mercredi 25 septembre 2013

The BELLRAYS - "Black Lightning" 2010 - by Bruno

 


The BellRays, le groupe de Punk-Rock-psyché-Soul

     The BellRays, c'est avant tout, et surtout, Lisa Kelkaula. Une chanteuse noire dont le chant irradie d'une puissance et d'une chaleur à faire fondre tous les glaçons de la Terre. La fille cachée de Tina Turner et de Rob Tyner (1), avec pour tante - ou marraine - Bettye Lavette. Elle confesse avoir grandi en écoutant la musique produite par Stax et Motown, mais que son apprentissage du monde du rock est passé par des chanteurs tels que Paul McCartney, Roger Daltrey, Freddy Mercury ou Ozzy (?!). Son souhait : « produire le rock le plus sale et le plus authentique ».
A côté de ça, avant d'intégrer les BellRays, elle chantait dans un groupe de jazz ; elle met d'ailleurs sur un piédestal Miles Davis et Lee Morgan. Et, d'après elle, le Jazz est aussi une source d'inspiration dans la musique des BellRays (certainement plus ou moins au même sens que l'était le MC5, ou même les Stooges).
 

   Ensuite c'est Bob Vennum, principal compositeur et mari de la dame. Bizarrement Bob revendique l'influence des Beatles, des groupes de Hard-Rock Anglais (tels que les Yardbirds et Black Sabbath), de la Pop Anglaise, de la Country et de Johnny Guitar Watson. Des influences qui ne transparaissent guère dans sa musique, que l'on assimilerait plutôt à tout ce que Detroit a pu enfanter comme groupes puissants, furieux et/ou teigneux.


     Le parcours de The BellRays fut long et chaotique. Même actuellement, malgré des albums de bonne tenue, évitant scrupuleusement les redîtes, on ne peut pas dire que son avenir soit assuré. Leur reconnaissance, bien qu'internationale, ne se limite qu'à une frange d'amateurs de musique électrique franche, directe, sans bidouillage et sincère.


   Pour Lisa et Bob, le groupe The BellRays est un sacerdoce qui implique beaucoup de sacrifices. Il est malheureusement difficile de gagner confortablement sa vie, ou même seulement de pérenniser sa carrière en refusant ostensiblement de succomber aux sirènes de la musique de consommation ou en vogue. Mais qu'importe. C'est un choix qu'ils revendiquent haut et fort. Eux, ne se sont pas lancés dans la musique par appât du gain ou la gloire, mais tout simplement par amour de la musique. D'ailleurs, depuis ses débuts au sein des Rose Tones, Lisa n'a jamais tenté de se lier (vendre ?) à une major, tout comme elle a refusé de se plier au système des concerts de Los-Angeles. Soit de devoir payer pour pouvoir jouer, et se faire signer.
Plutôt que de courber l'échine, d'accepter des conditions injustes et limite crapuleuses, elle préféra se faire nomade et partir sur la route.

     C'est pour ces raisons que la plupart du temps ils se sont auto-produits pour négocier ensuite directement avec les labels en présentant un produit fini et non-modifiable. Pour ces raisons également que les BellRays changent pratiquement de label à chaque disque. On peut légitimement subodorer qu'avec leur potentiel, a for priori celui de Lisa, ils ont dû avoir des pressions pour réaliser un second essais un tantinet plus commercial. 

     En dépit d'un noyau de fans hard-core, et malgré l'utilisation de leurs chansons « Zero PM » (de l'album « Grand Fury ») pour un jeu vidéo, et surtout de « Revolution Get Down » (de « Red, Blue and Black ») pour une publicité pour Nissan, ainsi que pour une compétition de basketball (NCAA) de 2006, ils ne rencontrent jamais un succès à grande échelle.

