Avec Jimmy Dawkins, c'est un grand nom du Chicago blues qui vient de nous quitter à l'age de 76 ans , un de derniers survivants de la création du fameux "West Side Sound"
popularisé par Buddy Guy, Otis Rush ou encore Magic Sam.
Il a suivi le parcours classique des bluesmen de cette époque, né dans le Mississippi en 1936, monté a Chicago en 55, il joue alors dans les clubs de la ville tout en travaillant en usine. Sa dextérité et son jeu rapide lui vaudront le surnom de "Fast Fingers" et il accompagne des vedettes comme Koko Taylor, Earl Hooker, Jimmy Rogers, Otis Rush, Johnny Young, Big Walter Horton, se faisant particulièrement remarquer sur le disque de ces 2 derniers ("Chicago blues" 1968) qu'il orne de sa guitare . Grâce à son ami, le grand Magic Sam, il est signé par le label Delmark et sort en 1969 son premier album intitulé justement..."Fast fingers". Celui ci obtiendra le grand prix du disque du "Hot Club de France" 1971 et lui ouvrira les portes des festivals, notamment en France, et l'estime des amateurs de blues.
En tout il laisse en héritage une vingtaine d'albums dont on ressortira outre "Fast fingers", "All for business" (1971, avec Otis Rush) "Tribute to Orange" dont Luc va nous parler ensuite, et "Blistertring" (1976), également pour Delmark, "Hot Wire" (live in Paris, 1981, chez "Isabel") et parmi les plus récents "Me my gitar and the blues" (1997).
Le style Dawkins c'est du blues electrique souvent sombre et torturé, engagé socialement, dans lequel il chante avec profondeur les conditions de vie des noirs du ghetto de Chicago ("born in poverty"..) et sa guitare n'est pas en reste, les solos pleuvent et dechirent l'atmosphère épaisse et lourde qui prend aux tripes.
A noter l'engagement de Dawkins à faire vivre et transmettre le blues, puisqu'il tiendra une rubrique dans Living Blues, le magazine bien connu, et créera dans les années 80 son propre label, Leric Records, qui produira notamment des disques de Vance Kelly, Tail Dragger, Queen Sylvia Embry ou Little Johnny Christian.
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Quand Rockin' m'a envoyé son funeste SMS "Jimmy Dawkins est mort", ni une ni deux, j'ai ressorti mon "Tribute to Orange" qui m'avait donné quelques émotions. Voilà du pur et du bon Chicago Blues ou je ne m'y connais pas. Enregistré le 30 novembre 1971, en studio à Toulouse, mais dans les conditions du live, à l'occasion d'une tournée Chicago Blues Festival. Edité par le label Black and Blue, qui s'intéressait particulièrement aux artistes américains en Europe. La musique Blues (ou Jazz) regorge d'albums de ce type, où à l'occasion d'un passage en France d'un artiste, un producteur organisait aussitôt une jam, d'où il ressortait un album mis en boite dans la journée. Brut de décoffrage. Beaucoup de musiciens se sont pliés à cet exercice, parce que c'est bon pour les affaires (et généralement ils ne croulaient pas sous les dollars), parce que cela leur permettait d'enregistrer, ce qui n'est pas évident quand on n'a pas la stature d'un BB King, et parce que ces américains étaient particulièrement touchés de l'intérêt du public français pour leur musique. Autre classique, les titres hommage, comme ce "Marcelle Morgantini's cassoulet" (1er titre de la face B), une ligne boogie proche de John Lee Hooker, que j'imagine avoir été improvisé après un repas toulousain arrosé. Dans les jams enregistrées en France, vous remarquerez beaucoup de "Paulette's blues" ou de "Marie Françoise's boogie"... D'ailleurs, sur l'édition CD, sur les 6 titres bonus, dont certains avec Otis Rush présent à la jam, on trouve un "Marcelle, Jacques et Luc"... ça swingue comme titre ! La chanson-titre "Tribute to Orange" est un instrumental, un shuffle décapant, avec les rythmiciens à l'unisson, sur des chorus Dawkins/Brown. Jimmy Dawkins est accompagné sur ce disque par Ted Harvey à la batterie, Mac Thompson à la basse, Cousin Joe au piano (un jeu qui rappelle le maître d'Otis Spann), et Clarence Gatemouth Brown a la seconde guitare. Dans "Mississippi Bound", le phrasé parlé de Dawkins (qui explique qu'ils jouent une jam typique du style Chicago, et d'ailleurs on l'entend reprendre les paroles de "Sweet home Chicago" sur la fin) me ramène à Larry Garner, qui a un autre point commun avec Dawkins, d'avoir continué longtemps à travailler dans une usine chimique avant de vivre de sa musique. "Tribute to Orange" n'atteint sans doute pas la pureté de "A man and the Blues" de Buddy Guy, mais reste un très bel enregistrement de Jimmy Dawkins.
Un authentique et sincère serviteur du blues s'en est allé, et aujourd'hui c'est nous qui l'avons le blues...
RIP JIMMY
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