samedi 13 avril 2013

CARMEN, Prosper Mérimée et Georges Bizet - par Pat Slade avec Don Toon





Un opéra qui a des comptes à rendre


L’opéra le plus joué au monde commence par un problème de numérologie lié au chiffre 3 ! Nombre premier bien troublant : Carmen fut créé à l’Opéra-comique le 3 mars 1875, le 3ème jour du 3ème mois de l'année (1+8+7+5= 21 ; 2+1=3). Bizet meurt 3 mois plus tard, le 3 juin 1875, le 3ème jour du 6ème mois (3+3) de cette même année (3+3+3+3 = 12 soit 1+2 = 3). Bizet meurt au moment ou madame Galli-Marié, qui jouait le rôle de Carmen chantait pour la 33ème fois le trio (3) des cartes dans l’acte 3 scène où elle retournait la carte impitoyable : "La mort, toujours la mort !".

Carmen, la première impression



En 1845 Prosper Mérimée est déjà un auteur célèbre. 5 années plutôt, il avait écrit "Colomba" et était membre de l’académie Française depuis un an. 1845 sera la date à laquelle la sulfureuse Carmen viendra diaboliser le cœur des hommes qui auront la malchance de l’approcher d’un peu trop près.
Ce roman en quatre chapitres n’est pas à comparer sur tous les points avec le livret que vont en tirer Henri Meilhac et Ludovic Halévy pour l’opéra éponyme de Georges Bizet en 1875. Certes le fond de l’histoire reste le même, c’est à dire une histoire d’amour et de jalousie qui conduit a une issue fatale. Certains personnages disparaissent et certaines situations divergent. Chez Mérimée, Carmen est mariée à Garcia, un des bandits de la troupe de contrebandier du Dancaïre. Don José tuera Garcia, le Dancaïre mourra dans une embuscade et Carmen aura une relation, non pas avec un toréro prénommé Ecamillo, mais avec un picador appelé Lucas. Le roman est plus enchevêtré que l’opéra de Bizet, alors je cède à la facilité et je m’en vais vous compter l’histoire de cette femme facile, volage et fatale qu’était Carmen.


Carmen donne de la voix



Bienvenue dans l’Espagne du XIXème siècle, à Séville plus exactement, où se trame une histoire de chassé-croisé sur fond de quatuor amoureux.
Acte 1 : La manufacture de tabac ou Carmen, bohémienne et cigarière de son état, passe ses journées à rouler des cigares. Séductrice et indépendante, elle jette son dévolu sur le brigadier Don José en lui jetant une fleur en pleine face.

Nota : les exemples musicaux son issus de deux versions différentes. La distribution dans ce billet "pot-pourri" sera donc : Don José : Nicolai Gedda: Carmen : Anna MoffoEscamillo : Robert Massard - Micaëla : Andréa Guiot. Priorité à été donnée à la qualité de l'élocution en français…
La deuxième femme de cette intrigue apparait, c’est Micaëla une orpheline recueillie par la mère de Don José. La jeune fille fera tout dans l’histoire pour ramener Don José à la raison, aveuglé par son amour pour Carmen, et à ses cotés puisqu'elle est, il ne faut pas l'oublier, sa fiancée en titre ! Il y a une autre femme qui a un rôle primordial, que l’on ne verra jamais, mais dont on parlera souvent, c’est la mère du soldat Navarrais. Tous est presque en place : Une femme allumeuse, une autre protectrice et un soldat, homme à femmes indécis, tiraillé dans tous les sens (ou tous ses sens) et qui succombera aux charmes venimeux de la première. Vous suivez ?
Carmen qui n’est pas une bonne sœur (On l’aura deviné !), est arrêtée pour avoir provoqué une rixe dans la manufacture et… dessiné une croix de saint André au couteau sur le visage d’une de ses camarades (encore une histoire de mec à se partager qui tourne mal). Le brigadier Don José doit l'embarquer, mais manipulée "érotiquement parlant" par Carmen, il la laisse s’échapper.

Acte 2: Il retrouve la belle un mois plus tard dans une taverne fréquentée par des contrebandiers (1). Il va tout plaquer, son job de soldat, sa fiancée Micaëla. En un mot, il est sur la mauvaise pente, fou amoureux et possessif, ce qui va vite lasser la bohémienne Carmen au caractère émancipé… N'anticipons pas… Arrive le macho par excellence, qui joue les bellâtres auprès des femmes, et qui roule des mécaniques. J'ai nommé Escamillo, Toréro de son état (et non toréador) qui va commencer à "draguer" tout ce qui bouge dans le beau sexe, au grand dam de Don José jaloux comme pas un ! (2). Arrivée des deux contrebandiers, nommés le Dancaïre et le Remendado, d'où s’en suivra un air pas très à l’avantage de la gente féminine (3).

Carmen va donner dans le voluptueux en dansant pour que Don José tombe dans ses filets. Le coup rate et l'on sent à ce moment là qu’elle commence à se lasser de ce cœur d’artichaut accaparant. Elle arrive pourtant à le faire déserter définitivement et à rejoindre les contrebandiers (4). Votre chroniqueur et certains autres rédacteurs sont d'accord sur un point : Don José est vraiment, disons, un peu niais…



Carmen et les forces du destin




Les forces du destin (ça jette, mais rien à voir avec l’opéra de Verdi au titre rappelant cette expression) et celui des personnages qu’elle croise sur son chemin.
Acte 3 : Nous nous retrouvons dans les montagnes avec les contrebandiers. Tiens, un petit intermède caractéristique de la musique claire et vivante de Bizet

Carmen et ses deux copines, Mercédès et Frasquita, s’amusent à tirer les cartes, mais pour elle, ça s’annonce plutôt mal, chaque fois un mélange de "Carreau ! Pique ! La mort !". Autant Mercédès et Frasquita ne voient que de bonnes choses pour elles, Carmen ne voit que son destin tout tracé dans les mêmes couleurs de cartes qu’elle tire à chaque fois (1). Et Micaëla dans l’affaire que devient-elle ? La jeune femme cherche Don José pour le ramener auprès de sa mère qui n’est pas loin de calancher (*). La voici rendue dans le repaire des contrebandiers, pas très rassurée, et cette quête de son ex pour la bonne cause nous donnera l'un des plus beaux morceaux de la partition (2). Elle chante, furieuse contre Carmen et "ses artifices maudits". Après une altercation entre Escamillo (venu chercher sa dulcinée) et Don José, tout ce petit monde se quitte en mauvais termes. Carmen largue Don José parti avec Micaëla auprès de sa mère mourante, et file se blottir dans les bras d’Escamillo.

(*) Ce qui caractérise le style narratif de Pat, c'est la poésie argotique et tendre, d'une forte simplicité, pour formuler certaine situation douloureuse (Claude Toon).

Acte 4 : Retour sur la place de Séville, à l’entrée de l'arène. La foule s’y presse, des marchands d’oranges, d’éventails, de programmes etc... Tous les principaux protagonistes de l’histoire sont là. Après une procession, Carmen susurre des mots d’amours dans l'oreille d'Escamillo. Mercédès et Frasquita viennent prévenir cette dernière que Don José est dans la foule et l’attend pour une confrontation de tous les dangers. Carmen relève le défi à priori verbal avec son ex-amant trahi et rejoint seule Don José.  L’inéluctable altercation fera son office ; pour s'envenimer ça s'envenime, Don José tue Carmen.



Carmen s’adapte à toutes les situations



Sur scène, Carmen a été mise à toutes les sauces. A l’opéra, elle a été noire avec les magnifiques Léontyne Price, Shirley Verrett ou encore Jessye Norman. Carmen a même dansé sur les ballets de Roland Petit en 1949 et aussi le flamenco (Carmen Flamenco) en 1992 par Rafael Aguilar.
Dans les salles obscures  évidemment, avec le film de Francesco Rosi ou la plus populaire des Carmen, Julia Migenes, nous offre une version d’une femme très venimeuse à souhait, presque méchante. Une prestation vocale qui n'est pas excellente au demeurant.
- Pour avoir la voix et le venimeux, écoutez la Calas en 1962, mais mon ami Pat n'aime pas le timbre de sa voix…
- Heuu, dis donc le père Toon, si tu veux faire la chronique à ma place…
- C'est vrai ça enfin ! M'sieur Claude…
Le nom de Carmen sera pillé à l’écran par moult cohortes de réalisateurs de tous genres et de tous styles, de Christian Jacques à Carlos Saura, Otto Preminger et son "Carmen Jones", et même une œuvre soit disant dramatique de 1984 relatant l’œuvre de Prosper Mérimée "Carmen Nue" d'Albert Lopez. Charlie Chaplin ira aussi de son "Carmen" en 1915. La bande dessinée elle aussi piochera dans le mythe. Georges Pichard le dessinateur de la pulpeuse Paulette reprendra l’œuvre de Mérimée pour en faire quelque chose d’un érotisme torride (enfin pour ceux qui aiment des espagnoles plantureuses…).




Carmen et sa discographie, la pléthore…


Quelle version écouter ? Il y en a tellement… ! Sans doute plusieurs… Je préconise quand même des versions avec des chanteuses et chanteurs francophones. Trop d'accent étranger nuit souvent à la compréhension du texte. Je conseillerai Régine Crespin avec l’opéra du Rhin sous la baguette d'Alain Lombard en 1974. Pour les versions étrangères, Teresa Berganza et le London Symphony Orchestra dirigé par Claudio Abbado (Ma référence). Bien sûr Julia Migenes avec l’orchestre National de France et Lorin Maazel à la baguette, ou encore Angela Gheorghiu et l’orchestre du Capitole de Toulouse avec Michel Plasson. Mais chacun reconnaitra en lui SA Carmen, c’est en écoutant les différents enregistrements que l’on situe le mieux le personnage.
- Ouiiii Claude, je vais signaler que l'enregistrement de Maria Callas avec l'opéra de Paris et Georges Prêtre reste une référence de EMI, là ! ça va ! t'es content !
- Mais Pat, le prend pas mal… d'ailleurs, je suis totalement d'accord avec toi à propos du disque avec Teresa Berganza… Ollé !!!

Et pour finir en musique, Trois vidéos, Teresa Berganza, Julia Migenes et Ruggero Raimondi dans le film de Rosi et Katia Ricciarelli dans celui de Micaëla :
!! Les liens Deezer sont indisponibles... Articles en cours de réécriture... Et pour patienter, l'interprétation culte de Leontyne Price à Vienne en 1964, la musique de Bizet resplendit dès les premières mesures avec la Philharmonie de Vienne dirigée by maestro Karajan.



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