- Non Sonia ! Ne me dites pas encore que l'image de ce CD penche, c'est
un effet d'optique, tss tss…
- Ah oui, c'est vrai, cela dit, il me semble avoir lu des choses sur
Pierre Monteux dans le blog !
- Oui dans la chronique sur le Sacre du printemps, c'est lui qui créa le
ballet moderne de Stravinsky en 1911 avec un b**l indescriptible dans le
public !!
- Ah ouiii, je me rappelle, une vraie bataille rangée… Daphnis et Chloé
est aussi un ballet d'après ce que je lis…
- Oui et l'une des œuvres les plus ambitieuses de Ravel, c'est tout
dire…
Lorsque
Pierre Monteux
réalise avec
l'orchestre Symphonique de Londres
cet enregistrement du grand Ballet
Daphnis et Chloé
de
Maurice Ravel, il a… 84 ans !! Il sera
d'ailleurs nommé directeur de l'orchestre anglais en
1961, à
86 ans, poste qu'il occupera
jusqu'à sa mort à 89 ans. En
tant que doyen de ce blog, je ne veux jamais rien lire de négatif sur le
rôle des séniors dans la vie artistique, voire la vie tout court !
C'est l'une des versions de référence, une réussite, comme si le temps
n'avait jamais eu de prise sur l'énergie et le talent de chef d'orchestre de
ce petit homme courtaud aux bacchantes vaillantes. Né en
1875, au début de la troisième
République, le petit Pierre étudie le violon et la direction d'Orchestre au
Conservatoire de Paris. Il commence sa carrière comme second violon aux
Folies Bergères ! Il joue de
l'alto également et assiste
André Messager
lors de la création de
Pelléas et Mélisande à
l'Opéra comique…
1911
va être le grand tournant de sa carrière lorsque le grand maître des ballets
Russes,
Serge Diaghilev, lui propose de remplacer
Gabriel Pierné
pour la création du ballet
Petrouchka de
Stravinsky. Les créations de chefs-d'œuvre vont s'enchaîner de
1911 à
1914 :
Prélude à l'Après-midi d'un faune
de
Debussy, de nouveau
Stravinsky
avec Le
Sacre du
printemps
et
Le
Rossignol,
Daphnis et Chloé
de
Ravel
(en 1912) et enfin
le Coq d'or
de
Rimski-Korsakov.
Pierre Monteux
montre ainsi son goût pour le ballet et la musique russe, et surtout cette
faculté de relever les défis des musiques nouvelles. Pour le
Sacre
du
Printemps, il faut une trentaine de répétitions pour que l'orchestre maîtrise la
polyrythmie sulfureuse imaginée par
Stravinsky. Le soir de la première, le public est compétemment dérouté par la
violence primitive et l'innovation du ballet. Un chahut indescriptible agite
la salle,
Ravel
et
Debussy
sont debout et invectivent le public tout en criant au génie du compositeur
russe immigré à Paris. (clic)
En 1916, bien que conscrit
dans les tranchées,
Monteux
obtient l'autorisation de partir en tournée avec les
Ballets Russes. Un périple qui va durer jusqu'en
1924. Il joue aussi au
Metropolitan
et porte secours à
l'orchestre de Boston
privé de nombreux musiciens partis guerroyer contre les teutons. De retour
en France, il codirige le magnifique orchestre du
Concergebouw d'Amsterdam
à l'invitation de
Willem Mengelberg.
1934
: retour sur le sol américain où
Otto klemperer
qui a fuit le nazisme lui demande de "sauver"
l'orchestre de San Francisco
en très petite forme.
Monteux
est également juif, il s'installe définitivement aux USA et obtiendra la
nationalité américaine en 1942.
Il va hisser
l'orchestre de Sans Francisco
au somment jusqu'en 1952. Et la
qualité de l'ensemble de la côte ouest ne s'est jamais plus démentie, coaché
par les plus grands comme
Seiji Ozawa
ou
Michael Tilson Thomas.
La fin de de sa carrière à Londres a déjà été évoquée en introduction de ce
paragraphe. De par sa longévité,
Pierre Monteux
a pu bénéficier des années microsillon et même stéréophoniques.
La symphonie
de
Chausson
enregistrée à
San Francisco
en 1950 reste un disque
inégalé. Il existe quelques documents de
Monteux
en répétition. Du bonhomme émanait certes des exigences pointues sur la
lecture de la musique, mais un respect des artistes et une grande
douceur.
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Nous avions découvert dans le détail la biographie de l'un des compositeurs
français majeurs dans la chronique consacrée au célébrissime
Boléro et à d'autres musiques du musicien basque (clic).
Comme on l'a vu dans l'évocation de la vie de
Pierre Monteux,
Ravel
a été l'un des membres les plus actifs de cette période bouillonnante des
Ballets Russes, lors de leurs saisons parisiennes, une époque féconde où
musiciens modernistes, peintres en vogue, et chorégraphe mettaient les
petits plats dans les grands.
Le ballet
Daphnis et Chloé
a été écrit de 1909 à
1912 sur, bien entendu, une
commande de Diaghilev. La durée
exceptionnelle de 50 minutes en fait une symphonie chorégraphique. Le chorégraphe russe
Michel Fokine a participé à
côté de Ravel à l'écriture de l'argument.
Le ballet évoque une histoire mythologique inspirée par le poète grecque
Longus. Bien que divisée en trois parties, l'œuvre est exécutée dans
la continuité. Le Berger
Daphnis est amoureux de la
bergère Chloé. Des pirates
s'emparent de la jeune femme, mais l'intervention du dieu
Pan réunira dans le bonheur les
deux tourtereaux. La partition se veut bucolique, sensuelle, à l'opposé des
déchainements d'un
Stravinsky. Cependant l'effectif orchestral est impressionnant surtout au niveau de
l'harmonie et des percussions. Il y a également un chœur mais qui psalmodie,
pas de texte. Comme souvent c'est
Léon Blakst qui a dessiné les
décors et les costumes. Lors de la première en
1912 sous la baguette de
Pierre Monteux, ce sont les danseurs vedettes
Vaslav Nijinski et
Tamara Karsavina qui assurent
les rôles de Daphnis et Chloé.
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1 – Introduction et danse religieuse :
Un climat matinal, sombre et grave, constellé des notes de la harpe ouvre
le ballet. La flûte introduit une première idée de soleil qui se lève, de
nature qui s'étire. Les chœurs interviennent et bientôt tout l'orchestre se réunit pour éclabousser de
joie cette aube. Aube ou après-midi de torpeur propice à la sensualité, aux
amours entre les deux protagonistes. Le chœur semble illustrer les nymphes
recevant les offrandes de jeunes filles vivant dans ce lieu enchanteur.
L'art de
Pierre Monteux
est bien là : une pulsation délicate et sensuelle, des enchaînements
gracieux des motifs, l'excitation des sens. Aucune dureté, le solo de violon
à [6'55"] clôt dans la rêverie cette introduction colorée, lumineuse, cette
procession et danse sacrée…
Dans cet enregistrement, l'œuvre est découpée en douze plages, nous allons
simplement en écouter quelques-unes parmi les plus représentatives du talent
d'orchestrateur de
Ravel. Le numéro des paragraphes correspond à la plage du lecteur placé en fin
de chapitre.
5 – Danse de Lycéïon, scène des pirates :
Dans cette partie, une grande lascivité nous étreint, les cordes ondulent,
les bois se font ludiques, le contrebasson annonce la scène plus violente
avec les pirates. Ravel exploite des agrégats de sonorités très nouvelles
pour l'époque, notamment pour les bois.
Pierre Monteux distille le mystère et les inquiétudes de l'héroïne. Ce qui surprend dans
cette partition c'est le chassé-croisé entre tous les pupitres : flûte,
xylophone, clarinette, cordes, grosse caisse. La richesse du tissu
orchestral est difficile à commenter de par sa profusion, écoutons
l'extrait...