     Finalement, fatigué des tournées, d'être sur la route depuis tant d'années, (et puis peut-être aussi aigri de ne n'avoir jamais pu récolté un juste et décent succès), Tony Fate (aka Tony Bramel), fidèle guitariste depuis les débuts, jette l'éponge et quitte le groupe. Bob récupère donc la place de guitariste. Si Tony était un bon rythmicien, question solo c'était parfois le grand n'importe quoi. Phrasé Punk ? Peut-être... (...peut-être une bonne excuse). Il y a quantité de punk-rocker qui savent phraser correctement (comme par exemple Steve Jones, Paul Fox, Brian James). Disons que l'approche de Fate dans ses soli était plutôt Noisy (et pas toujours dans la même tonalité, encore moins la gamme). Toutefois Tony Fate semblait en perpétuelle progression, et il a tout de même pondu quelques chorus sympathiques, notamment sur "Have a Little Faith". Somme toute, les Bellrays semblent avoir gagné au change. Si Bob est un tantinet moins agressif, moins sonique, il apporte concision, justesse, équilibre et confort de son. Il fait déjà la différence avec le disque précédent, "Hard Sweet and Sticky", qui est une bombe, un des meilleurs opus de l'année 2008, notamment grâce à leurs facettes Soul et Rythmn'n'Blues ici exacerbées. 

     « Black Lightning » est à ce jour le disque qui leur a pris le plus de temps : sept mois au lieu des quatre maximum les fois précédentes. Et encore, les premiers étaient enregistrés dans l'urgence ; la légende dit même que le combo utilisait une simple bande cassette pour s'enregistrer afin de conserver, ou de cultiver, une touche "garage" et spontanée. Le résultat s'en ressent. Attention, rien à voir avec les albums surproduits, gâchés par des couches d'arrangements, d'instruments additionnels, c'est seulement que, cette fois-ci, les compositions donnent vraiment l'impression d'avoir été travaillées jusqu'à ce qu'elles soient arrivées à une sorte de maturité ultime, que tout soit parfaitement en place ; ou presque, car l'approche live a été préservée. Cette fois-ci, les BellRays se sont octroyés le droit d'aller au-delà des deux prises si le résultat ne leur convenait pas.
 

 La chanson-titre démarre sur des chapeaux de roues, tel une formule 1 sortant à toute berzingue de son stand pour réintégrer la course, essayant de rattraper les précieuses secondes perdues. Pas vraiment dans le sens où on l'entend depuis l'avènement du Speed-Metal, mais suffisamment pour rejeter les cheveux en arrière et vous engoncer au fond de votre fauteuil. C'est joué dans l'urgence, à la mode Australienne (celle cultivée par Rose Tattoo, Coloured Balls, Midnight Oil, Hoodoo Gurus) et/ou MC5. Cela débute sous des auspices favorables, et, au cas où vous auriez résisté au premier assaut, The Bellrays remet le couvert avec une approche totalement Punk, vous martelant la tête jusqu'à capitulation.


     Toutefois, Lisa & Bob ont bon fond, et n'ont pas le cœur d'achever une personne à terre. Ainsi, afin de rassurer le chaland, « Sun Comes Down » renoue avec les ambiances Soul de leur précédent opus « Hard Sweet and Sticky ». Violons sauce Barry White, basse façon John Persh, et cette voix... Cette voix qui permettrait à Lisa de transformer n'importe qu'elle niaiserie en instant chaleureux et authentique. Elle a le don de pouvoir chanter la Soul, le Rock, le Rhythmn'n'Blues, ou tout à la fois, avec une conviction, une implication qui fait défaut à tellement de chanteurs sur-médiatisés.

   Ca va mieux ? Oui ? Allez garçons ! Balancez la sauce ! Faites chauffer les watts !! « On Top » !!!
 Il y a de nouveau cette sensation, cette atmosphère qui nous ramène au MC5 !! Cette urgence délivrée par un chanteur frénétique, transi par les saines émanations électriques, un batteur fou, des guitares belliqueuses et pyromanes tout en gardant une relative rigueur dans le placement, et une basse qui martèle le groove. Ou comment une musique agressive se mue en une vague extatique. - Yeaahhh !!! - Et d'ailleurs le court solo de « On Top » n'est rien d'autre qu'une évocation de l'esprit de Fred « Sonic » Smith ; un condensé de l'esprit du « Detroit Rock City ». Lisa se fracasse les cordes vocales, elle rugit autant qu'elle feule. 



   «
 Anymore » débute comme une ballade et se durcit progressivement. Une atmosphère sombre et amère plane sur ce Rock-Soul qui semble porter en lui les cicatrices d'une vie urbaine, souffrant d'un manque de soleil, de saveurs bucoliques et d'une promiscuité étouffante. « I can leave this world, it's not my problem anymore, I can leave your side... No more pain, no more sorrow, no more rivers running dry... it's a world of fear »

   « Power to Burn » s'essaye au Punk-rock-poppy, joyeux, plein d'engouement, et là encore, c'est une totale réussite. Une grande leçon pour tous les Blink 182, Sum 41, +44, Green Day et consorts qui sont renvoyés à leurs études - en primaire - pour reprendre à zéro.
  « Living A Lie » fait une parfaite démonstration de la façon dont doit sonner une chanson rock agressive mais non criarde à tous les apprentis rockers qui confondent « look » et musique, attitude et authenticité. Il y a du Sleaze dans l'air.

