Patrice Chereau est décédé lundi 7 octobre. L’acteur, le réalisateur, le scénariste, le
metteur en scène de théâtre et d’opéra est mort des suites d'une longue
maladie. Mot pudique pour cacher le mot cancer. Il avait 68 ans.
Issu d’une famille de parents peintres, il est baigné dans
la culture dès sa prime jeunesse. Sa maîtrise du dessin l’aidera plus tard pour
élaborer les décors et les costumes de ses mises en scène théâtrales.
C’est en 1964
qu’il montera sa première pièce au sein du lycée Louis-le-Grand. 44 pièces
montées par ses soins, et pas des moindres, de "Don Juan" de Molière
à "Richard II" et "Hamlet" de Shakespeare,
"Peer Gynt" d’Ibsen
et "Phèdre" de Racine. il mettra en scène aussi des opéras comme "Lulu" et "Wozzeck"
d’Alban Berg, "Don
Giovanni" et "Cosi Fan Tutte"
de Mozart en passant par Rossini, Wagner,
Offenbach, Berg, Janacek et jusqu'à cette année encore,
avec "Elektra" de Richard Strauss. Donné au festival d'Aix en
Provence, c'est une réussite musicale et scénique totale pour l'œuvre hystérique de Richard Strauss à quelques semaines de sa
disparition.
Il fut aussi le réalisateur de 11 films. Le premier, "La chair de l’orchidée" avec Charlotte Rampling en 1974, est une adaptation du fameux polar de James Hadley Chase, une
orchidée bien vénéneuse... Il met en scène rien de moins que Simone Signoret dans son deuxième film "Judith Therpauve" en 1978. Son film le plus célèbre à ce jour auprès du grand public "La reine Margot" avec une Isabelle Adjani hallucinée et hallucinante en 1994. Et il fera un film en 1983 avec Jean
Hugues Anglade qui fera date dans le cinéma Français : "L’homme Blessé". L’histoire d’un adolescent qui
croisera sur le chemin du hasard un homme lié à la prostitution. Le jeune se
prostituera pour gagner l’amour de cette homme.
Patrice Chéreau était
homosexuel et ne s’en était jamais caché. Chereau,
en bon homme de troupe, aimera s'entourer des mêmes comédiens, souvent, comme Pascal Gréggory, qui faisait partie de la
prestigieuse distribution de "Ceux qui m'aiment
prendront le train" (quel beau titre !) en 1998. Mention spéciale aussi pour le sanguin "Intimité" (2000) tourné en langue
anglaise, et qui, longtemps avant "la Vie d'Adèle" montrait des
corps qui s'aimaient furieusement, chassé-croisés sexuels d'une très grande
intensité, sans fausse pudeur (et à ma connaissance, les comédiens réellement
mis à nu ne s'en étaient jamais plaint...). Ses films gardent un lien très
théâtral, en concentrant dans des lieux uniques, clos, de grandes séquences.
Comme acteur, on pourra le voir dans le "Danton" de Wajda dans le rôle de Camille Desmoulin ou encore dans "Le dernier des mohicans" de Michael
Mann, ou "Lucie Aubrac" de
Claude Berri.
Quatre nominations au César, deux gagnés. Un prix du
jury à Cannes. Un ours d’or et un autre d’argent à Berlin. Etoile d’or du
réalisateur. Prix Louis Delluc, plus 7 prix au théâtre entre la mise en scène et
le spectacle. Nous venons de perdre l’un des plus grands metteurs en scène au
monde.
Quelques
vidéos :
1 - La bande annonce de la Reine Margot. Et toujours
ce goût pour les musiques les plus prenantes. C'est le dramatique adagio de la
symphonie Pathétique de Tchaïkovski qui illustre la fin de de la vidéo.
2 - Témoignage
de Claude Toon : En 1976, Pierre Boulez demande à Patrice Chéreau, jeune metteur
en scène de 30 ans, d'assurer au "temple wagnérien" de Bayreuth la mise en scène du Ring (l'anneau
du Nibelung). 4 opéras en sont les 4 épisodes, 12 heures de musique et de théâtre.
Le soir de la première de l'or du Rhin (le 1er épisode), je suis en
direct en Bavière avec mon tuner … La musique commence… sublime Boulez… Soudain
sifflement et agitation dans la salle !! Chéreau a eu l'idée d'habiller les "trois filles du Rhin" qui apparaissent après l'ouverture en femmes de petites vertus arpentant une espèce de barrage…
décolletés provocants, pelotage collectif et au sol entre les 3 filles et le nain Mime qui vient voler l'or magique, etc. On n'avait jamais osé en un siècle une
telle provocation dans le lieu "sacré" (Vidéo 2).
Plus fort… Le
spectacle est donné sur un cycle de cinq
ans. Le public s'habitue et se calme, les peaux de bêtes ridicules ont disparu. Grâce à Chéreau,
Wagner ne sera jamais vieillot
mais devient moderne. 1978, le soirée Crépuscule des Dieux (4h00). Siegfried est aphone ! Il n'y a pas de doublure à
Bayreuth. Un autre chanteur connaît le rôle chanté mais pas la prestation
scénique. Chéreau
va mimer le rôle pendant quatre heures en suivant le chanteur placé en coulisse.
Il connaît le livret allemand par cœur et est suffisamment beau gosse pour jouer
à merveille le héros. Vous en connaissez beaucoup des artistes qui savent
improviser ainsi ?? (Désolé si j'écorne quelques détails… 35 ans ont passé…)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire