C’est à ma connaissance le
premier ouvrage consacré à DEEP PURPLE édité en français. On peut s’en étonner,
quand on voit le nombre de bouquins qui ressassent l’histoire des Stones, de
Led Zep, de Morrison et ses Doors. On
s’en étonne d’autant plus que Deep Purple jouit dans le landerneau rock d’une
plutôt bonne réputation, un certain capital sympathie, et son parcours chaotique aurait dû attirer plus d’un
biographe. On s’en étonne, mais on s’en réjouit, car ce bouquin est très bien
fait.
avec Nick Simper et Rod Evans |
Jean Sylvain Cabot commence par
souligner la spécificité de ce groupe sur les autres groupes de Hard Rock, en
rappelant deux choses : chez Deep Purple, pas d’histoire de dopes (hormis
avec Tommy Bolin, mais cela n’a pas duré…) on préfère bibiner au pub ou en
coulisse, et pas de textes satanico-machos, pour les périodes où Ian Gillan
tenait la plume. C’est à saluer. Et pour cause : l’auteur ne range pas
Deep Purple dans catégorie Hard Rock, et l’analyse de la discographie lui donne
raison.
Quelques idées se dégagent du
livre, qui cernent bien ce qu’était ce groupe. D’abord, c’est moins un groupe
qu’une addition d’individualités fortes, et musicalement cultivées. Le patron,
c’est le manager, Tony Edwards, un industriel reconverti dans la musique, donc
avec un apport financier sans fond, les musiciens sont comme des salariés. Les
droits d’auteur sont d’ailleurs partagés en cinq parts égales (au grand dam de
Blackmore !!). Première spécificité, ils étaient là pour travailler
ensemble, pas pour le fun (pas d’histoire de jeunesse, comme Jagger et
Richards). Ils n’étaient pas obligés de faire copains-copains, et ça tombent
bien, car dès le début, les dissensions existent, et ne feront que croitre avec
le temps. L’aspect petite-entreprise renvoie les rapports humains au second
plan. Lorsque Rod Evans, le chanteur des trois premiers albums est remercié,
c’est par Edwards, sans que les musiciens n’interviennent. Il enregistrait en
studio la journée, sans savoir que le soir, les 4 autres recommençaient avec
Ian Gillan, les mêmes chansons ! Le limogeage de Roger Glover (bassiste)
en 1973 se fera de la même manière, entre deux portes de bureau. Coup de massue
pour celui qui en studio, se tapait 80% du boulot aux manettes, s'occupait du design (il cumulait un poste de producteur au sein de Purple Records). Et quand Joe
Lynn Turner sera évincé en septembre 1992 et remplacé par le revenant Ian
Gillan, on confiera au chanteur les bandes play-back débarrassées de la voix de
Turner, en lui disant : t’as une semaine pour réécrire et enregistrer tes propres
textes !
avec Ian Gillan et Roger Glover |
D’où ce constat : quid du
Hard Rock là-dedans ? Si IN ROCK (1970) est incontestablement une des
pierres angulaires du genre, Deep Purple est un groupe éponge, qui selon le
vent, donne dans le Psychédélisme, le Progressif, la Pop, le Rhythm’n’Blues, le
Heavy Métal… Bref, tout simplement du Rock, au sens large du terme.
De même, on peut avancer que
chez Deep Purple, il n’y avait pas de leader, au sens Pete Townsend, Jimmy Page
ou Mark Knopler du terme. Un type qui donne le cap. Pour les quatre premiers
disques, Jon Lord, l’ainé, celui qui cumulait le plus d’expériences (il parait
qu’il joue du piano sur « You really got me » des Kinks, mais ne dit-on pas aussi que Jimmy Page y tient la guitare ?) fait figure
de directeur musical, culminant avec le CONCERTO FOR GROUP AND ORCHESTRA (1969)
et GEMINI SUITE (1970). Quelques peu vexé que ses initiatives orchestrales ne
soient pas appréciées, il se relègue lui-même au second plan, au bénéfice de
Ritchie Blackmore, qui durcit le ton avec IN ROCK (1970). Blackmore, même s’il
se délecte de suites d’accords complexes tirés de la musique classique, veut
privilégier une exécution rock : énergie, bruit, riffs. Mais déjà Ian
Gillan reprend l’avantage pour FIREBALL (1971), ce que n’apprécie pas
Blackmore, qui clairement lui signale que dorénavant, sur scène, il fera tout
ce qu’il peut pour lui voler la vedette et lui pourrir la vie ! Charmant.
Ensuite, l’axe se déplace vers le tandem Coverdale/Hughes, qui imposent leurs
choix, en apportant une ligne funky, devant un Blackmore aux abonnés absents,
et un Lord qui laisse les autres s’étriper. Et là encore, bataille d’égo et de
place au micro entre les deux hommes. Blackmore reprend la barre en 1984 et veut absolument virer FM, puis se tire en 1992, permettant à Joe
Satriani de jouer en tournée pendant plusieurs mois. Depuis 1994, le navire
semble stabilisé avec l’arrivée de Steve Morse. D’ailleurs les anciens louent
l’arrivée de Tommy Bolin, puis de Steve Morse, où de nouveau le groupe retrouve
le sens du partage d’idées, d’échange, de création commune.
avec Glenn Hughes, David Coverdale, Tommy Bolin |
avec Ian Gillan et Joe Satriani |
A la lecture du livre, on se pose cette question : fallait-il garder Ritchie Blackmore au sein du groupe ? En moment de WHO DO YOU THINK WE ARE (1973) il menace : c'est Glover et Gillan qui foutent le camp, ou moi ! Il est resté... Les autres musiciens ne s’imaginaient pas jouer sans lui (il assurait tout de même un peu...) mais savaient qu’il était un frein à leur progression. Blackmore refuse toutes compositions qui ne viennent pas de lui, compose les set-list et n’admet aucun changement (d’où ces brouettes de disques live ressassant les mêmes titres), refuse de jouer ailleurs que dans 4 ou 5 pays. Il enregistre ses parties à part, sans tenir compte des maquettes, aux autres de se débrouiller pour l’assemblage des pistes ! Et quand il pond un riff d’enfer, il annonce qu’il le garde pour un projet personnel ! Celui qui pour beaucoup symbolise l’âme du groupe, en est paradoxalement le principal obstacle, responsable des tensions, et castrateur. Son départ est vu comme un soulagement. Lord ou Glover racontent comme ce fut bon de rejouer des « Picture of home » des « No, no, no », des « Hard lovin’ man », de sucrer enfin les 30 minutes de « Space truckin’ » et de partir vers l’Est, en Australie, en Amérique du sud…
Glover et Gillan avec Steve Morse |
Bon, une fois qu’on a dit ça…
RHAPSODIE IN ROCK n’est pas franchement un bouquin grand public, il intéressera
les afficionados, ou les amateurs de bios musicales, mais la lecture est aisée,
l’aventure riche en rebondissements, c’est clair, argumenté,
parsemé d’anecdotes (mais pas de cancans, d'allusions à la vie privée, ni de psycho à deux balles), de
déclarations des uns et des autres, pas toujours gentilles. Rarement gentilles
même !… Ce qui me fascine toujours dans ces bouquins, ce sont les débuts,
comment ces types se croisent, se rencontrent, cette nébuleuse de jeunes
musiciens qui presque tous feront carrière, on croise plein de noms, comme le
dénommé David Coverdale auditionné dès 1969 en remplacement de Rod Evans, et à
qui Jon Lord a dit : laisse-moi quand ton numéro, on ne sait jamais, à
l’avenir…
Et, ayons une pensée pour
Monsieur Terry Reid, qui déclina l’offre de devenir le chanteur de Deep Purple
en 1968, comme il déclina celle de Jimmy Page d’être celui de Led Zeppelin la
même année… Y’a des gars qu’on pas d’flair…
Je vous propose un extrait de "Amicalement Votre"... ah non, c'était vraiment comme ça les émissions de télé à l'époque !! "Hush" reprise de Joe South, a été leur premier tube.