   On ralentit un peu le tempo pour saluer, d'un riff carré et gras estampillé Steve Jones avec « Everybody Get Up ». Titre qui pourrait être la rencontre entre le fabuleux album « Cold Metal » d'Iggy Pop et le « Tattoed Beat Messiah » de Zodiac Mindwarp & The Love Reaction. Sleaze again.

   La guitare reste branchée et enchaîne sur « Close Your Eyes » ; c'est une agression sonique, une salve de mitraille décimant les rangs des derniers résistants. Heavy-psyché où Sonic Youth et Pixie sont conviés à rencontrer le Spencer Davis Group. Le coda de cette agression sonique donne la sensation d'un groupe au bout de ses forces. 


     Mais il revient, serein, confiant et triomphant, pour un pur instant de Rythmn'n'Blues, tel qu'on le pratiquait à Detroit dans les années 60. Soit avec une basse placée en avant, élaborant le rythme tandis que la guitare, en ornementation, est plutôt spartiate et introvertie ; la batterie, presque tribale, se cale sur la basse.

     On a parfois pu lire qu'il y avait du AC/DC dans les titres velus de cet album. Pas vraiment évident, sauf si les références en matières de Hard-Rock / Heavy-blues sont limitées. Toutefois, The BellRays reprend depuis belle lurette "Highway to Hell" en concert, alors p'être bien que...

     Ouaip ! Pour sûr ! Si « Black Lightning » avait été médiatisé à la mesure intrinsèque de son haut niveau de qualité, nombre de groupes MTVisés, ou NRJsés, se seraient sentis penauds (pour être gentil), merdeux (pour être honnête). Mais mieux vaut mettre des bâtons dans les roues de ceux qui ont vraiment du talent et de la personnalité et encenser la médiocrité.

Bonus, deux devises de The BellRays :
- "Blues is the Teacher. Punk is the Preacher"
- "Maximum Rock & Soul"

1. Black Lightning  
2. Hell On Earth  
3. Sun Comes Down  
4. On Top  
5. Anymore  
6. Power To Burn  
7. Living A Lie  
8. Everybody Get Up  
9. Close Your Eyes  
10. The Way 

(1) Pour les néophytes, (d'autres diraient les incultes) chanteur des MC5. Et, au passage, Wayne Kramer, un des deux guitaristes du quintette, s'est déclaré fan des BellRays.


Facette Soul (la vraie, enfin avec une p'tit de Rock, et surtout sans chichis)


facette Rock (hummm.... c'est bon ça !)

Le clip

3 commentaires:

  1. Personne pour commenter ce remarquable article? J'ai déjà dis par ailleurs tout le bien que je pensais de ces Bellrays. Leur relative confidentialité pénalise la stabilité des membres du groupe, Bob et Lisa demeurent le noyau dur, à déguster ( comme le AC/DC des années 70... ) dans des salles où le rock a encore un sens...

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    1. Et oui, Juan. Et comme aurait dit un grand poète, amateur de jeux électriques, sur un air plaintif : "et parfois je me demande...".

      Malheureusement, il faut dire aussi qu'à cause du net (et aussi grâce), nous sommes tellement bombardés d'informations diverses, que l'on finit par ne remarquer que les choses qui signifient déjà quelque chose pour nous. Un souvenir, un truc que l'on aime, ou, malheureusement, ce qui titille la curiosité parce qu'une oreille distraite (ou pas) l'a déjà entendue (ou vue) à la télé ou autre part, et a stocké dans un recoin d'un cerveau passablement endormi (neutralisé ?). En fait, ce qui a déjà profité d'une promotion. En ce sens, on émousse la curiosité.
      Les BellRays en refusant toutes compromis avec l'industrie musicale se sont condamnés à un relatif anonymat.
      Heureusement que l'excellent magazine Crossroads - aujourd'hui disparu (soupirs...) - avait écrit plusieurs articles élogieux sur le groupe, et ce, dès ses premiers numéros.

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