DE
L’OR POUR LES BRAVES fait partie de ces films formidables qu’on a tendance à
oublier, au profit de titres plus célèbres, qu'on aime à avoir à portée de main un dimanche de pluie, ni "classique" ni chef d’œuvre, un peu comme VERA CRUZ, ou LE FLIC
DE MON CŒUR (cliquez pour relire THE BIG EASY). L’histoire se passe en 1944, après
le débarquement en Normandie. Une division américaine est aux abords de Nancy,
affronte les allemands, qui maintiennent la zone sous contrôle. Les américains
reculent… sauf une poignée de soldats, menée par Kelly (Clint Eastwood, mâchoire serrées et regard sombre) qui a d’autres projets.
Ayant fait prisonnier un colonel allemand, il obtient de lui une info en or :
la présence de 14 000 lingots, planqués dans une banque, 40 km derrière les
lignes ennemis. Kelly fait jouer son réseau, se trouve du matériel, des hommes,
des complicités, et fonce réaliser son casse… (une intrigue reprise pour LES ROIS DU DÉSERT avec George Clooney, transposée en Irak).
A
la fin des années 60, Clint Eastwood est un acteur qui compte aux yeux du
public comme des studios, grâce à ses collaborations avec Sergio Leone – trois
westerns tournés en Europe, qui ont renouvelé le genre et fait de l’acteur une
star – et des films sensation aux USA, PENDEZ-LES HAUT ET COURT (Ted Post), UN
SHERIF A NEW YORK (Don Siegel). Eastwood y interprète des héros ambigus, les
premiers d’une longue série. Il accepte cependant de casser cette image avec LA
KERMESSE DE L’OUEST, une comédie musicale (et oui ! et il chante !)
avec Lee Marvin. Le public accueille favorablement le film et la nouvelle
identité de l’acteur. Mais Eastwood ne se voit pas dans ce type de rôle,
préfère les anti-héros.
La
MGM lui propose un film, que doit réaliser Brian G. Hutton : KELLY’S
HEROES, au titre français de DE L’OR POUR LES BRAVES (1970). Eastwood accepte,
d’autant qu’il avait tourné avec Hutton un film de guerre l’année d’avant,
QUAND LES AIGLES ATTAQUENT, où il jouait avec Richard Burton.
Le
générique annonce la couleur. Un film de guerre hollywoodien, en scope, lettrage rouge gothique, fausse intro de musique militaire qui se change en chanson pop : "Burning bridges" ! Brian G. Hutton va
marier l’aventure, la guerre, et la satire. On pense immédiatement à M.A.S.H.
de Robert Altman. La séquence d'ouverture montre le sergent Big Joe, joué par Telly Savalas,
interroger un colonel allemand intercepté, pour lui faire avouer les meilleurs coups
de Nancy en termes de petites pépées ! Mention au soldat qui lit le guide Michelin, énumérant les bâtiments Art Nouveau à visiter, devant un Savalas peu porté sur la chose artistique ! Cette première séquence, de nuit,
sous la pluie et les bombardements, expose le sujet, le contexte, le plan de
l’attaque, tout en présentant les protagonistes, et donne le ton général : un modèle d’efficacité. L’entrée
en scène de Oddball Le Cinglé, interprété par le divin Donald Sutherland, est un régal. Il joue le chef
d’une unité de chars composée de hippies, qui pour l’heure
vivent en communauté sous une tente berbère au milieu du camp militaire !
Oddball, a accroché sur le flanc de ses chars des
haut-parleurs pour diffuser de la musique (comme les hélicos d’APOCALYPSE
NOW !), surnomme tout le monde « mon mignon », reproche à son
pilote (joué par Gavin Mc Leod futur commandant de La Coisière s’amuse !!) « ses
ondes négatives », et promet de retrouver à l’heure le reste de la troupe
au « pon-pont » ! Ses Sherman tirent des obus remplis de
peinture, parce que « ça fait joli »… Dans une certaine mesure, on
pense aussi à la bande de pieds nickelés chasseurs de nazis dans INGLORIOUS BASTERDS.
Brian
G. Hutton nous montre des soldats plus attirés par l’argent que par les
honneurs du combat. Kelly obtient ce qu’il veut en brandissant ses barres d’or
sous le nez des gens, proposant un pourcentage sur le coup. Et l’opération est un modèle d’organisation, loin des
approximations du vrai théâtre de guerre ! DE L’OR POUR LES BRAVES est
aussi (et surtout) un excellent film d’aventure, une production qui ne mégote
pas sur les moyens (nombreux décors
et figurants) avec de nombreuses scènes d’action et de suspens. Comme la traversée du
champ de mines, qui fige la bande de Kelly, à découvert, alors qu’une patrouille
allemande déboule.
Et
bien sûr la dernière phase du plan, l’attaque de la banque, gardée par un
détachement, et par trois blindés Tigre. On y parodie les westerns de Sergio
Leone (clin d’œil à Eastwood) jusque dans le pastiche musical d’Ennio Morricone (signé Lalo Schiffrin)
lorsque Kelly, Oddball et Big Joe descendent une rue, face à un char
Tigre prêt à cracher le feu. Un duel qui tourne au deal, dont on ne révèlera
rien… Mais la fin est hilarante, avec le général Colt (sic) acclamé par les
français libérés, persuadés qu’il s’agit de De Gaulle (pour faire diversion),
sur fond de Marseillaise massacrée à la fanfare !
Le
personnage du général Colt est assez pittoresque aussi, un va-t’en guerre
cigare au bec, qui découvre en écoutant les conversations radios, cette percée
derrière les lignes allemandes, sans que personne ne soit au courant au
QG ! « A quoi sert un officier de transmission s’il n’a rien à
transmettre ? » hurle-t-il à la face de son commandant ! Remarquez un capitaine à l'arrière plan qui joue toute sa scène avec des paquets cadeaux dans les bras (c'est bientôt Noël). L’idée géniale
du film est là, la percée des héros de Kelly, qui massacrent allègrement du
boche dans l’unique but de piquer des lingots et déserter ensuite, que le général Colt prend pour un acte de bravoure. Et il part avec tout son staff sur les
lieux, pour féliciter ces grands stratèges !
Parmi
tous les grands films de guerre de cette période, PATTON, QUAND LES AIGLES
ATTAQUENT, LES CANONS DE NAVARONE, TORA TORA TORA, UN PONT TROP LOIN, bref, ces
superproductions à grand spectacle aux castings royaux, qui font les beuax soirs de la télé depuis trente ans, DE L’OR POUR LES BRAVES
fait office d'exception, de poil à gratter, et tranche nettement. Sans être aussi corrosif
que M.A.S.H. ou DOCTEUR FOLAMOUR, privilégiant tout de même l’action et le
suspens, c’est le genre de film dont on ne se lasse pas, du p’tit lait,
efficace et impertinent.
"lorsque Kelly, Oddball et Big Joe descendent une rue"... Et si je me souviens bien, pour enfoncer le clou coté western, on entend des bruits d'éperons qui claquent sur le sol alors que les gars sont en treillis.... Peur de rien :o)
RépondreSupprimerKarl Otto Alberty comme commandant du tigre avec sa balafre sur la joue droite à vraiment la tête de l'emploi,
RépondreSupprimerAaaaaaaaaaaaaaah .... Donald Sutherland en roue libre.... que de grands moments !!!
RépondreSupprimerThe Big easy, très bien aussi. On y voit les Neville Brothers ou les Meters, je sais plus.
RépondreSupprimerOui un grand film qui arrive à intégrer une comédie d'aventure loufoque dans un environnement historiquement réaliste. Petit bémol : tourné en Yougoslavie, les paysages sont très loin de ceux de l'Est de la France où est censée se passer l'histoire.
RépondreSupprimerJCC
J'ai revu ce film avec plaisir hier sur la 7, jouissif et quand même à contre courant des autres films sur la seconde guerre mondiale! Tourné en Yougoslavie certes, le petit village ressemble plus au sud de la France qu'a l'est . Tourné dans ce pays car en 1970, il était facile de trouver des chars Sherman en état de marche, ainsi que nombre de blindés US (Automitrailleuses M8, Halftracks....) En revanche le film est émaillé d'erreurs et d'approximations historiques propres à ce genre! Les Tigres sont des T34 russes maquillés, ils portent le sigle de la 1ere Panzer SS (Adolf Hitler) , hors il n'y a jamais eu de chars Tigre dans cette division SS. Bon mais il faut reconnaître que c'est toujours mieux que les chars Patton affublés de croix gammées dans "The Big red One" de Samuel Fuller....du foutage de gueule!
RépondreSupprimerOK, lu. Bien vu le parallèle entre ce film et Inglorious Basterds. Mais à défaut de l'avoir revu, je ne peux que te dévoiler mon souvenir (+ je viens de revoir quelques extraits) : Clint Eastwood que j'aime énormément ne me paraît pas être le personnage le plus attachant ici. Mention spéciale à Donald Sutherland et Telly Savalas (Vince Diesel en est le double depuis une vingtaine d'années, non ?). Par contre, tous ces films de seconde zone que sont Quand les aigles attaquent (revu tout récemment, du moins le début), Les canons de Navarone, je n'ai jamais accroché. Le film de Richard Fleischer (Tora, Tora, Tora), je ne l'ai jamais vu. Quant à un Pont trop Loin, je n'en garde aucun souvenir (je me demande si je l'ai vu...) : ça n'est pas avec Sean Connery et Michael Caine ?
RépondreSupprimermessage ci-dessus : signé freddie.
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