Une
semaine vraiment noire dans le monde de la musique et dans tous les genres.
Henri Dutilleux est mort le même jour que Georges Moustaki. On ne pouvait pas
en parler jeudi, 4 RIP en 48 h auraient cassé le moral des lecteurs. Et puis
soyons réaliste, Dutilleux n'était sans doute pas aussi connu que les autres
disparus honorés.
Avec
une longévité de 97 ans, Henri Dutilleux
a bénéficié d'une chose rare du vivant d'un compositeur… devenir un "classique"
même avec une écriture d'avant-garde. L'an passé, Valery
Gergiev a dirigé, à Pleyel, avec le Concertgbouw d'Amsterdam, les "Métaboles",
une pièce symphonique importante dans un programme comprenant le concerto pour
violon de Sibelius et la 5ème symphonie de Prokofiev. J'y étais. Je
considère que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, trois compositeurs
ont marqué l'histoire de la musique française, je parle de ceux qui passeront à
la postérité : Olivier Messiaen (1908-1992),
Henri Dutilleux et Pierre
Boulez (né en 1925). D'autres ont été déjà oubliés. La plupart
du temps leur musique peinait à remplir les petites salles d'un public restreint comme celle de la cité
de la musique à Paris.
Né
en 1916, Henri Dutilleux suit une formation
de piano et de contrepoint très classique. C'est dans les années 50 qu'il va se
consacrer définitivement à la composition et à la recherche d'un univers
personnel. Dutilleux est un peintre, un
passionné de la couleur sonore. Son œuvre est donc essentiellement symphonique,
démarche qui lui permet de travailler sur des associations de timbres les plus
variées.
Dans
"Métaboles", l'orchestre
est immense, enrichi d'instruments les plus surprenants notamment au niveau des
percussions. Pour être plus explicite, j'ai choisi d'illustrer ce petit hommage
par une vidéo du concerto pour violon "L’Arbre
des songes" interprété par Renaud
Capuçon. Dutilleux
intègre à l'orchestre un grand nombre d'instruments de type "clavier"
: piano, vibraphone et crotales (les lames sont circulaires), célesta ou encore
harpe et même cymbalum, cet instrument d'origine hongroise. Une belle débauche
de couleurs scintillantes… Et c'est aussi dans cet ouvrage que l'on s'aperçoit
que Dutilleux savait exploiter les acquis et recherches de ses prédécesseurs les
plus inventifs comme Bartók,
ou Berg et Webern
de l'École de Vienne et le dodécaphonisme. Le début du concerto "L’Arbre des songes" me fait
immanquablement penser aux premières mesures du concerto à la mémoire d'un ange
(clic) de Berg avec une série de notes qui s'envole poétiquement du violon.
Dutilleux
ne s'exposait pas aux feux de la rampe. Son œuvre est restreinte car travaillée
avec perfectionnisme. Elle est largement enregistrée et une intégrale symphonique
a été réalisée à la BBC sous la direction de Yann-Pascal
Tortelier (Chandos).
Il est important de souligner que les plus grands solistes ou chefs d'orchestre
du XXème siècle ont passé des commandes à ce maître : George Szell, Seiji
Ozawa, Paul Sacher…
La liste serait longue. J'avais dans mes projets deux œuvres majeures à
commenter : le concerto pour violoncelle "tout
un monde lointain" dédié
et interprété par Mstislav Rostropovitch, et
bien entendu "L’Arbre des songes" par
son dédicataire, Isaac Stern… Rendez-vous
dans quelques temps… Henri Dutilleux
a rejoint Messiaen dans l'histoire de
la musique…
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