vendredi 5 juillet 2013

IMPERIAL CROWNS "PREACHIN' THE BLUES LIVE" (2006) par Luc B.

Sur le site web des IMPERIAL CROWNS, on trouve cette phrase :

« The Blues and it's People should be kept "pure", locked up in a museum, left lifeless or living in the past. Well, The Imperial Crowns say NO to that ! Preachin' the blues everywhere they go!!! » Qu’on pourrait traduire par un truc du genre : certains prétendent que le blues, et les bluesmen, doivent rester purs, enfermés dans un musée, sans avenir, ou vivant dans le passé. Eh bien les IMPERIAL CROWNS disent non ! En prêchant le blues partout où ils passent !

Voici donc la profession de foi de ce groupe de Los Angeles. Ou devrais-je dire duo. Car le noyau dur du groupe est constitué de Jimmie Wood, chanteur, guitariste et harmoniciste natif du Texas, et JJ Holiday à la guitare (de son vrai nom Jeff Poskin). Ces deux-là ont écumé scènes et studios pendant des lustres, Holiday a même joué avec Little Bob, et de son côté, Wood a fait partie du Mick Taylor Band. Tous deux sont des sidemen accomplis, pour Etta James, Greg Allman, Dylan, Springsteen, Charlie Musswhite, Lightnin’ Hopkins, et même Megadeth ! Leurs groupes respectifs font le tour des clubs de Los Angeles, et comme le monde est petit, surtout sur  le Strip, ils finissent par unir leurs talents, avec un troisième larron, le batteur Billy Sullivan

Du côté des bassistes, c’est la valse viennoise, avec à peu près un quatrecordiste (ça se dit ?) différent par album et sur scène !! En 1997, Holiday et Wood travaillent à une bande originale de film (les parents de Wood sont dans le cinoche), dans le studio-maison de Sullivan, mais le projet capote. Sauf que les deux hommes apprécient le travail en commun, et du coup, composent leur premier album IMPERIAL CROWNS qui sort en 2000. Ce disque sort de manière confidentielle, les grandes majors ne se bousculent pas au portillon pour distribuer cette musique, d’autant qu’elle n’est ni strictement blues (y’a des labels pour ça) ni tout à fait rock, ni complètement soul… Elle est un peu tout ça en même temps. 

En 2004 sort HYMN BOOK, à la production plus léchée, on y entend des cuivres, des claviers, des chœurs gospelisants, et une ribambelle de guitares, dont de l’acoustique slidée, et du dobro. Bref, l’arsenal de l’honnête gratteux ! On y trouve une reprise bien soul STAX « You don’t miss your water », des compos vraiment bien foutues, un « Love blues » très stonien (période Exile), un « Just a dream » très Mick Deville. D'ailleurs, sur scène, suivant les époques, Jimmie Wood arborait une banane fixée à la bière, et des rouflaquettes en pointe du meilleur effet, comme l'ami Willy. Avec ces deux albums, il y a là matière à partir en tournée avec une set-list irréprochable. Reste à savoir comment vont donner les chansons une fois jouées en strict trio.

Les IMPERIAL CROWNS sont programmés au festival Rock Palast, en Allemagne, il en résultera un CD / DVD Live PREACHIN THE BLUES LIVE ! On est rassuré, sur scène, les titres arrangés en trio, gagnent en cohérence. La bonne surprise vient aussi de Jimmie Wood, qui se déchaine littéralement au chant (et à l’harmo), bavard entre les chansons, plus incisif, la voix plus brute, assumant son statut de front man déglingué et gueulard, et on pense au regretté Captain Beefheart, autre grand barré de Californie. Un trio + chanteur harmoniciste dans ce registre-là, aurait-on un arrière-goût de DOCTOR FEELGOOD ? Une paire Wood/Holliday contre Brilleaux/Wilko ? L’esprit de Lee Brilleaux plane, sans aucun doute (comme celui de Morrison, sur le long "Rambling Woman Blues" mais normal, lui, il est partout !), mais côté ambiance on ne retrouve pas l’esprit prolo de Canvey Island. Ce n’est pas la grisaille industrielle qu’on ressent ici, ni les fléchettes au pub, mais le vent chaud de Californie, la moiteur proche, car le groupe fait le pont entre le stupre de L.A. et les rives infestées de moustiques du Mississippi.

