dimanche 9 décembre 2012

Paul DUKAS : L'Apprenti Sorcier, La Péri – Armin Jordan - par Claude Toon



- Mais ?! Monsieur Claude, c'est Mickey dans l'apprenti sorcier… j'adooore… le chapeau, les balais… C'est de qui la musique ?
- D'un compositeur français Sonia, Paul Dukas, surtout connu pour cette petite fantaisie symphonique…
- Ô Monsieur Claude, vous ne pouvez pas ne pas nous offrir la vidéo de Disney…
- Il suffit de le demander mon petit… Et attention je suis en astrologie occidentale Scorpion, et Chat chez les chinois, les deux signes pour être sorcier !!
- Hiiii, je me sauve…

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Paul Dukas et Armin Jordan


Paul Dukas n'est pas un grand compositeur… au sens "célèbre" du terme. Cela est sans doute dû à la triple vie de cet homme : compositeur (un peu), critique musical et musicologue de talent et enfin, professeur et pédagogue.
Paul Dukas nait à Paris en 1865. Il prend très jeune des cours de piano. Précoce, la fibre de la composition le gagne dès ses 14 ans. En 1881, il entre au Conservatoire de Paris où il se lie d'amitié avec le plus novateur des compositeurs de sa génération : Claude Debussy. Il remporte un second prix de Rome en 1888 pour sa cantate Velléda. Comme toutes les cantates boursouflées sanctionnant un prix de Rome, l'œuvre va dormir au fond d'un tiroir jusqu'en 2011 où elle sera jouée à Venise pour "changer". J'en ai entendu quelques minutes, oui… bon… ça mériterait un petit CD quand même.
En 1892, il se fait remarquer par une critique habile du Ring de Wagner dirigé par Gustav Mahler à Covent Garden à Londres. Il va commencer ainsi une seconde carrière de rédacteur dans de nombreuses revues musicales de l'époque. En 1928, Dukas devient professeur de composition à Paris, succédant ainsi à Charles-Marie Widor, célèbre organiste. Il aura comme élève Olivier Messiaen.
Novateur et perfectionniste, Dukas compose peu et détruit beaucoup de ses partitions qu'il estime imparfaites. Le patrimoine qu'il nous a légué est donc restreint et c'est surtout l'apprenti sorcier, le ballet La Péri de 1912 (qu'il faillit brûler) et une symphonie en Ut. Il est aussi l'auteur d'un opéra Ariane et Barbe-Bleue.
Il meurt à paris en 1935.
Les trois œuvres orchestrales mentionnées ci-dessus ont été gravées par Armin Jordan en 1992. Le chef Suisse est né à Lucerne en 1932 et nous a quittés en 2006 à Zurich. Ce grand chef discret a servi avec talent l'univers lyrique, des opéras italiens au Ring de Wagner dont il donna une conception remarquable au Grand Théâtre de Genève. Il a beaucoup dirigé l'Orchestre de la Suisse romande, l'Orchestre de chambre de Lausanne, et l'Orchestre de la Tonhalle de Zurich. Comme Molière ou Bernstein, il est pris d'un malaise à Bâle pendant une représentation de l'Amour des trois Oranges de Prokofiev le 15 septembre 2006. Il succombe cinq jours plus tard en nous léguant un beau parcours discographique, dont ce disque enregistré avec l'orchestre de la Suisse Romande.


L'Apprenti Sorcier, La Péri et la Symphonie en Ut


Disney en 1937 a imposé la vision définitive de l'Apprenti Sorcier dans la culture universelle. Il s'agit d'un poème symphonique composé en 1897, d'après le poème de Goethe "Der Zauberlehrling" écrit un siècle plus tôt. Tout le monde connait cette histoire de jeune sorcier qui profite de l'absence de son maître pour réaliser des expériences qui le dépassent avec un, puis une armée de balais maléfiques. L'animation est très fidèle au récit du poète.
L'orchestration de Paul Dukas est luxuriante. Armin Jordan adopte un tempo moins frénétique que Léopold Stokowski dans Fantasia. La qualité de la structure et la fantaisie des couleurs sonores ressortent d'autant mieux à l'écoute (le contre basson [7'20"]). Le chef dirige avec humour. Le discours de l'orchestre oscille entre souplesse et dramatisme obsédant quand le pauvre apprenti perd tout contrôle… Prise de son magique…

La Péri est un ballet d'une vingtaine de minutes écrit en 1912 pour les Ballets russes sur une commande de Serge Diaghilev. J'ai souvent parlé du succès de ces ballets au début du XXème siècle et de la participation de la crème des artistes tant musicaux que peintres de l'époque (pour les décors). Voyons l'argument : Iskender s'est vu prédire une fin proche et part à la recherche d'une fleur d'immortalité détenue par une péri (sorcière). Il tente de profiter du sommeil de celle-ci, mais en la réveillant malencontreusement, il est envoûté par la danse de la péri. Iskender ne pourra échapper au maléfice… Lors de la création Natalia Trouhanova danse le rôle de la Péri et Vaslav Nijinsky celui d'Iskender. Les décors et les costumes sont de Léon Bakst.
L'œuvre débute par une courte fanfare qui n'a pour but que de calmer la salle avant le début du ballet aux sonorités très ténues. Paul Dukas se voulait novateur et l'on retrouve dès les premières mesures un climat enchanteur et oriental qui fait penser à l'"impressionnisme" d'un Debussy ou encore à Shéhérazade de Maurice Ravel. La mélodie se veut poétique, une flûte s'affirme dans la lascivité d'un orchestre aux douces lumières exotiques. Cette partition légère n'a rien à envier à Daphnis et Chloé, toujours de Ravel. Paul Dukas propose une partition moderne et Armin Jordan en distille toutes les saveurs et malices. Avec ce grand artiste, l'orchestre de la Suisse Romande n'a rien perdu de son ensorcellement, de sa puissance et de sa clarté étincelante (les cors et les cordes) que savait donner Ernest Ansermet. Écoutons :

La symphonie en UT a été composée en 1896 et créée en 1897 par Paul Vidal. Elle comprend trois mouvements comme celle de César Franck :
1 - Allegro non troppo, ma con fuoco     2 - Andante espressive e fuoco   3 - Allegro spiritoso
C'est une grande symphonie qui étire ses thèmes avec douceur et tendresse dans le début du premier mouvement. Une fanfare du développement est une idée vaillante que l'on retrouve dans plusieurs œuvres d'autres compositeurs contemporains d'importance comme Albéric Magnard dont je vous parlerai un jour. (Albéric ? difficile à porter…). Ce n'est pas une symphonie à programme et encore moins de la musique à vocation métaphysique. Cette symphonie s'écoute sans déplaisir grâce à Armin Jordan qui avec une belle articulation du discours fait ressortir à merveille les frémissements des cordes, les changements de climats, les surprises et facéties musicales cachées ici et là. Le second mouvement est une longue méditation avec un développement plus énergique voire pathétique qui fait songer à Bruckner. Dukas qui aimait tant Wagner aurait-il entendu l'un des rares concerts dédiés au symphoniste (clic) ou parcouru une partition. Le final est joyeux mais je le trouve un soupçon véhément… On écoute cette symphonie, toujours Armin Jordan à la tête de l'Orchestre de la Suisse Romande :






Discographie Alternative


Un beau disque qui n'a pas vraiment de concurrent dans ce programme. À signaler un CD Telarc SACD avec le Cincinnati Symphony Orchestra dirigé par Jesus Lopez-Cobos, une valeur sure.
Par ailleurs la version de référence de la symphonie en Ut est à mon sens celle de Water Weller avec le Philharmonique de Londres. L'énergie du premier mouvement nous entraîne dans un maelström ; le second mouvement est somptueux de sensualité et de subtilité. Par ailleurs ce double album comprend 3 autres des plus belles symphonies françaises de l'époque : celles de Franck (d'origine belge), d'Ernest Chausson ainsi que la 3ème de Magnard par Ernest Ansermet avec l'orchestre de la Suisse romande. J'ai un peu honte de vous mettre l'eau à la bouche en vous parlant de ce double album DECCA essentiel mais quasi introuvable (occasion à prix accessible), grrr ! (6/6).

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Armin Jordan

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