Un opéra qui a des comptes à rendre
L’opéra le plus joué au monde commence par un problème de numérologie lié
au chiffre 3 ! Nombre premier bien troublant :
Carmen
fut créé à l’Opéra-comique le 3
mars 1875, le 3ème
jour du 3ème mois de l'année (1+8+7+5= 21 ; 2+1=3).
Bizet
meurt 3 mois plus tard, le 3 juin 1875, le 3ème jour du 6ème
mois (3+3) de cette même année (3+3+3+3 = 12 soit 1+2 = 3).
Bizet meurt au moment ou madame
Galli-Marié, qui jouait le rôle de
Carmen
chantait pour la 33ème fois le trio (3) des cartes dans l’acte 3
scène où elle retournait la carte impitoyable : "La mort, toujours la mort !".
Carmen, la première impression
En 1845
Prosper Mérimée
est déjà un auteur célèbre. 5 années plutôt, il avait écrit "Colomba" et était membre de l’académie Française depuis un an.
1845 sera la date à laquelle la
sulfureuse
Carmen
viendra diaboliser le cœur des hommes qui auront la malchance de l’approcher
d’un peu trop près.
Ce roman en quatre chapitres n’est pas à comparer sur tous les points avec
le livret que vont en tirer
Henri Meilhac
et
Ludovic Halévy
pour l’opéra éponyme de
Georges Bizet
en 1875. Certes le fond de
l’histoire reste le même, c’est à dire une histoire d’amour et de jalousie
qui conduit a une issue fatale. Certains personnages disparaissent et
certaines situations divergent. Chez
Mérimée,
Carmen
est mariée à Garcia, un des bandits de
la troupe de contrebandier du Dancaïre.
Don José tuera
Garcia, le
Dancaïre mourra dans une embuscade et
Carmen
aura une relation, non pas avec un toréro prénommé
Ecamillo, mais avec un picador appelé
Lucas. Le roman est plus enchevêtré que
l’opéra de
Bizet, alors je cède à la facilité et je m’en vais vous compter l’histoire de
cette femme facile, volage et fatale qu’était
Carmen.
Carmen donne de la voix
Bienvenue dans l’Espagne du XIXème siècle, à
Séville plus exactement, où se
trame une histoire de chassé-croisé sur fond de quatuor amoureux.
Acte 1 : La manufacture de tabac ou
Carmen, bohémienne et cigarière de son état, passe ses journées à rouler des
cigares. Séductrice et indépendante, elle jette son dévolu sur le brigadier
Don José en lui jetant une fleur en
pleine face.
Nota : les exemples musicaux son issus de deux versions différentes. La
distribution dans ce billet "pot-pourri" sera donc :
Don José :
Nicolai
Gedda: Carmen :
Anna Moffo
– Escamillo :
Robert Massard
- Micaëla :
Andréa Guiot. Priorité à été donnée à la qualité de l'élocution en français…
La deuxième femme de cette intrigue apparait, c’est
Micaëla une orpheline recueillie par la
mère de Don José. La jeune fille fera
tout dans l’histoire pour ramener
Don José à la raison, aveuglé par son
amour pour Carmen, et à ses cotés
puisqu'elle est, il ne faut pas l'oublier, sa fiancée en titre ! Il y a une
autre femme qui a un rôle primordial, que l’on ne verra jamais, mais dont on
parlera souvent, c’est la mère du soldat Navarrais. Tous est presque en
place : Une femme allumeuse, une autre protectrice et un soldat, homme
à femmes indécis, tiraillé dans tous les sens (ou tous ses sens) et qui
succombera aux charmes venimeux de la première. Vous suivez ?
Carmen
qui n’est pas une bonne sœur (On l’aura deviné !), est arrêtée pour avoir provoqué une rixe dans la manufacture et… dessiné
une croix de saint André au couteau sur le visage d’une de ses camarades
(encore une histoire de mec à se partager qui tourne mal). Le brigadier
Don José doit l'embarquer, mais
manipulée "érotiquement parlant" par
Carmen, il la laisse s’échapper.
Acte 2: Il retrouve la belle un mois plus tard dans une taverne fréquentée par
des contrebandiers (1). Il va tout plaquer, son job de soldat, sa fiancée
Micaëla. En un mot, il est sur la
mauvaise pente, fou amoureux et possessif, ce qui va vite lasser la
bohémienne
Carmen
au caractère émancipé… N'anticipons pas… Arrive le macho par excellence, qui
joue les bellâtres auprès des femmes, et qui roule des mécaniques. J'ai
nommé Escamillo, Toréro de son état (et
non toréador) qui va commencer à "draguer" tout ce qui bouge dans le beau
sexe, au grand dam de Don José jaloux
comme pas un ! (2). Arrivée des deux contrebandiers, nommés le
Dancaïre et le
Remendado, d'où s’en suivra un air pas
très à l’avantage de la gente féminine (3).
Carmen
va donner dans le voluptueux en dansant pour que
Don José tombe dans ses filets. Le coup
rate et l'on sent à ce moment là qu’elle commence à se lasser de ce cœur
d’artichaut accaparant. Elle arrive pourtant à le faire déserter
définitivement et à rejoindre les contrebandiers (4). Votre chroniqueur et
certains autres rédacteurs sont d'accord sur un point : Don José est
vraiment, disons, un peu niais…
Carmen et les forces du destin
Les forces du destin (ça jette, mais
rien à voir avec l’opéra de Verdi au titre rappelant cette expression)
et celui des personnages qu’elle croise sur son chemin.
Acte 3 : Nous nous retrouvons dans les montagnes avec les contrebandiers.
Tiens, un petit intermède caractéristique de la musique claire et vivante de
Bizet
Carmen
et ses deux copines, Mercédès et
Frasquita, s’amusent à tirer les
cartes, mais pour elle, ça s’annonce plutôt mal, chaque fois un mélange de
"Carreau ! Pique ! La mort !". Autant Mercédès et
Frasquita ne voient que de bonnes
choses pour elles,
Carmen
ne voit que son destin tout tracé dans les mêmes couleurs de cartes qu’elle
tire à chaque fois (1). Et Micaëla dans
l’affaire que devient-elle ? La jeune femme cherche
Don José pour le ramener auprès de sa
mère qui n’est pas loin de calancher (*). La voici rendue dans le repaire des contrebandiers, pas très rassurée,
et cette quête de son ex pour la bonne cause nous donnera l'un des plus
beaux morceaux de la partition (2). Elle chante, furieuse contre
Carmen
et "ses artifices maudits". Après une altercation entre
Escamillo (venu chercher sa
dulcinée) et
Don José, tout ce petit monde se quitte
en mauvais termes.
Carmen
largue Don José parti avec
Micaëla auprès de sa mère mourante, et
file se blottir dans les bras d’Escamillo.
(*) Ce qui caractérise le style narratif de Pat, c'est la poésie
argotique et tendre, d'une forte simplicité, pour formuler certaine
situation douloureuse (Claude Toon).
Acte 4 : Retour sur la place de Séville, à l’entrée de l'arène. La foule s’y
presse, des marchands d’oranges, d’éventails, de programmes etc... Tous les
principaux protagonistes de l’histoire sont là. Après une procession,
Carmen
susurre des mots d’amours dans l'oreille d'Escamillo. Mercédès et
Frasquita viennent prévenir cette
dernière que Don José est dans la foule
et l’attend pour une confrontation de tous les dangers.
Carmen
relève le défi à priori verbal avec son ex-amant trahi et rejoint seule
Don José.
L’inéluctable altercation fera
son office ; pour s'envenimer ça s'envenime,
Don José tue
Carmen.
Carmen s’adapte à toutes les situations
Sur scène,
Carmen
a été mise à toutes les sauces. A l’opéra, elle a été noire avec les
magnifiques
Léontyne Price,
Shirley Verrett
ou encore
Jessye Norman.
Carmen
a même dansé sur les ballets de
Roland Petit
en 1949 et aussi le flamenco
(Carmen Flamenco) en
1992 par
Rafael Aguilar.
Dans les salles obscures évidemment, avec le film de
Francesco Rosi
ou la plus populaire des
Carmen,
Julia Migenes, nous offre une version d’une femme très venimeuse à souhait, presque
méchante. Une prestation vocale qui n'est pas excellente au demeurant.
- Pour avoir la voix et le venimeux, écoutez la Calas en 1962, mais mon
ami Pat n'aime pas le timbre de sa voix…
- Heuu, dis donc le père Toon, si tu veux faire la chronique à ma
place…
Le nom de
Carmen
sera pillé à l’écran par moult cohortes de réalisateurs de tous genres et de
tous styles, de
Christian Jacques
à
Carlos Saura,
Otto Preminger
et son "Carmen Jones", et même une
œuvre soit disant dramatique de
1984 relatant l’œuvre de
Prosper Mérimée
"Carmen Nue" d'Albert Lopez.
Charlie Chaplin
ira aussi de son "Carmen" en
1915. La bande dessinée elle
aussi piochera dans le mythe.
Georges Pichard
le dessinateur de la pulpeuse Paulette reprendra l’œuvre de
Mérimée
pour en faire quelque chose d’un érotisme torride (enfin pour ceux qui
aiment des espagnoles plantureuses…).
Carmen et sa discographie, la pléthore…
Quelle version écouter ? Il y en a tellement… ! Sans doute
plusieurs… Je préconise quand même des versions avec des chanteuses et
chanteurs francophones. Trop d'accent étranger nuit souvent à la
compréhension du texte. Je conseillerai
Régine Crespin
avec
l’opéra du Rhin
sous la baguette d'Alain Lombard en 1974. Pour les versions étrangères,
Teresa Berganza
et le
London Symphony Orchestra
dirigé par Claudio Abbado
(Ma référence). Bien sûr
Julia
Migenes avec l’orchestre National de
France
et
Lorin Maazel
à la baguette, ou encore
Angela
Gheorghiu
et l’orchestre du Capitole de Toulouse
avec
Michel Plasson. Mais chacun reconnaitra en lui SA
Carmen, c’est en écoutant les différents enregistrements que l’on situe le mieux
le personnage.
- Ouiiii Claude, je vais signaler que l'enregistrement de Maria Callas
avec l'opéra de Paris et Georges Prêtre reste une référence de EMI, là !
ça va ! t'es content !
- Mais Pat, le prend pas mal… d'ailleurs, je suis totalement d'accord
avec toi à propos du disque avec
Teresa Berganza…
Ollé !!!
Et pour finir en musique, Trois vidéos,
Teresa Berganza,
Julia Migenes
et
Ruggero Raimondi
dans le film de
Rosi
et
Katia Ricciarelli
dans celui de Micaëla :
!! Les liens Deezer sont indisponibles... Articles en cours de réécriture... Et
pour patienter, l'interprétation culte de Leontyne Price à Vienne en 1964, la
musique de Bizet resplendit dès les premières mesures avec la Philharmonie de
Vienne dirigée by maestro Karajan.
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