Mountain. Voilà
encore un nom qui n'évoque plus grand chose aux jeunes
amateurs de musique bourrue. Pourtant, il fut un temps où
l'évocation de son nom remplissait les salles et attirait du
monde dans les festivals. C'était un des ténors du
Hard-Blues américain.
Son histoire est
liée à celle de Leslie Weinstein : un jeune garçon,
grand et gras, à l'allure d'ogre, fan de Blues et de Cream.
West, époque Vagrants |
Leslie entra dans la vie active en travaillant pour un bijoutier de New-York, mais son cœur était pris par la musique du diable. Ainsi la légende dit que lors de ses pauses pour déjeuner, il prit l'habitude d'admirer les guitares exposées en vitrine ; un jour, il reprit son poste avec retard, ce qui lui valut son renvoi. Qu'importe. Ainsi il put se consacrer entièrement à la musique via The Vagrants. Un premier groupe où son frère, Larry West, officiait au chant et à la basse.
En 1966, The
Vagrants parviennent à avoir deux tubes mineurs, limités
à la côte Est, dont une énergique reprise de
« Respect » d'Otis Redding. C'est Felix
Pappalardi, le producteur attitré de Cream ( il a travaillé sur « Disreali
Gears », « Wheels of Fire » et
« Goodbye »), qui les produit. La musique des
Vagrants oscille alors entre Rock-garage, beat musclé et Soul.
En concert, le groupe n'hésite pas à se lâcher,
se muant parfois en formation proto-Hard, encouragé par la
guitare de Leslie qui prenait alors des tonalités bien plus
agressives et sauvages. A un moment, Leslie s'était confectionné une
cape de plumes pour son costume de scène ; ce qui lui valut
l'attention de Bill Graham qui le compara à un « canari
psychédélique de 150 kilos » (toutefois,
cela permit que Graham se souvienne de lui lorsqu'il participa à
l'organisation d'un festival en août 1969).
The Vagrants est
présent sur la fameuse compilation Nuggets.
L'album sorti sur
le tard (le bien nommé "The Great Lost Album", en 1987) regroupant tous leurs enregistrements, plus
quelques prises live, démontre tout le potentiel de ce jeune
groupe.
Felix Pappalardi devait produire le premier disque des jeunes et prometteurs Vagrants. Mais il y a déjà des dissensions et le groupe éclate. Toutefois, Pappalardi, séduit par le potentiel de Leslie West, lui propose alors d'enregistrer un disque. De la sorte, en 1969, Leslie West réalise un premier album solo, sobrement intitulé « Mountain » produit donc par Felix Pappalardi. Ce dernier, totalement impliqué dans le projet, joue de la basse et des claviers, et participe à la composition de la plupart des titres, parfois aidé de sa compagne, Gail Collins. Si l'album est encore un tantinet hésitant, il pose déjà toutes les bases d'un Hard-blues lourd et brutal, empreint de rage et de frustration, aéré de touches psychédéliques canalisées, qui vont faire le succès et la marque de Mountain, le groupe.
Felix Papparladi, qui avait déjà produit deux 45 tours des Vagrants,
avait depuis longtemps pris toute la mesure du talent de Leslie West.
Et à partir de la réalisation du premier essai en solo
de West, il ne le lâcha plus. C'est l'occasion ou jamais pour
qu'il puisse enfin s'exprimer sur scène, démontrer que
lui aussi a de réels talent de musicien. Il a déjà
trente ans en 1969 (âge déjà avancé pour
se vouer à une musique privilégiant l'électricité
à cette époque) et Leslie West serait le partenaire
idéal pour le suivre dans cette expérience. Tout se
fait rapidement. Felix et Leslie décident dans la foulée
de monter un groupe pour poursuivre l'aventure, et donner vie à
cette musique sur scène. Ils baptisent leur formation
Mountain, le titre de ce premier effort solo., et convient autant à la musique délivrée qu'à la stature imposante de West.
L'album solo,
« Mountain », sort dans les bacs en juillet
1969, et, déjà, le groupe Mountain se produit au
festival de Woodstock le mois suivant, en août, avec quelques
nouvelles pièces dont « Mississippi Queen ».
Après cette performance historique, le collectif se consolide autour de Laurence « Corky » Laing à la batterie, un « vieil » ami de West. Et de Steve Knight aux claviers.
En mars 1970,
Felix et Leslie lance, décomplexés, à la face du monde de la musique, « Climbing ! », le
premier véritable album de Mountain, un manifeste de Hard-blues psyché
teigneux.
L'album s'ouvre
sur une pièce binaire, primaire même, « Mississippi
Queen », déjà présente lors de la
prestation de Woodstock, et certainement la pièce la plus
connue du groupe (la plus facilement mémorisable ?). Le riff
est épais, lourd, d'une simplicité effarante, chargé
d'une fuzz bien grasse, débordant du spectre sonore. La basse
se cale dessus pour épaissir le son, donnant alors un aspect
fort pesant, pachydermique. Leslie, à l'avenant, éructe
comme jamais, tel un ogre enragé (toutefois moins qu'en
concert où il vocifère carrément). Steve se fait discret, comme terrifié par cette
déflagration sonore, égrenant un timide triolet, à
peine audible, entre les coups de ramponneau de Leslie. En
compensation, les soli sont sautillants et moins saturés.
L'archétype du titre Hard-Rock simple, puissant et
foncièrement agressif. Il y a là encore dans le fonds du Blues, mais le Heavy-Metal n'est pas loin.
Suit « Theme for an
Imaginary Western », un autre grand classique que Leslie
réenregistrera. Une composition à l'origine de Pete
Brown et de Jack Bruce (et cela s'entend dans le chant) entre Procol
Harum, Jack Bruce et Cream. Le chant de Pappalardi, malgré
quelques faiblesses lorsqu'il essaye de maintenir la note, fait
preuve d'un certain lyrisme, certes naïf, mais qui permet
d'aérer la musique brutale de Mountain, de lui insuffler une mélodie.
Ainsi Leslie et Felix alternent entre le chaud et le froid,
l'agressif et la – toute relative – douceur. Cette première
version est néanmoins grevée par la guitare sur-saturée
couvrant le pauvre et timoré Steve Knight qui semble faire son
possible pour se faire entendre. Les versions suivantes, dont les
live, seront meilleures. Leslie y joue un de ses plus beaux soli,
tout en feeling. « When
the wagons leave the city, For the forest and futher on, Painted
wagon of the morning ; Dusty roads where they´ve gone ;
Sometimes travelin´ through the darkness, At the summer comin´
home, Foreing faces by the wayside, Look
as if they hadn´t known ; All the sad was in their eyes, And
the desert that´s dry, In a country town , Where the map
was found »
Outre Jack Bruce,
cette chanson sera reprise par Greenslade et Colosseum.
Encore un classique avec « Never in my Life » qui renoue avec le Hard-blues lourd et offensif. Bien moins primaire que le premier, il est un tantinet plus remuant grâce à sa batterie tribale. Cette pièce aurait gagné en finesse si Pappalardi avait mixé les quelques parties de claviers ne serait-ce qu'un petit degré plus en avant. Mais, apparemment, son but était d'envoyer la purée, les claviers, pour se premier jet, étant là essentiellement à titre de simple ornementation.
Avec « Silver
Paper », - un chanson relativement délicate -, Mountain semble proposer un Heavy-rock né
au pays du Soleil-levant.
Mountain sait
faire aussi dans la ballade, même si Corky y semble mal à
l'aise, avec « For Yasgur's Farm », titre en
hommage au festival de Woodstock et au fermier qui prêta sa
propriété. Enfin, ballade, c'est vite dit, car les
refrains sont plutôt appuyés et la basse vrombit, malmène les baffles, lors du
solo. Leslie et Felix alternant au chant renforcent ainsi cette
sensation de montagnes russes.
Instant détente
avec « To My Friend » : guitare acoustique
livrée seule pour jouer une pièce folk qui prend des
accents yiddish sur le final. Même sans électricité,
West peut se montrer virulent. Un bon enchaînement pour la
ballade folk, « The Laird », où Felix
chuchote presque.
Corky introduit « Sittin' on a Rainbow » par un pattern à la fois alambiqué, faussement chaotique et néanmoins bien en place, avec un jeu de double grosse-caisse. La basse sue la fuzz à grosse goutte, et la guitare plantent un boogie fanfaron et grassouillet. Un Hard-boogie pour canailles en goguette, ou plutôt pour tournée des bars.
A cette époque, Leslie avait abandonné sa Guild demi-caisse et sa Rickenbaker des Vagrants pour jouer sur des Gibson Melody Maker, des grattes pas vraiment conçues pour faire dans la dentelle. Et puisque l'on parle un peu matos, la basse de Pappalardi est une Gibson EB-1. Un instrument au corps plutôt fin, surtout pour sa catégorie, et ayant un fort niveau de sortie. Cette basse est réputée pour délivrer un pur son rock millésimé sixties-seventies, ou encore adéquate pour jouer du Blues en mode Heavy.
Le clavier, absent depuis « To my Friend », réapparaît pour la clôture, pour le bancal « Boys in the Band » ; une pièce qui hésite entre Hard-blues, rock-psyché, progressif, et quelques légères réminiscences 60's, au spleen omniprésent.
L'album se place
dans les charts et est certifié disque d'or au bout de quelques mois. Et
cela n'a certainement rien à voir avec le charisme de ses
musiciens.
Rapidement donc, Mountain devient un groupe phare des groupes de Heavy-rock et de Hard-Blues (du genre bien chargé en électricité). Hélas, des problèmes de fatigues et de pression alliés à des substances illicites auront tôt fait de dissoudre le groupe.
Rapidement donc, Mountain devient un groupe phare des groupes de Heavy-rock et de Hard-Blues (du genre bien chargé en électricité). Hélas, des problèmes de fatigues et de pression alliés à des substances illicites auront tôt fait de dissoudre le groupe.
People : Jimi
Hendrix était présent dans un studio limitrophe à
celui qu'utilisait Mountain pour l'enregistrement de « Climbing! ».
Ainsi, on dit que le premier à avoir écouté
l'album, était Jimi en personne. Ce dernier aurait apprécié
le riff de « Never in my Life », la première
pièce enregistrée.
Jimi et Leslie
joueront ensemble dans un club New-Yorkais. Jimi prit la basse pour
accompagner Leslie.
- Mississippi Queen (Corky Laing, Pappalardi, David Rea, West) - 2:32
- Theme For an Imaginary Western (Pete Brown & Jack Bruce) - 5:07
- Never in My Life (Gail Collins, Corky Laing, Felix Pappalardi, Leslie West) – 3:53
- Silver Paper (Collins, Gardos, Steve Knight, Laing, Pappalardi, West) – 3:18
- For Yasgur's Farm (Collins, Gardos, Laing, Pappalardi, David Rea, Gary Ship) – 3:23
- To My Friend (West) - 3:38
- Laird (Collins, Pappalardi) - 4:39
- Sittin' on a Rainbow (Collins, Laing, West) - 2:22
- The Boys in the Band (Collins, Pappalardi) – 3:43
- For Yasgur's Farm (Live) – 4:18 (bonus sur l'édition de 2003)
Le dessin de la pochette a été réalisé par Gail Collins (la compagne de Pappalardi, qui en fera d'autres), qui participe également à l'écriture des chansons.
Au recto de la pochette, on peut lire la mention « This record was meant to be played loud ». On peut y voir aussi la photo de deux potes qui se claquent la main, comme pour marquer leur satisfaction mutuelle pour leur travail effectué, et finalisé. Un échalas face à un grand gaillard, large d'épaules, et en surpoids.
Au recto de la pochette, on peut lire la mention « This record was meant to be played loud ». On peut y voir aussi la photo de deux potes qui se claquent la main, comme pour marquer leur satisfaction mutuelle pour leur travail effectué, et finalisé. Un échalas face à un grand gaillard, large d'épaules, et en surpoids.
Steve Knight est décédé le 19 janvier 2013, de complications de la maladie de Parkinson.
Articles sur Leslie West (liens) :
"Unusual Suspect" (2011)
"Still Climbing" (octobre 2013)
Tu sais d'où elle vient la seconde vidéo ? Quel festival ?
RépondreSupprimerCincinnati, le 13 juin 1970, donc trois mois après la sortie de la galette, et moins d'un an après la formation du quatuor. Le "Cincinnati Pop Festival" exactement.
SupprimerPar contre, j'ai oublié de spécifier que sur la première vidéo, Mountain (première prestation scénique ?) joue un titre de l'album solo de Leslie West : Southbound Train. Une berceuse.
Je l'ai. Je ne l'écoute jamais. Pourtant essayé plusieurs fois, mais ça ne passe pas.
RépondreSupprimerTu as essayé avec une vraie chaîne Hi-Fi, un truc costaud qui envoie et tient les graves sans baver et restitue les aiguës sans distorsion ; avec des enceintes qui pèsent, pas des trucs de 3 kilos.
SupprimerBon, ok, je plaisante. Je pense bien que "Mississippi Queen", "Never in my Life" et "Sittin' on a Rainbow" ne doivent pas vraiment s'accorder avec tes affinités. De plus, la captation de la guitare donne parfois un peu l'impression d'être artisanale. Comme si on n'avait pu domestiquer la bête en rut, ou en colère (au choix). Et c'est à deux doigts de gâcher le superbe "Theme for an Imaginary Western".
Par moments même, l'album préfigure Gov't Mule. Alors, là....
La production du suivant, "Nantucket Sleirghride" est plus maîtrisée, et est peut-être encore meilleur (les avis divergent).
Tu prends ca comme matos pour écouter Moutain et...
RépondreSupprimerhttp://www.hardmaisrock.com/search/label/Tannoy%20%26%20Mc%20hintosh
ca va passer comme un suppositoire !
Je n'aime pas les suppositoires!
RépondreSupprimerJe ne peux plus rien faire pour toi de plus.
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