DEEP PURPLE : RHAPSODIE IN ROCK
Les mots et le reste - 2013 - 267 pages
Je vous propose un extrait de "Amicalement Votre"... ah non, c'était vraiment comme ça les émissions de télé à l'époque !! "Hush" reprise de Joe South, a été leur premier tube.
45 ans plus tard, il ne reste que Ian Paice (batterie) comme membre d'origine.
Cabot mentionne "Deep-Purple" dans les disques à retenir, ce qui prouve déjà qu'il connait son sujet mais aussi qu'il ne fait pas dans la démagogie.
RépondreSupprimerEn effet, ce disque éponyme de 1969, du Mark I, demeure une des meilleures réalisations de Deep-Purple, avec un "April" qui se délecte de progressions classiques et inspirera certainement à Uriah-Heep "Salisbury".
Par contre, "manquer de respect" aux incontournables "Highway Star" (surtout), "Never Before" et "Space Truckin'" (malgré que ce dernier donne l'impression de ne pas avoir été peaufiné) est surprenant. Certes, aujourd'hui en comparaison d'innombrable titres du même genre, on pourrait trouver à y redire - quoi que -. Mais il ne faut pas oublier qu'à l'époque c'était totalement novateur. Je pense même que la NWOBHM est totalement redevable de ses titres (et du Mark II en général).
RépondreSupprimerExtraits piqués au hasard dans la chronique sur Machine Head :
RépondreSupprimer"mérite-t-il les éloges dithyrambiques et parfois irrationnels dont il a pu faire l'objet ?"
"Confronté au magistral et éclectique Led Zep IV, et à Black Sabbath amplifiant son son jusqu'aux prémices du Doom, Machine Head parait bien fade et lisse".
Pour les titres, il sauve "Picture of home", vaguement "lazy" dont il dit qu'à part faire taper du pieds, il ne sert pas à autre chose, qu'avec "scape truckin'" sont des morceaux de scène, que "highway star" est assez bateau dans sa construction, rien d'original... Et il rappelle qu'à sa sortie, la presse ne s'était pas franchement enthousiasmée, et que sans le phénomène "smoke on the water" le disque n'aurait pu eu le même retentissement.
Oui, il parle pas mal des trois premiers albums, c'est vrai que les compositions y sont plus recherchées, innovantes, il y a sans doute plus de choses à dire sur ces morceaux. C'est Jon Lord qui mène la danse à l'époque. L'exécution pêche encore par manque de spontanéité, ça reste un peu figé parfois, et c'est ce que Blackmore va essayer de changer, pour repartir vers une "éxécution" des morceaux plus rock'n'roll, une musique moins "posée"...
Procures-toi le bouquin, il est bien, et Blackmore dévoile quelques plans je crois"...
Tiens, lu une interview de lui, hier, dans R&F.
- quels conseils pour un guitariste en herbe ?
- une fois trouvé son 4ème accord, qu'il contacte un très bon avocat.
- souffrez-vous de ne pas être aussi reconnu en Angleterre que dans le reste du monde ?
- je souffre de la goutte et des effets du grand âge, mais certainement pas de ce que pensent les anglais.
- vous avez-vu que Deep Purple avait sorti un disque ?
- je me fous totalement de ce que peuvent faire ces types.
Sacré Blackmore ; il est reste une grande gueule impayable. Je l'ai longtemps adulé, puis même un moment haï à cause de son irascibilité (bien que je sois mal placé...).
SupprimerLe bouquin ? Je suis en train de le dévorer, avec délectation. J'aurais bien aimé que ce soit un pavé avec le double de pages.
