vendredi 31 mai 2013

LE GANG ANDERSON de Sidney Lumet (1971) par Luc B.


Encore Sidney Lumet ? Bah oui, désolé si ce type a fait de bons films !! Nous en avons déjà parlé de ce metteur en scène américain, décédé en 2011, vous verrez les liens en fin d’article. Donc, cela signifie qu’on peut entrer illico dans le vif du sujet.

Sean Connery et Sidney Lumet, tournage
LE DOSSIER ANDERSON, ou LE GANG ANDERSON, ou encore THE ANDERSON TAPES en anglais, et la seconde collaboration entre Sidney Lumet et Sean Connery, après LA COLLINE DES HOMMES PERDUS en 1965, et avant THE OFFENCE en 1972. Autant ce dernier est un film extrêmement sombre et dérangeant, autant LE GANG ANDERSON est dans la lignée des polars, plus divertissant. A première vue… car Sidney Lumet n’était pas homme à simplement réaliser un p’tit polar…

Duke Anderson sort de taule. Il a pris 10 ans pour cambriolage. Et comme tout ex taulard qui se respecte, à peine dehors, il organise un nouveau coup ! Parce que sa maîtresse habite un immeuble très cossu de New York (ses premiers mots pour elle, juste en sortant de l’ascenseur seront : « j’ai pas baisé depuis 10 ans », notre héros est un grand sentimental… mais la scène réellement magnifique) cela lui donne une idée terrible. Cambrioler non pas un appart, mais tous !  Tout l’immeuble. Le vider entièrement, tableaux, bibelots, bijoux, meubles, liquide…  Pour cela, il faut une phase de reconnaissance précise, une équipe de confiance, et une mise de départ. Duke Anderson se rapproche d’un ami, lié à la mafia, qui accepte de financer le projet, à deux conditions : 50/50 sur les bénéfs, et prendre dans l’équipe un homme à lui, un dingue, un violent… et le descendre ensuite. 

Hélas, et je ne vous révèle rien, puisqu’on le sait dès le début, tous les gens qu’approche Duke Anderson, qui deviendront ses complices, sont pour des raisons différentes déjà surveillées par la police. Tous suivis, mis sur écoute, filmés… Ce que chacun ignore, Anderson le premier. 

Christopher Walken, Stan Gottlieb, Sean Connery
Et c’est là que Sidney Lumet va se distinguer de ses confrères, car son film porte sur un thème qu’il a souvent évoqué, la justice, et les moyens qu’elle se donne. A travers ce film de casse, Lumet se livre à une dénonciation d’une Amérique sous surveillance, parano, grand thème du cinéma des années 70, comme dans CONVERSATION SECRETE (F.F. Coppola) ou LES TROIS JOURS DU CONDOR (Sydney Pollack), KLUTE (A.J. Pakula). De quels moyens les autorités peuvent disposer, pour protéger la population ? Quelle limite est-elle admissible dans une démocratie ? 

Car le sentiment de parano est extrême dans ce film. Partout, tout le temps, ce ne sont que caméras, écrans, ordinateurs, bases de données, micros, filatures, photos.  Dès les premiers pas de Duke Anderson en liberté, dans une gare, le voilà déjà repéré par les caméras de surveillance parce qu’il fait les poches d’un p’tit vieux (en réalité, un ami à lui qu’il cherche à aider). La caméra de Lumet court sur les câbles téléphoniques, les bandes magnétiques, sur fond de bruitages technologiques, drôles, puis agaçants, mais qui finalement en nous portant sur le système, jouent parfaitement leurs rôles, ça nous inquiète et nous hérisse. Il y a un aspect avant-gardiste dans cette bande son (qui a vieilli bien sûr) d’autant que la musique composée par Quincy Jones, joue sur des sonorités d’orgue, en trio jazz ou funk. 

Sean Connery et Martin Balsam
Face à toute cette technologie, Duke Anderson semble bien dépassé. Il est d’un autre temps, utilise les méthodes éprouvées, rechigne à la violence. Toute la préparation du casse, rappelle le film OCEAN’S ELEVEN de Steven Soderbergh, avec notamment l’antiquaire homosexuel chargé d’évaluer les marchandises, et joué par l’excellent Martin Balsam (SUR LES QUAIS, DOUZE HOMMES EN COLERE, PSYCHOSE, LITTLE BIG MAN, LES HOMMES DU PRESIDENT…). On frise la comédie, et même la farce, avec le rôle du capitaine de police, droit dans ses bottes, les forces de police ridiculisées, ou la scène au standard téléphonique (faut-il ou non accepter un appel de détresse en PCV ?!). Avec Sidney Lumet à la caméra, vous pouvez être sûr que la forme sera maitrisée, les cadrages parfaits, les mouvements d’appareil précis, tout sera mis au service du récit, et le rythme ne faiblit pas, en 1h40 c'est emballé. C’est au début du casse que Lumet utilise les flash-foward (donc, le contraire des flash-back) en montage alterné, montrant les habitants de l’immeuble témoigner à la police. Donc, l’après casse. Rien n’indique à ce stade si le plan a réussi, mais on sait que la police est intervenue…  Le casse en lui-même permet d’observer les habitants de l’immeuble, les lâches, les filous, les pingres, comme ces deux petites vielles, dont l’une dénonce l’autre car on a trouvé chez elle un exemplaire du livre Histoire d’O !!

