vendredi 10 mai 2013

SUPER BLACK BLUES (1969-70) par Luc B.


SUPER BLACK BLUES édité en deux disques, propose deux prestations différentes, mais qui ont en commun la réunion de la crème du Blues. Le volume 1 est enregistré en studio. A l’origine, le producteur Bob Thiele avait prévu d’enregistrer chaque participant séparément, et il l’a fait. Mais, idée de génie, il s’est dit que l’occasion était trop belle de ré inviter les protagonistes pour une ultime séance en groupe, le 17 octobre 1969. 

C’est ainsi que se retrouvent devant le micro, T-Bone Walker (chant, guitare), Joe Turner (chant) et Otis Spann (piano, chant). Et pour les accompagner, George Smith (harmonica), Ron Brown (basse), Arthur Wright (guitare), Ernie Watts (sax ténor) et Paul Humphrey (batterie). Ca commence par un long blues de 14 minutes « Paris Blues » signé T-Bone Walker, qui entame le chant « You known what Joe, Paris is a fine place to be » que vient interrompre Joe Turner « a fine place, or a no good place to be ? ». Car la suite nous explique que le pauvre T-Bone est tombé sur une femme parisienne, qui a dû le faire souffrir… Un feeling renversant, chorus à gogo, ce titre vaut à lui seul de posséder ce disque. Et pourtant, que la suite est belle, avec « Here am I broken hearted », où Ernie Watts fait chauffer le ténor, d’une manière assez moderne (nous sommes en 1969, le rock est passé par là…), le saxophone n’étant pas l’instrument Blues par excellence, plutôt dédié au Jazz. Puis un « Jot’s blues » de 8 minutes, puissamment chanté par Joe Tuner, un "shooter", ou "crieur" comme on appelait ces chanteurs à la voix de stentor, et encore un dialogue T-Bone / Turner. Et zou, on enquille avec une jam de 10 minutes, un shuffle swinguant, sur walk de basse, et les réponses de Watts au sax, chorus de chacun, harmonica, piano, guitare. C’est tout simplement à tomber par terre. Par la longueur des morceaux, la liberté totale des musiciens, leur savoir-faire individuel, ce SUPER BLACK BLUES vol.1 est incontournable, un des meilleurs témoignages de cette musique Blues. La prise de son est impeccable, rugueuse à souhait. Un trésor que je m’empresse de remettre au coffre (n° 275569, juste à côté de celui de Cahuzac...). 

Le volume 2, toujours produit par Bob Thiele, réunit des noms encore plus prestigieux, à la croisée du Blues et du Jazz. C’est un enregistrement live, du 2 mai 1970, au Carnegie Hall de New York. Une salle si bourgeoise pour une bande de ramasseurs de coton ? Parce que la soirée s’appelait « BB King and his Friends » et il s’agissait de présenter au public blanc les meilleurs représentants de la musique noire. On se souvient de la tournée 1969 des Rolling Stones (« Get your ya ya’s out ») ou BB King faisait la première partie. C’est maintenant le Roi BB qui invite, il a organisé la soirée, choisit les intervenants (il sortira sous son nom un disque live issu de la soirée). 

C’est Joe Turner qui ouvre les hostilités, relaxe, avec notamment un « Shake rattle and roll » qui fit la fortune de Bill Haley. On retrouve dans le groupe T-Bone Walker à la guitare, Eddie Vinson au sax, mais aussi Elvin Jones à la batterie (batteur de John Coltrane) ou Wynton Kelly au piano (Dizzy Gillespie, Miles Davis, Cannonball Adderley…), Al Hall à la contrebasse (Erroll Garner, Benny Goodman). C’est dire si la barre est placée haute. Eddie Vinson prend le micro pour trois chansons, son classique « Cleanhead blues » qui fait toujours marrer le public « They call me mister cleanhead, just beacause my head is bald on top, and every week I save a dollar, when I walk by that barber shop », et le « Had a dream » titre humoristique sur sa fantasmée rencontre avec Nixon, qui en dit long sur la condition des Noirs à la fin des années 60. C’est au tour de Léon Thomas d’avancer sur la scène, un musicien affilié au jazz, qui débute avec Art Blackey, devient chanteur chez Count Basie, mais aussi plus tard au côté de Carlos Santana, et qui collaborera avec Phaorah Sanders, saxophoniste de la mouvance Free Jazz (Sun Ra, Coltrane). Il chante « Welcome to New York », « Disillusion Blues », et « Damn Nam » une chanson politisée sur le refus de partir se battre au Vietnam. 

La soirée se termine sur le classique « Stormy Monday Blues » de et par T-Bone Walker, sur un tempo lent, puis un court « Sail on » binaire, avant que les applaudissements se déchainent dans la salle. Un public visiblement comblé, qui a manifesté son enthousiasme pendant toute la prestation. Je placerai le volume 2 en dessous du volume 1. Il devait y avoir une certaine pression pour ces musiciens à se retrouver-là, le temps de jeu devait tout de même être limité, alors que le premier disque est une jam improvisée, qui laisse plus le champ libre. Mais voici deux beaux disques de blues, le second ayant comme intérêt ce pont dressé entre musiciens de Blues et de Jazz, deux musiques intimement liées, et qui n’ont cessé de se nourrir mutuellement. 

 
SUPER BLACK BLUES Volume 1, 4 titres, 37 minutes


 
SUPER BLACK BLUES Volume 2, 10 titres, 38 minutes



Extrait du volume 1 : Jot's Blues

1 commentaire:

  1. Ouch ! Je ne connaissais du tout pas ces "Super Black Blues", mais alors si tout est du même tonneau que ce "Jot's Blues" je suis vraiment passé à côté de quelque chose de fort.
    L'ambiance me rappelle le magnifique "A Man & the Blues" de "vous savez qui".
    En plus du meilleur de T.Bone et de B.B., of course.
    La journée commence bien.

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