complètement. The Imaginary Suitcase me permet aussi justement de faire des reprises de chansons que j'aime, car les autres de Ceilí Moss ne sont pas très portés là-dessus.
- Sur ce
dernier album, as-tu tout fait tout seul de A à Z ? Et est plus ou moins
difficile de mener ainsi un projet solo qu'au sein d'un groupe?
TIS est un
pur egotrip! De la composition aux instruments en passant par les photos de
pochette, le site web et le booking, je fais tout entièrement seul excepté la
seconde voix sur la dernière plage, qui est celle de Cécile Gonay, une
excellente musicienne sous le nom de Seesayle
(http://www.seesayle.be) et une chouette amie qui sortira son second album au
printemps. J'adore trop faire ça! Et j'adore contrôler tout le processus et
pouvoir avancer sans autres limites que celles de mes propres capacités. Mais
avec Ceilí, j'adore aussi voir une idée se développer, être assimilée, digérée
et reconstruite par d'autres pour finir par devenir quelque chose de parfois
très différent de ce que j'imaginais. C'est très excitant! Ma principale
contrainte, c'est le temps... entre le boulot (celui qui paye les factures),
mes enfants et dormir un peu quand même, ça demande de la concentration et de
l'organisation.
- La scène
belge semble assez dynamique sur les plans rock, blues et alternatifs, le
public est-il plus ouvert qu'en France où la variété domine ? Et as-tu quelques noms de groupes ou
artistes belges en devenir à nous faire découvrir?
Il faut
bien faire la différence entre la Flandre et Bruxelles (et un peu Liège) d'un
côté où la scène a toujours été active, créative et organisée, où il y a
pléthore de lieux où jouer (pas toujours dans des conditions top, mais au moins
il y a des lieux), où il y a un public curieux et affamé, et le reste de la
Wallonie qui était jusqu'il y a peu un authentique désert musical. C'est
vraiment le festival de Dour qui a fait bouger les choses, mais jusqu'à la fin
des années 90, il n'y avait quasiment nulle part où jouer, et surtout les rares
médias, labels et organisateurs de concerts étaient les premiers à massacrer l'éventuel
groupe wallon qui aurait tenté de percer. On a beaucoup souffert du temps de La Vierge du Chancelier Rolin,
de se
voir très souvent rembarrés ou traités comme des ploucs dans notre
propre région, alors que n'importe quel groupe flamand recevait un
triomphe romain dès son premier single. Ca peut sembler revanchard, ce
que je
dis, mais pour être juste, la situation
est en train de changer à une vitesse folle, au point que c'est un peu
l'excès
inverse, n'importe quel niaiseux de Wanfercée-Baulet qui tient une
guitare sèche ou un Casio recevant des éloges parfois outranciers, mais
on vient de très très
loin et il reste du boulot pour que le public apprenne à sortir de ce
que les
médias mainstream lui prédigèrent.
Pour ce qui
est des suggestions, outre Cécile citée plus haut, je vous invite à découvrir (cliquer sur les noms) Carabett , Floatstone ,
The Monotrol Kid , Doosra
et Bartaba .
Ce sont tous des amis, parfois très proches, mais aussi des gens qui ont un son
vraiment personnel et intéressant. Je conseille aussi Flying Horseman ,
Absynthe Minded , Love like birds, Arid, Kiss the anus of a black cat (bien que
ce soit le nom de groupe le plus improbable que je connaisse ) ou Catherine Graindorge que vous connaissez peut-être car elle a bossé avec Hugo Race ou sur le
récent album de Détroit.
- Et bien
merci Laurent de nous avoir permis de faire plus connaissance. Si tu as quelque
chose à ajouter…..
De par mon
métier (celui qui sert à ne pas vivre sous un pont), je suis de très près la
presse française et internationale, et je n'ai jamais, jamais vu un pays
s'autoflageller comme vous le faites depuis deux ans. De Libé au Figaro et du Point au Nouvel
Obs, c'est proprement ahurissant comment ils cognent tous comme des ânes enragés sur tout ce qui est hexagonal.
Alors je veux bien que vous avez sans doute pêché par arrogance dans le passé,
mais quand même les gars, faut arrêter à un moment, vous avez un pays que presque
tout le monde vous envie, merde ! (sauf nous les belges, parce que les
meilleurs, c’est nous, mais comme on est gentils, on voulait pas vous faire de
la peine ;))))))))))))))
Propos recueillis par Rockin-JL
Pour commander, écouter, voir des vidéos, dates de concert, faire un tour sur son site:
theimaginarysuitcase.be
Pour commander, écouter, voir des vidéos, dates de concert, faire un tour sur son site:
theimaginarysuitcase.be
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire