mercredi 9 octobre 2013

CONEY HATCH "Four" (sept. 2013), by Bruno


     Plus personne ne doit connaître, ou doit s'en foutre comme de l'an 40, mais en 1982 Coney Hatch avait réussi avec un premier album à faire l'unanimité dans le milieu "hardeuroque", et cela du nouveau continent à l'ancien.
Chose pas toujours aisé pour les groupes Canadiens (même Roch Voisine...), toutefois l'époque était favorable aux crinières, aux pantalons moule-burnes, aux guitares saturées, et la jeunesse d'alors, plus curieuse dans l'ensemble, était attentive à ce que pouvait proposer les nouveaux prétendants. Et ainsi, aux débuts des années 80, il fallait être passablement mauvais pour ne pas vendre un minimum de galettes au-delà de son entourage.


     Coney Hatch est un quatuor canadien qui élit domicile à Toronto, dans l'Ontario. Etat propice au développement des gaillards qui ont préféré la guitare à la tronçonneuse (même si certains ne semblent pas avoir fait la différence - et je ne parle pas de Chainsaw  Charles). Leur premier opus, produit par Kim Mitchell, fait une belle percée avec trois singles. Leur musique et la rencontre de bûcherons Canadiens tels que Bachman Tuner Overdrive, Moxy, voire Starz avec Bad Company. C'est un Heavy-Rock assez carré qui n’oublie pas le côté mélodique. Le chanteur, et guitariste rythmique, Carl Dixon (le chanteur et guitariste rythmique) est alors comparé à Lou Gramm et John Lee Turner (je rajouterais Michael Lee Smith de Starz). Le second chanteur, Andy Curran, également bassiste, a un registre un tantinet plus âpre (un peu comme si Carl forçait sur sa voix), conférant ainsi une légère diversité à l'ensemble.


Le suivant, "Outta Hand", sort l'année suivante en suivant le même chemin, si ce n'est que deux ou trois titres sont tombés dans la chausse-trappe d'un Rock - trop - orientés Radio (avec notamment un « Music of the Night », en clôture, totalement indigeste) et fades. Il y avait bien eu "Hey Operator" sur le précédent, mais c'était d'un bien meilleur niveau (Aldo Nova en fit une reprise). Là encore, trois singles dont deux profitent d'un clip vidéo (plutôt kitsch).
La même année, Iron Maiden enthousiasmé par leur premier opus, les invite à faire leur première partie pour la tournée « Piece of Mind Tour » en Amérique et au Canada. 
En dépit d'un accueil favorable du public et de la presse, l'album ne décolle pas. Dixon s'aperçoit alors que leur maison de disque ne les suit pas, misant alors tout sur le dernier opus d'un jeune groupe anglais, de Sheffield, en pleine ascension. L'album en question se nomme "Pyromania". 
C'est le début des doutes, des déceptions et des dissensions. Le batteur, Dave Ketchum, quitte le navire. Il est remplacé par Barry Connors qui ne parvient pas à coller aux patterns de son prédécesseur Ketchum n'est pas du genre métronomique, et son jeu aéré et puissant à la fois n'est pas à la portée du premier venu. Cela s'en ressent d'autant plus en concert. Le ciment s'effrite. 

     Leur dernier opus, en 1985, sent l'arnaque. Coney Hatch s'est enlisé dans un Rock FM faisandé. Fait d'autant plus regrettable que si l'on décape les compositions, enlevant la couche de vernis, on redécouvre le Rock droit et musclé qui avait fait son succès. Même le chant force le trait pour se fondre dans ce nouveau moule, que l'on suppose imposé par la maison de disque (les dollars, les dollars, mon ami). Deux ans d'attente pour se retrouver avec ça où l'on doit chercher les quelques titres encore potables, comme on chercherait des champignons dans un sous-bois inextricable envahi par les ronces. Pourtant, "Friction" est le mieux vendu des trois en Europe (meilleure distribution ?). Le premier titre garde encore sa fibre de Rock pêchu et a certainement contribué à assurer les ventes. Dès "She's Gone", la plage suivante, on glisse vers un Rock mélodique pro-radio, pas désagréable mais qui a perdu sa force et sa personnalité. Dorénavant, Coney Hatch se fond dans la multitude de groupes du même genre : du Rock efféminé, édulcoré, inconsistant, sans saveur. "Wrong Side of Town" essaye bien de faire de la résistance mais la batterie, en plus d'être mise en avant (c'est la tendance), pêche par son incompétence et son vocabulaire limité, n'arrivant même pas à suivre le tempo de la basse et de la guitare rythmique, et ses roulements de débutant sont pathétiques.

Devant l'incertitude, les problèmes de connexion musicale avec Connors, le manque de soutien manifeste du label (et peut-être une nouvelle orientation peu satisfaisante) la pression monte jusqu'au soir où Dixon craque et claque la porte (le soir même, où, pétant carrément un câble il balance des canettes sur Ronnie James Dio, et se débine avant qu'un roadie lui tombe dessus). Il annonce à son management qu'il plaque tout.
Le groupe ne s'en remet pas. Il essaye bien de retrouver un chanteur à la hauteur. James Labrie (futur Dream Theater) n'est pas retenu, puis alors que le choix se fait sur Phil Naro, c'est Andy Curran, bassiste et chanteur, qui part à son tour.


Après une réunion en 1989 pour quelques concerts qui permettent de renflouer les caisses, Coney Hatch est définitivement enterré. Du gâchis.


(par la suite Dixon joue avec April Wine et Guess Who ; Curran fonde Soho69 puis travaille pour le label Anthem ; Shelski joue avec Larry's Gowan Band, puis compose pour la télévision et le cinéma)

Et puis un jour, Carl Dixon échappe à la mort. Il a un terrible accident de voiture en Australie (continent qui est devenu son nouveau lieu de résidence) et il s'en sort miraculeusement avec quelques belles fractures et un coma qui lui imposent une longue convalescence.
De sa lointaine Australie, Madame Dixon retrouve les coordonnées des anciens membres de Coney Hatch, les contacte et leur demande de joindre son mari, de lui parler. Andy lui aurait parler alors qu'il était encore dans le coma... Même s'il en est en grande partie responsable, la dissolution de Coney Hatch demeure une blessure qui n'a jamais guérie. Retrouver au téléphone ses anciens collègues et amis le réconfortent ; un bon remède psychologique, un petit plus qui l'aide à se remettre doucement.
Lors de cette période, Dixon apprend qu' Andy Curran a réalisé un concert en son hommage en reprenant le répertoire de Coney Hatch. Chose qui le touche. Et ainsi, pour faire court, de fil en aiguille, Dixon renoue avec ses anciens potes de Toronto.
Le courant passant à nouveau, ils décident de jouer à nouveau ensemble pour quelques concerts. Dixon refuse alors de réitérer son contrat avec "The Guess Who" (contacté en 1994, par les rescapés de "Guess Who", Carl les a rejoints à plusieurs reprises pour des tournées), trop heureux de pouvoir à nouveau jouer avec ses vieux potes, de retrouver la musique et le groupe qui ont pour lui une réelle importance. Le groupe retrouve un public, et la presse anglaise a relaté a fait l'éloge de leur prestation au Firefest.
 
de G à D : Shelski, Curran, Dixon, Ketchum

   Naturellement, l'envie d'écrire ne tarde pas à les prendre, et bientôt, ils retrouvent le studio d'enregistrement. Le résultat : un quatrième opus en 2013, vingt-huit ans après. Alors, on craint le pire. Déjà vingt-huit piges de plus, cela marque forcément son homme. On pense à la voix, mais également à la dextérité, et, en ce qui concerne le monde du Rock, la gnaque. Car on a naturellement plus d'énergie, de vivacité, de testostérone à vingt ans qu'à cinquante ans passés, or, ce "Four" là, n'a rien à envier à bon nombre de jeunes combos d'écervelés peinant sur leur instrument qu'ils ont du mal à dompter.

Alors évidemment, on peut reprocher à Coney Hatch de ne pas prendre de risques en se confortant dans un Heavy-Rock droit et mainstream. En fait, si ce n'est l'excellence de la prise de son, "Four" aurait très bien pu être réalisé vingt ans plus tôt. La seule différence notable avec le quatuor des 80's et celui d'aujourd'hui, c'est qu'apparemment le long séjour de Dixon en Australie semble avoir laissé son empreinte.



Ainsi, le riff de "Blown Away", le premier titre, a de fortes similitudes avec celui de "Gimme a Bullet" ("Powerage" de... qui vous savez)Il y a cette batterie qui virevolte tel un bourdon surdimensionné se cognant en rythme de part et d'autre sur les fûts. Dave Ketchum est bien de retour et fait la différence entre un honnête tâcheron et un noble artisan. On remarque que la captation de la batterie est excellente, on sentirait presque les peaux vibrer. La basse d'Andy Curran claque, et Steve Shelski s'impose dès son premier solo avec ses succession de double-bends puis avec une wah-wah râpeuse, l'âge n'a pas eu raison de son jeu acéré. Sheski a le don de pondre des soli concis et expressifs qui ont de la force, de la consistance. Il ne se perd jamais dans un verbiage. On le sent proche d'un Mick Ralph, et tout comme lui, il préfère quelques petites pertinentes interventions à un long discours.
Le refrain, lui, se pare d'un costume bon chic bon genre tranchant avec les couplets précédents appuyés par un riff reposant sur des power-chords. C'est la recette typique du groupe : une rythmique purement Heavy-rock entrecoupée de refrains plus mélodiques. 


Alors que « Boys Club » est un chassé-croisé entre un Heavy-rock sombre et celui plus ensoleillé, proche d'un Big-Rock Californien par son refrain proche (Y & T), ou encore d'un Def Leppard des 90's.

"Down 'n'Dirtyaccélère le rythme ; un "Race-rock" en rien extraordinaire, plutôt conventionnel dans le genre qui ont garni des dizaines de disques de Rock FM pour leur séquence – obligée – de « j'appuie sur l'accélérateur et passe la cinquième ». Néanmoins, on se laisse porter, entraîner. "you are what you eat; finger lickin' treat"
"Do it Again" pourrait être une composition de Def Leppard chanté par Chester Bennington. Une guitare à peine crunchy branchée dans un ampli Fender Vibrolux, tandis que l'autre envoie la purée, et Andy éructe ; "Tell me when to say when, I wouln't change a thing"



"Connected" monte d'un petit cran dans le gras de la distortion, et dérape vers le Cheap-Trick de « One on One », de « Standin' on the Edge » et de "Special One". Et pour enfoncer le clou quant à la référence, le refrain sonne comme un duo entre Rick Nielsen et Robin Zander.

« Revive » crée une amusante surprise en reprenant le riff de « Bad Attitude » de Deep-Purple. Toutefois, le chant de Dixon est bien moins agressif que celui de Gillan. En fait, il ne l'est pas du tout ici qui est plutôt une forme d'AOR qui n'a nullement besoin de claviers ou d'apport de violons larmoyants pour être mélodique.

« We Want More » se frotte aux riffs épais de Tony Iommi, on croit un instant passer en mode Rap-Metal Kid-Rock mais après un petit arpège psyché hérité de Joe Perry, cela prend la forme d'un char d'assaut lancé à pleine vitesse. Le combo se frotte au lourd, leurs oreilles ne sont pas restées hermétiques à trente années de mutation musicale en mode bourrin. Def-Leppard, Rammstein et Black-Sabbath se retrouvent au bal, et s'entendent comme cochons en foire. Coney Hatch montre les dents, et il le vaut bien.

« The Devil You Known » est un titre qui balance ; bien élaboré avec changement de riff, on oscille entre les deux premiers et Aerosmith. "Make peace with the devil you know ? Or take a kiss from the devil you don't know. Who's more mystifying ?
Après les riffs aux senteurs AC/DC, on retrouve à nouveau les parfums Australiens : « Marseille », le classique de The Angels (« Angel City »), hommage à la ville phocéenne, à la France, et à ses demoiselles. Une très bonne reprise digne de celles de Great-White, même si Curran n'a pas la morgue de Jack Russell, ou de Doc Neesson. Quelques libertés sur le passage chanté en français.
« Keep Driving » sans se déparer totalement de la torride atmosphère des antipodes, s'enrichit en filigrane d'une chaleureuse couleur glam-rock.

« Holding On » une ballade qui évoque Kansas (avec intonation à la Steve Walsh) et Scorpions pour les quelques vers chantés en duo. Le titre le moins intéressant de prime abord, néanmoins, progressivement, il réussit à flatter l'oreille.

Ce "Four" n'a strictement rien d'aventureux (alors que le premier opus pouvait l'être en rapport avec la tendance d'alors), c'est même bien en place sur des rails. Pourtant, en dépit des riffs empruntés mentionnés ci-dessus, cela ne sent jamais le réchauffé, et jamais les compositions ne souffrent de l'âge des interprètes. Cela reste frais et revigorant. Idéal pour mettre la patate le matin. Il aura fallu presque trente ans à Coney Hatch pour réaliser un disque qui, à défaut d'être parfait, est bon du début à la fin. La maturité. Une réunion qui n'a pas été vaine. Mission accomplie, ils ont redoré leur blason.

La chanson "Blown Away" sera classée dans le Top 50 des "Songs of the Year 2013" par Classic Rock.



Le nom "Coney Hatch" est inspiré de celui d'un hôpital psychiatrique londonien (Colney Hatch, - Lunatic Asylum -, fermé en 1993).




3 commentaires:

  1. Putain tu fais chier Bruno ! Je vais encore devoir casser mon petit cochon !

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    1. J't'fais un prêt ?
      Contre tes Tannoy ? (hé ! hé ! hé!)

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