LE MONDE DE SIMENON par Luc B.

Voilà une belle porte d’entrée pour le monde de George Simenon (1903-1989), des livres regroupant trois romans de l’auteur, autour d’un thème : ici, la Côte d’Azur, point commun à un moment ou à un autre, des trois histoires. Georges Simenon, un des plus prolifiques écrivains français qui en fait est belge (comme Johnny finalement…), a frayé avec trois genres en particuliers, le roman de caractère, l’étude de milieu, de mœurs, et le polar. Cette série de recueil permet donc d’avoir un échantillon de chaque genre.

On commence avec le roman de caractère avec LA FUITE DE MONSIEUR MONDE  (1944) très belle histoire d’un notable quadra, chef d’entreprise, qui lâche tout du jour au lendemain pour changer de vie. Sa femme prévient la police, mais monsieur Monde est majeur, libre à lui de disparaître. Monsieur Monde est à Nice, loge dans des chambres de bonnes, trouve une place dans un cabaret de strip-tease, rencontre une fille, et tombe par hasard sur son ex-femme devenue junkie…  C’est un roman formidable, à la lisière du Roman Noir d’ailleurs, énigmatique tant qu’aux motifs des personnages, un portrait d’homme et de femmes merveilleusement dépeints de cette écriture précise, à l’économie, basée très souvent sur l’observation des petits gestes.

Le deuxième roman est un Maigret, MAIGRET S’AMUSE (1957) particulier car le fameux commissaire est en vacances, sommé par son médecin de se reposer. Mais lui et sa femme sont restés à Paris, le vieux couple arpentant la Capitale et ses petits bistrots. Quand les journaux annoncent la découverte du cadavre d’une femme, nue, dans le cabinet d’un célèbre médecin, Maigret ronge son frein. Annuler ses congés pour retourner au 36 quai des Orfèvres est hors de question, il a promis à sa femme ! C’est donc uniquement en lisant les comptes rendus de l’enquête dans les journaux, que le commissaire Maigret va suivre les investigations, réfléchissant lui-même, élaborant des théories, voire même, en écrivant anonymement à la police pour proposer des pistes ! Une enquête policière atypique, originale, évidemment basée sur de longs comptes-rendus à lire, et décrypter. MAIGRET S’AMUSE est un pur cluedo, avec personnages ou double ou triple visage, une enquête par substitution, retorse, et qui permet de passer aussi deux semaines avec Monsieur et Madame Maigret, en pantoufle, un bon demi bien frais à la main !

La troisième histoire s’appelle STRIPTEASE (1958) un monde que Simenon connait bien (l’homme était friands de petites femmes légères…) et c’est à Cannes qu’il situe son intrigue, qui se déroule au cabaret Le Monico (celui-là même où travaillait Monsieur Monde dans la première histoire !). Beaucoup de personnages, quatre danseuses, le patron et Madame à la caisse, l’orchestre, mais aussi les clients, dans une description quasi documentaire du monde de la nuit en province. L’arrivée d’une jeune stripteaseuse de 19 ans, nouvelle attraction du spectacle, va semer la discorde, et cristalliser les jalousies, les frustrations, les envies de meurtres. Un roman égrillard, pense-t-on au départ, mais rapidement plus dramatique, dur, plus complexe qu’il n’y parait. J’aurais tendance justement à le trouver un peu trop développé, multipliant les personnages et intrigues secondaires, s’éparpillant.