Cabot remet également "Stormbringer" à la place qu'il mérite. Un très très grand album qui n'a pas eut le succès qu'il méritait. En raison qu'il sortait des carcans posés par le Mark II.
Cabot réhabilite également l'énorme travail de Steve Morse, notamment pour l'excellent "Perpendicular".
Deep Purple, ouais bof, ça me viendrait pas à l'idée d'acheter un bouquin sur eux ... enfin, tant qu'il dit pas de bien de "concerto for group and orchestra" ... sinon, ces bouquins "le mot et le reste", ça me semble assez cheap niveau mise en page, pas de couleurs, pas de photos, du moins pour quelques-uns que j'ai feuilletés ...
RépondreSupprimer"I really got you" des Kinks ... moi j'aurais dit l'inverse, Ray Davies aussi d'ailleurs ...
Lester, une place de relecteur au Déblocnot, tout frais compris et notre estime en plus, ça t'irait ?
RépondreSupprimerJe corrige...
Un bouquin sur Deep Purple, c'est drôle, mais moi, l'idée me paraissait évidente !!
Oui Bruno, la première réflexion à la fin, c'est : déjà fini ? Cabot circonscrit son sujet au strict groupe, sans s'éparpiller, ce qui explique aussi cela, ou alors, il n'y a pas tant de documents que ça à disposition, ou les membres du groupe sont peu bavards... Au moins, la matière est intéressante, et c'est vrai que ça se dévore en quelques heures.
Je préférerais de la relecture sur des étiquettes de vins et spiritueux plutôt que sur des chroniques de Deep Purple ...
SupprimerMais les temps sont durs, je vais en parler à mon manager et mes avocats, et on va t'envoyer un contrat et le RIB de ma société offshore aux Iles Caïman ...
¿ On peut louer le bouquin ?
RépondreSupprimerEt pis... J´aime bin la reprise de HUSH pqr Little Bob Story !
SupprimerRien de neuf dans ce bouquin pour qui s'est intéressé au Pourpre !
RépondreSupprimerAh si ! Tony Iommi avait rasé sa moustache pour le California Jam.
Poncifs de rigueur sur l'instabilité de Deep Purple et son manque d'inspiration ! De plus une erreur magistrale que je vous laisse découvrir...Bref 21,95 euros pas vraiment bien utilisés...
Rien de neuf dans ce bouquin pour qui s'est intéressé au Pourpre !
RépondreSupprimerAh si ! Tony Iommi avait rasé sa moustache pour le California Jam.
Poncifs de rigueur sur l'instabilité de Deep Purple et son manque d'inspiration ! De plus une erreur magistrale que je vous laisse découvrir...Bref 21,95 euros pas vraiment bien utilisés...
Oui, S.A., rien de vraiment neuf pour des lettrés de notre gabarit - Deep-Purple ayant déjà fait l'objet de nombreux articles relativement complets depuis les années 70 dans la plupart des magazines musicaux, plus maintenant le web -, mais pour les plus jeunes (que nous) cela reste un bouquin très intéressant et qui a l'avantage de ne pas faire dans la démago en encensant nécessairement les albums les plus vendus.
SupprimerOn aurait que ce bouquin soit plus volumineux, un vrai pavé (ce n'est pas la matière qui manque), plus détaillé, toutefois comme le souligne Luc c'est le premier bouquin en français, et c'est déjà beaucoup.
A ce titre soulignons au passage le travail des éditeurs "Le Mot et le Reste", "Rivage Rouge" et "Camion Blanc". Enfin, chez les "fromages qui puent" la presse se met au Rock.
Rien de nouveau... un peu quand même, mais il faut tout de même saluer ce premier bouquin en français consacré au groupe. L'instabilité du groupe n'est hélas pas un poncif, mais une réalité !! Ce qui ne retire rien au talent des uns et des autres.
RépondreSupprimerErreur magistrale ??? Rien ne m'a sauté aux yeux, ou j'ai lu trop vite !! Laquelle !? Laquelle ?!!!