Il y a un petit contraste intéressant entre le côté méchant garçon de Jimmie Wood le tatoué, qui enfile les « fucking » et les « mother fucker » plus vite que Joe Pesci chez Scorsese (alors que le bonhomme pétait dans les draps de soie étant jeune à Bel Air…), et la slide de JJ Holiday, sa réverb’ très sixties, comme le montre l’entame du concert sur « Preachin’ the blues ». Car le son de la guitare n’est pas cradingue, les lignes rythmiques de Holiday sont parfaitement tricotées, et le duo basse-guitare s’entend à merveille, Billy Sullivan et John Avila abattent un beau boulot, solide, inventif (ce qui ne sera pas le cas des intérimaires qui défileront ensuite...). C’est à partir de « Big Boy » que le disque décolle vraiment, titre plus swinguant, plus classique aussi avec son walk de basse sur le refrain, avec chorus d’harmo, suivi du « Just a dream » qui pour le coup en trio, oui, peut rappeler DOCTOR FEELGOOD, dans son riff de slide, et approche presque pop de ses yé yé yé  

A partir de là, le groupe enchaine les perles, avec un titre qui fleure bon le gospel « The River », dans laquelle on plonge pour laver ses pêchers. C’est bien dans le genre d' IMPERIAL CROWNS (et du blues en général), Seigneur, my Lord, lavez-moi de ma crasse que je puisse m’y replonger de plus belle ! Excellent groove, pédale d’effets (je ne vous donnerai pas la référence et le nombre d’exemplaires vendues, je ne m’appelle pas Bruno !), pattern de batterie tout en syncope, tout y est… Le titre suivant c’est « Altar of love » sa longue intro à l’harmonica, le riff déboule, la batterie envoie le bois, et emmène son monde sur des cimes de rhythm’n’blues speedé, de boogie binaire. Arrive ensuite l’excellent « Golden girl » sur une base plus funk/pop, ses chœurs discrets. « Blues au go go » s’apparente davantage à un rock, pur et dur, ça défouraille sec, l’énergie déployée nous rappelle le Rory Gallagher des grands jours (c’est-à-dire tous sauf son dernier). On calme le jeu avec un long et lent « You don’t miss your water » (compo de William Bell, reprise entre autre par Otis Redding) dégoulinant de soul, exercice de style classique du mec qui chiale sur sa gonzesse à s’en arracher les tripes, sur lignes de chœur de ses acolytes… 

Le set se termine sur le très long « Ramblin’ Woman Blues » (16mn) avec une présentation du groupe, long monologue déjanté, où on apprend que le guitariste est nourri du fantôme de Ritchie Valens, car arrivé au monde le même jour que l’accident d’avion qui emporta Ritchie La Bamba ! Le morceau dérive ensuite aux grès des vents, y’a un p’tit côté 70’s, quand les power trio partaient loin, assez bruitiste, mais aussi les incantations au Mojo du blues, avec la voix caverneuse d’un Howlin’ Wolf. Le Jimmie use et abuse des effets vocaux, précisions qu'en plus de sa prestation au sein du groupe, il est acteur de doublage, et compositeur de musiques de films, et de pub.  

Parmi tous les disques que j'ai achetés ces dernières années, à l'aveugle, sans rien connaître, c'est sans doute une de mes plus belles surprises. A noter que ce concert existe aussi en DVD, avec un titre en plus, un "Kingsize Jones" assez funky de 10 minutes. Un troisième album studio sort en 2007, STAR OF THE WEST qui peut facilement décrocher la palme de la pochette la plus risible, et pas sûr que ce soit du second degré. Et après ? Ben, plus rien. Si quelqu'un a des nouvelles ? Aucune info nulle part. Espérons que Jimmie Wood n'ait pas eu le même destin que Lester Butler, chanteur harmoniciste des RED DEVILS, une formation blues re-re-revival dans la mouvance de ces COURONNES IMPERIALES.


On écoute "Lil' death" issue d'une autre tournée :


Et "Rambling woman blues", en fucking live, 16 fucking minutes of fucking bonne sueur, et c'est pour vous mes mother fuckers adorés !  
- Y vont mal le prendre...
- Mais non, Claude, c'est affectueux...





7 commentaires:

  1. J'avais souvent entendu le nom d cette formation mais jamais été plus loin et j'ai carrément eu tort au vu de ce que j'entends ca déchire grave !!!!!!!!!!!!

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  2. Suite à des articles élogieux dans la presse, j'avais cherché en vain chez les disquaire l'objet. Fort mal distribuée la galette. Et puis, enfin, lorsque je pu enfin mettre la main dessus, j'ai été assez déçut. Jamais réussi à écouter le disque d'une traite.
    Pourtant, on sent derrière un gros potentiel, et les compos sont bonnes...
    à réécouter ??

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  3. Bruno, c'est vrai que les 2 ou 3 premières écoutes peuvent décevoir, parce qu'à mon avis, on ne retrouve pas le blues "pur", ni le blues-rock, ni les tics habituels du genre. Bref, on croit être en terrain connu, et pis non, on l'est pas ! Mais les compos sont effectivement bonnes (très bonnes même pour certaines) les 2 leaders envoient vraiment le bois, et au fur et à mesure (car c'est un live, les albums studios sonnent plus sages) la mayonnaise prend vraiment. A réécouter, je pense...

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  4. pour les avoir vu a boulogne sur mer,je peux dire que l'on ne sort a indemne de leur prestation!!!!ca demenage

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    1. C'était sur cette même tournée européenne, ou plus récemment ? (et merci du passage !)

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    2. Je les ai vu ce week end à Beaumont en Veron ☺☺☺☺ Énorme. ..Si vous avez l'occaz, ne pas rater.

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    3. Merci ! Je ne savais même pas qu'ils tournaient encore.

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