"BLUE RONDO A LA TURK" BRUBECK / NOUGARO

Nous avions évoqué il y a quelques semaines la disparition du compositeur de Jazz Dave Brubeck, inestimable créateur de "Take five" (en réalité une composition de son saxophoniste Paul Desmond). Autre grand classique de Brubeck en 1959, ce "Blue rondo à la Turk", un 9/8 infernal, qui pour les parties chorus reprend la forme plus swing du 4/4.

En 1965, Claude Nougaro adapte le morceau de Brubeck. Il le nomme "A bout de souffle". Comme le film de Godard qui raconte la cavale d'un gangster (c'est aussi le thème de la chanson) et comme l'état physique de Nougaro après chaque prestation ! On imagine aisément qu'une telle rythmique ne pouvait que séduire le prince de la scansion ! Quel débit ! Écoutez le texte, le travail sur les césures, la mise en place... N'étant pas, contrairement à Rockin'jl grand amateur de Rap (ah tiens, j'ai tes places pour le concert de Bouba, je te les envois par la Poste ?), je n'ai pas trop l'habitude d'entendre de tel flow (= flux, ou débit de parole). Ce n'est pourtant pas la version la plus rapide, mais hélas, triple fois hélas, la seule autorisée à reproduire chez nous ! Aznavour aimait aussi ce genre de difficultés, des chansons très narratives ("le Poker" sur un rythme bien soutenu, texte difficile) et sur son grand tube "Emmenez-moi" où la densité de mots par cm² de couplet, et équivalent au nombre de japonnais au rayon sac à main des Galeries Lafayette pendant les fêtes de Noël... Mais revenons à notre toulousain préféré, Claude Nougaro, qui en plus de la rapidité, doit calquer sa scansion sur la musique, le rythme exact de Brubeck (d'ailleurs cité dans la chanson, car le personnage de Nougaro entend le "Blue rondo" à la radio !). On écoute le prince des mots, celui qui disait qu'il ne fallait pas poéter plus haut que son cul, et se définissait comme un Mot-sicien...