Mais alors que tout semble bien se passer, le ton change. On s’énerve, on s’impatiente, la peur gagne les esprits, la parano aussi. Anderson perd de son flegme, de son autorité. Il cède à la violence. Y’a un truc qui cloche. Pourquoi ce silence. Cette rue entraperçue des fenêtres, vide, calme. Anderson communique souvent avec un complice, qui a pris la place du concierge. A priori, rien à signaler… Sauf que. Sauf que le gamin, paralysé, dans sa chambre, expliquant aux truands qu’il ne peut représenter une menace, cache une cibi dans son placard…  Et puis cet appartement logiquement occupé mais donc les propriétaires ne répondent pas. Curieux. Contrariant. Et puis ce large plan à la grue, dehors, devant l’immeuble, un type, en chemise, un journal sous le bras, qui marche. La caméra le suit, élargit le champ, et ce sont des dizaines de voitures de police postées à chaque angle de rue, tapies, silencieuses, prêtes à foncer. Ca, les hommes d’Anderson n’en savent rien. Ces plans rappellent ceux de UN APRES MIDI DE CHIEN, du même auteur, avec Al Pacino coincé dans sa banque. 

Les mêmes déguisés en Hannibal Lecter !
Sidney Lumet mêle le grotesque, la comédie, le suspens. Du grand art. Sur la fin, sèche, froide, plus de musique, on ne rigole plus, les bas instincts reprennent le dessus. Au dernier plan du film, toutes les bandes enregistrées, les fameuses Anderson’s tapes, qui concernent ses complices (l’ironie est là, lui, Anderson, personne ne le surveillait, on ignore même qui est ce type !) sont effacées, détruites. Parce qu’illégales. Et cette histoire de holp-up débouchera sur une enquête, alors on ne laisse aucune trace.

Dire que Sean Connery domine le film est peu dire. Quelle présence ! On sait que l’acteur voulait sortir du smoking de James Bond, il a prouvé de nombreuses fois qu’il était capable de bien autre chose. Citons pour les seules années 70 : THE OFFENCE, L'HOMME QUI VOULUT ETRE ROI, LA ROSE ET LA FLÈCHE, L'ATTAQUE DU TRAIN D'OR et juste après OUTLAND génial western spacial... A ces côtés, le jeune Christopher Walken, diaphane blondinet dans un de ces premiers rôles au cinéma. On le retrouvera dans ANNIE HALL, VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER, LA PORTE DU PARADIS, DEAD ZONE, PULP FICTION… Toute la distribution est magnifiquement dirigée. 

LE GANG ANDERSON, n’est pas le plus célèbre métrage de la filmographie de Sidney Lumet. C'est une parfaite réussite, que je vous engage à découvrir. Deux mécaniques s’y opposent, celle d’Anderson et son plan de dingue, et la mécanique parallèle, invisible, sournoise, le réseau d’informations qui circulent, qui mènera le héros à sa perte. Du grand cinoche américain, qu’on se le dise ! 

   
THE ANDERSON TAPES (1971)
couleurs  -  1h40  -  format 1:85



Impossible de trouver une bande annonce digne de ce nom. Il n'y a que ce clip qui en reprend les images. ATTENTION !! Passées 3 minutes, vous verrez les dernières scènes du film ! Pour ceux qui ne connaissent pas, ce serait dommage, donc arrêtez-vous avant !!


Autres articles consacré à Sidney Lumet :
Sidney Lumet est mort
Son dernier film : "7h58 ce samedi-là"

4 commentaires:

  1. Entièrement d'accord ... bon, j'ai pas vu le film, ça facilite le consensus.
    Bientôt les Lumet / Pacino (Serpico, Un après-midi de chien) ?

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  2. Y'a des chances que le coffret y passe, oui...

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  3. Shuffle master31/5/13 20:30

    Connais pas celui-là. In n'a jamais dû passer à la télé, si?

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  4. Sur de petites chaines, coincées entre la 213 et la 245... Mais il est certain qu'il n'a pas l'audience d'un "Serpico"...

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