Si je compte bien, Bill Deraime
publie là son 18ème album (dont 3 live, notamment celui-ci : - OLYMPIA 83, chroniqué ici -) : APRES DEMAIN, paru
chez Dixie Frog (mame Dixie, m'sieur Frog, on ne vous remerciera jamais assez d'exister). Après demain, parce qu'avec Bill Deraime, il faut toujours regarder vers l’avenir, qu’il
espère plus rose que le présent, mais ce n’est pas gagné. Le passé ? Une
vie bien remplie, de musique, et de galères. A la fin des années 60, il fonde
une sorte de collectif (Jean Jacques Milteau est de la fête), c’est l’époque de
la vie communauté et des soirées fumettes. Mais à force de voir les autres
dégringoler dans la dope, il crée un centre de déxintox, d’abord à Paris, puis
à la campagne, où avec sa femme, il va accueillir toutes ces âmes paumées.
Bref, Bill a mis les deux mains dans le cambouis.
Premier titre : « Il braille ». Ca tombe bien, c’est le credo de
Bill Deraime depuis trois décennies (l’homme au béret rouge affiche tout de
même 66 ans aux prunes) un départ plutôt rock, souligné d’une guitare juste
funky. Bill Deraime est un éternel écorché, un révolté contre toutes les
injustices du monde. Son dernier album s’appelait BRAILLEUR DE FOND (2010)… Le
temps ne semble pas avoir de prise sur cet homme-là, la voix éraillée est
intacte, toujours plaintive, avec ces p’tits « hou hou » ponctuant
les vers, le travail sur les mots, les sonorités (« Y’en a marre d’en
avoir marre », du typique Bill, repris en fin de chanson par une chorale
de gamins). Intacte aussi, sa verve, qui explore de nouveau les thèmes de
la liberté, de l’amour, (« tellement besoin d’aimer » répète-t-il sur « Je
rêve » dont les chœurs chantent « all you need is love »…) et la
foi (« Si par malheur demain, Demain est comme hier, Elle dit qu’après
demain, Le passage est ouvert, Et chaque instant me redonne, Un rayon de sa
lumière » dernier couplet de « Après demain »).
Et on retrouve sa
révolte contre le système (financier, ndrl), qui broie et abandonne sur le bas-côté ceux qui
auront eu la malchance de ne pas emprunter les chemins officiels de la réussite (« Esclaves ou exclus » une chanson précédemment enregistrée en 2004 sur QUELQUE PART, car Bill Deraime reprend ses propres chansons d'albums en albums, comme "Chanteur maudit" de 83 qui se retrouve sur BRAILLEUR DE FOND en 2010, les pièces dans la gamelle n'étant plus des 5 francs, mais des 1 euro !).
Mais ce qu’on aime chez Bill Deraime, c’est que ses textes, tout engagés
soient-ils, ne sombrent pas dans la caricature, ne sont pas des coups de griffes faciles, des poses de chanteur énervé (j'ai pas cité Renaud, pourquoi vous pensez à lui), plutôt des complaintes
du quotidien, dans lesquels on ressent autant la colère que la tristesse, la lassitude, et l’espoir
qu’un jour tout cela changera. Crachons le mot : Bill est un baba-cool (je n'aime pas le terme, disons ex-hippie ?) qui ne se renie pas ! Naïf, rêveur, utopiste ? Certainement, mais c'est justement ce que j'aime bien ! Et l’ensemble toujours enrobé de musique chaude,
ronde, ensoleillée.
Les couleurs musicales de Bill Deraime se retrouvent bien sûr sur l’album, notamment le registre que je lui préfère, le blues, avec « La pieuvre » jazzy, et Mauro Serri au chorus de guitare slide. On y trouve aussi des chansons tendance reggae « Mon obsession », « Je rêve ». Il aime ça, Bill, le reggae. Moi un peu moins… Le funk, discret, fait encore partie des ingrédients, comme le boogie « Y’en avait marre », « Bobo boogie ». On attendrait bien que deux ou trois morceaux s'emportent, s'envolent, se développent, planent un peu plus longtemps, des chorus rallongés. Dommage. Pour ça, rendez-vous sur scène.
Le son de l’album est
impeccable, clair, peu d'instrument, sobre, une batterie qui sonne comme une batterie, des guitares
lisibles (acoustiques sur le joli « Le vieil homme »), et puis cet
orgue Hammond qui passe de titres en titres, et joué par Jean Roussel. Une
référence celui-là, un mauricien, arrangeur, qui a travaillé avec des gloires
comme Bob Marley (tiens, tiens) Joe Cocker, Police, Cat Stevens, Ron Wood, et
même Céline Dion ! Il y a Stephane Pijeat
à la batterie et Denis Ollive à la basse. (Vous remarquerez que Jean
Roussel et Yvan Cassar ont en commun autre chose que leurs doigts de pianiste
arrangeur. Ca se joue aussi dans la tignasse exubérante !) Par contre,
question réalisation, deux ou trois chansons s’arrêtent brusquement, presque bizarrement,
comme-ci les plombs avaient sauté en studio, ou qu'ils étaient à cours de bande. Un peu rude à l’écoute…
En fin d’album, Bill Deraime
nous offre deux reprises. D’abord « Les Cactus » créée par Jacques
Dutronc. Une chanson poil à gratter qui faisait tache dans le joli monde des
yéyés. Et qui tient la guitare ? Notre ami Fred Chapellier, l’homme au béret
noir, qui a toujours sa table ouverte au Déblocnot (clic) , et accessoirement accompagnateur
de… Dutronc. Et puis évidemment « Death don’t have no
mercy » écrit par le révérend Gary Davis, que Bill Deraime ne manque pas
de célébrer régulièrement, ne cachant pas sa propre foi, qui l’inspire et l’a
remis à flot après une période de dépression consécutive au succès de BABYLONE
TU DECONNES. Titre swinguant, sur licks de piano bluezy. Et puis entendre Bill
chanter en anglais, c’est toujours un grand moment !
Un autre gratteux de talent a
été invité en studio, San Severino. On le retrouve au chant, avec tous ses
musiciens, sur le titre final « Bobo Boogie », saupoudré d'accordéon et de banjo, et là, on se dit que
ces deux-là c’est une évidence. Deux univers qui se complètent, surtout sur les
textes, ces petites histoires du quotidien, mini fresques sociales, légères
comme ça, voire burlesques, mais les pieds dans le réel, et le jeu sur la
sonorité des mots.
APRES DEMAIN ne déroge pas à la
règle des albums de Bill Deraime, nacré de spiritualité, alternant ballades bluezy, rythmes reggae,
et morceaux plus incisifs, discours humaniste, généreux, tourné vers un avenir
que l’on espère tous radieux !
12 titres, 49 mn
-nous avions déjà croisé Bill sur ce blog , en 1983 : Bill Deraime Olympia 83
12 titres, 49 mn
-nous avions déjà croisé Bill sur ce blog , en 1983 : Bill Deraime Olympia 83
"Esclaves ou exclus" extrait du dernier CD
Très bon com qui décrit bien la personnalité attachante de Bill Deraime dont la modestie n'a d'égale que sa gentillesse. Peut-être jusqu'à présent n'a t-il pas réussi à sortir un album suffisamment charpenté. Espérons que cet après-demain démontre le contraire : promis j'irai l'écouter.
RépondreSupprimerZ
Nom d'une pipe, même fait sans cellophane... J'avais déjà entendu ce prénom et nom mais sans m' y attarder. Cette Vidéo " Esclave ou exclu " reflète sans caricature nos années disettes que nous vivons. Le paumé que l'on voit sur cette vidéo je le croise chaque jour lorsque je vais bosser à Lille, et à mon âge je me dis : " j'ai de la chance ". Super compo et superbe vidéo !
RépondreSupprimerVous dites que cet homme là est un chic type. Si je n'en doute pas un seul instant, j'avoue que cette façon "maniérée" qu'il a toujours eu de chanter en forçant selon moi le ton de sa voix, ne m'a jamais permis d'apprécier sa musique quelle qu'elle soit.
RépondreSupprimerBon ben vous l'aurez compris: Je suis de ceux qui n'aime pas.
Bel hommage quoi qu'il en soit.
Salutations.
A Anonyme, oui, c'est vrai que Bill Deraime a ce ton particulier, "maniéré" vous dites, je dirai presque second degré, une manière de prendre à la rigolade des sujets graves, le sourire en coin, l'oeil qui frise. Cela peut paraitre snob, ou même déconnecté, hors du temps. Hors, ces thèmes, depuis toujours les mêmes, sont hélas de plus en plus d'actualité (je rejoins ce que dit Hard Round Tazieff). Au bout de 30 ans de carrière, c'est ce qui fait je trouve l'intérêt du bonhomme, et de son univers. Un clown triste. Je ne pense pas qu'il y ait une once de mépris chez cet artiste-là. Un utopiste goguenard, voilà un terme qui le qualifierait bien !! Un type attachant, en tout cas.
RépondreSupprimerMerci à vous trois de la visite !!