3ème partie
: en écouter les 3 mouvements est de bon aloi… On retrouve toute la magie de
cette longue partition en une petite quinzaine de minutes.
10 : lever du jour
: L'aurore, une cascade. Les bois simulent les flots ondoyants, une
orchestration limpide et délicatement capricieuse. Cette merveille musicale
- on pense aussi à des chants d'oiseaux (flûte et picolo) qui partent
dénicher quelques vermisseaux - se prolonge par une mélodie sensuelle aux
cordes (aigües et graves). Il règne une poésie fantasmagorique dans
l'univers des nymphes. La musique ne suit aucune forme sonate usuelle a
priori (de succession de thèmes A et B suivie de leur développement). On
sent une forme d'improvisation imaginative. Les personnages de cet éveil
pastoral "antique" se poursuivent gaiement près d'un étang argenté. Question
clarté du flot, Pierre Monteux assure une transparence et une douceur
subtile, affichant une tendresse évidente pour les personnages de ce conte
aux aventures voluptueuses.
11 – Pantomime :
Dans ce passage, Daphnis et Chloé se taquinent accompagnés par une mélodie
des bois. Fugacité, timidité des jeunes bergers, sensualité pudique, un
passage orchestral de pure magie avec le diabolique et célèbre solo de flûte
qui reprend le leitmotiv caractéristique du ballet.
Ravel
est un "monstre" envers ces musiciens ! Le chatoyant solo de flûte (Pan ?)
se joue en continuité pendant deux minutes avant le premier temps permettant
au musicien de reprendre sa respiration. Une "apnée" quasiment impossible à
assurer, mais le flûtiste du symphonique de Londres arrive à le faire croire
par sa virtuosité, et ainsi la malicieuse mélodie virevolte sans
interruption.
12 – Danse générale
: des éclats de cuivre et une joyeuse mélodie des bois alliés du tambourin
annonce une réjouissante danse générale. Scandée par la caisse claire, une
diabolique bacchanale s'élance mesure par mesure. On retrouve ici
Ravel, génie de l'orchestration colorée. Comme dans la pantomime, le hautbois et
la flûte vont s'affronter dans une joute audacieuse fortissimo. Encore un
défi pour les deux solistes. Le chœur fait son entrée puis gagne en
puissance crescendo pour donner le ton d'un fête collective.
Pierre Monteux
assure avec une précision d'orfèvre ce furieux final. Bien que l'effectif
mis en jeu soit considérable, la musique se fait allègre et fougueuse mais
sans une seule faute de goût ou once de charivari…
Monteux-Ravel, encore un duo gagnant…
Nota
: l'album proposé en couverture comprend également deux belles
interprétations de la
Rhapsodie Espagnole
et de la
Pavane pour une infante
défunte enregistrées en 1961. Son excellent en cet âge d'or chez
DECCA.
Même si le chef alsacien trouvait sa gravure décevante, le public a retenu
comme un grand moment le
Dapnis et Chloé
de
Charles Munch
à
Boston. C'est à l'image du style musclé de ce chef : bouillonnant et orgiaque
dans cette Grèce bucolique quasi cinématographique, un soupçon virile comme
vision. Comme toujours avec les disques RCA réalisés à cette époque (1955),
le son stéréo est analytique, dru et dynamique (RCA
- 6/6).
La réédition de l'intégrale
Ravel
par
l'orchestre de Paris
dirigé par
Jean Martinon
a fait la joie des fans de
Ravel
en 2008 ! En 1974, l'orchestre
a pris des forces grâce à l'intervention (parfois orageuse) de
Karajan
et
Solti
après la mort de son créateur :
Charles Munch. Directeur d'orchestre, compositeur, le français
Jean Martinon
a succédé à
Fritz Reiner
à la tête de
l'orchestre symphonique de Chicago
de 1963 à
1968. C'est tout dire ! Le
style de
Martinon, grand défenseur et magicien de la musique française est la clarté,
l'élégance, un phrasé souple et poétique ; donc une direction de rêve aidée
en cela par des ingénieurs du son de génie. Là est peut-être la troisième
référence ?! (EMI – 6/6).
Claudio Abbado
a signé à l'ère du numérique, avec
l'orchestre symphonique
de Londres, une sensuelle version aux couleurs italianisantes qu'affectionne ce chef.
Hélas, la dynamique de la prise de son est telle que, même sur du matériel
milieu de gamme, on n'entend guère les subtilités diaphanes de
l'introduction, ou alors on monte le son et les voisins appellent les flics
lors de la réjouissance finale. (En bref cette gravure nécessite un ampli
sophistiqué - sans distorsion de mémoire par exemple – et au mieux un ampli
à tubes haut de gamme). (D'où une note de 4/6, là ou 5/6 aurait été
justifiée.)
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Les vidéos de
Pierre Monteux
sont rares et de qualité moyenne. J'ai déniché celle-ci montrant le vaillant
maestro dirigeant l'apprenti-sorcier de
Paul Dukas
avec le
symphonique de Londres
en 1961. C'est racé, humoristique, d'une verve et d'une jeunesse
incroyables pour un chef de 86 ans !
Pierre Monteux - Orchestre symphonique de Londres (1 album Decca)
Pierre Monteux ses petits sourires sous sa moustache,et sa devise "Rien pour la salle, tout pour l'estrade". Monteux qui corrigeait les fautes de ses partenaires "Je n'ai pas de mérite, la partition est gravée là" disait-il en se touchant le front. La version de la Symphonie Fantastique de Berlioz (Une des nombreuses versions...) de 1961 reste une version de référence.
RépondreSupprimerRavel reste un de mes compositeurs préféré, alors comment pourrais -je descendre en flamme "Daphnis et Chloé" et de surcroit par Monteux ? Il faudrait être soit fous soit inconscient ou alors être un blaireau... De Ravel ...évidemment !
Bon M. TOON, c'est quoi la bestiole sur la photo de M. et Mme MONTEUX, un caniche ou un hérisson géant faisant le beau.
RépondreSupprimerCeci dit la musique c'est pas mal, surtout la version MONTEUX
Il existe aussi un double cd des oeuvres orchestrales de Ravel, chez DG, par Seiji OZAWA et l'orchestre de Boston.
mais alors l'histoire...
ça se termine par :"à quoi Chloé connut bien que ce qu'ils faisaient paravent dedans les bois et les champs n'étaient que jeux de petits enfants."
Certaines éditions anciennes de joli conte contiennent des gravures très suggestives.
Avez-vous pensé à votre jeune public et à Sonia ?
Un plouc de province perdu dans les montagnes.
mort de rire avec le hérisson géant, merci (on a des lecteurs observateurs, je l'avais même pas remarqué le toutou)
SupprimerCher vénérable Plouc
SupprimerIl s'agit d'un chien de race "barbet" empaillé et offert par Igor Stravinsky pour service rendu à l'humanité…
Je suis stupéfait que, malgré l'attention méritoire que vous portez à mes articles, vous ayez "raté" celui consacré à Ravel par Ozawa et intitulé "RAVEL : LE BOLÉRO et AUTRES DANSES", chronique publiée en novembre 2011 et comprenant quelques lignes sur la suite symphonique N°2 de Daphnis et Chloé. Un bien beau disque, je vous l'accorde, mais peut-être pas une référence… comparé au panel d'artistes de ce jour.
Oui, je sais, chère Sonia, ça se discute.
Loin de moi d'insérer des images à caractère licencieux sur les ébats champêtres de Daphnis et Chloé. D'ailleurs, mes recherches sur Google sont restées infructueuses et ainsi la protection de mineurs et jeunes filles en fleur (Pour Sonia, rien n'est moins sûr) est assurée…
Le citadin de la Butte aux Cailles alias Claude Toon
Nota : pour Ozawa, voir : http://ledeblocnot.blogspot.fr/2011/10/ravel-le-bolero-et-autres-danses-par.html