lundi 5 novembre 2012

THE WAILERS - "Catch A Fire" - (1973) par "Rastaquouère" Philou




Bob, Bunny & Peter...

Cette année, le 6 aout 2012, La Jamaïque a célébré le cinquantenaire de son indépendance et n'a certainement pas manqué de rappeler au monde entier qu'elle lui a offert l'idole de toute une génération, ROBERT NESTA MARLEY.
BOB MARLEY a laissé une marque indélébile sur des générations entières, à la fois comme  pionnier du reggae, mais également comme symbole de luttes pour la liberté.
Dépassant le simple cadre musical, il est devenu une référence culturelle incontournable, une légende, un mythe, depuis sa mort en pleine gloire, le 11 mai 1981.  

 "Catch A Fire" a créé à lui tout seul un nouveau type de musique jamaïcaine. Avec d'autres caractéristiques, un son différent... que je ne peux décrire que par le terme "reggae international". Il intègre des éléments provenant de diverses musiques populaires internationales, du rock, de la soul, du blues, du funk. Ces éléments en ont facilité l'acceptation par le marché international... Au lieu de mettre l'accent sur le couple basse-batterie, le mixage de cet album est plus aigu, moins lourd. L'emphase est plutôt placée sur les guitares et autres instruments d'appoint. Jamais un enregistrement de reggae jamaïcain ne s'était si ouvertement approprié les sons électroniques de la musique moderne".
C'est pas moi qui le dit, c'est LINTON KWESI JOHNSON, surnommé le "Poète du Dub" et à mon humble avis, personne ne peut contester les propos de cette figure légendaire du reggae et du dub, né à Kingston (Jamaïque), qui, au fil des années, est devenue une véritable star en Angleterre.

Back to 1972..... les WAILERS ( Neville Livingston alias Bunny Wailer et Winston Hubert McIntosh alias Peter Tosh) avec BOB MARLEY sont en Angleterre pour une tournée en 1ère partie de Johnny Nash, un chanteur américain, qui cartonne dans les charts anglais, avec une pseudo-chanson de reggae "I Can See Clearly Now" (plus connue chez nous sous le titre "Toi et le soleil" interprétée par Cloclo...).
Manque de bol, la tournée est annulée et pourtant les WAILERS vont rencontrer l'homme qui va être le détonateur de leur carrière : Chris Blackwell, le boss de la maison de disques la plus branchée de Londres, Island Records, fondée en 1962, l'année où l'Union Jack fut mis au placard, remplacé le nouveau drapeau jamaïquain aux fameuses couleurs Noir, Vert et Or (Noir comme l'endurance, Vert comme la fertilité et Or comme le soleil). 
Chris Blackwell confie un minuscule budget (4000 livres) aux WAILERS pour enregistrer un album. Les mauvaises langues lui prédisent qu'il ne reverra jamais son argent, mais les 3 WAILERS enregistrent leurs chansons qui résonnent pour le reste de la planète, comme la toute première illustration d'une conscience politique ancrée dans une musique venant du tiers-monde.
The Wailers en 1972

Le trio se révèle rapidement limité pour assurer tous les instruments et font appel à 2 autres musiciens,  Aston "Family Man" Barett à la basse, un jamaïcain qui ne porte pas son surnom pour rien ( il a 40 enfants !!) et son frère Carlton "Carly" Barrett à la batterie.
A la fin de l'année 1972, Blackwell se rend en Jamaïque pour écouter le fruit du travail du trio, il est impressionné et ramène dans ses valises en Angleterre, le 1er concept album de l'histoire du Reggae "Catch A Fire" qui arrive finalement dans les bacs à disques anglais le 13 décembre.
Le disque a été enregistré à Kingston aux studios Harry J, Randy et Dynamics mais il est mixé à Londres dans les studios Island. En effet les responsables de Island Records veulent un son plus familier pour le public international et vont ajouter des arrangements plus pop/rock. Les ajouts de claviers sont assurés par John "Rabbit" Bundrick et les guitares par Wayne Perkins, surnommé le "Wailer Blanc".
Pendant que Bob Marley, Peter McIntosh et Bunny Livingston signent un contrat pour 10 albums avec Island records, Chris Blackwell a l'intime conviction qu'en vendant les WAILERS à un public plus large, il pourra brancher le monde entier sur la musique reggae.... Je dois avouer que son flair légendaire encore une fois, ne l'a pas trahit !!!
Les premiers pressages du disque vinyle sortent avec une pochette en forme de Zippo (pour allumer sa grosse cigarette aromatisée) mais est rapidement remplacé par une photo de Bob Marley en train de fumer un gros spliff de marijuana.


L'Angleterre à cette époque vibre aux sons de la musique de YES, de EMERSON, LAKE and PALMER et du glam rock de DAVID BOWIE et de MARC BOLAN. Le reggae est une musique quasiment inconnue et en écoutant "Catch A Fire" les rockers de tous poils vont découvrir son groove sensuel, puissant et lancinant.
Dans ce 33 tours, c'est la flamme d'une musique rebelle qui se consume lentement mais qui ne s'éteint jamais. "Catch A Fire" devient le passeport du mouvement Rastafari, qui à partir de cet album, commencera à résonner bien au-delà des frontières de l'Éthiopie ou de la Jamaïque.
L'album débute avec "Concrete Jungle" l'un des hymnes les plus connus des WAILERS. C'est Robbie Shakespeare qui tient la basse sur ce titre et c'est le guitariste américain Wayne Perkins qui assure les riffs rock et qui se charge du solo à la fin. La chanson est complexe et superbe, comme l'affirme Chris Blackwell et elle invente avant l'heure le terme "hybridation musicale". Angoissant et pesant, le rythme du morceau, restitue parfaitement l'angoisse du rasta prisonnier dans un labyrinthe de béton. 
"Slave Driver" est un titre plaintif qui s'attaque au mythe de la liberté : "Aujourd'hui, ils disent que nous sommes libres, pour nous retrouver enchainés par la pauvreté".
Elle évoque le sort des esclaves autrefois martyrisés par les négriers et enchainés par des chaines ( "chaque fois que j'entends le fouet claquer, mon sang se glace")  mais également la vie quotidienne des habitants de Trenchtown illettrés et pauvres. Le message subversif de "Slave Driver" infiltre petit à petit l’âme et l'esprit, sublimé, il est vrai, par les touches d'orgue discrètes d'Aston "Family Man" Barett.
Le chant de Peter Tosh sur "400 Years" fait écho à celui de Bob Marley sur le morceau précédent et évoque 400 ans de souffrance et d'esclavage. Cette chanson sombre et obsédante écrite par Peter Tosh en 1969, est propulsée par l'énorme basse d'Ashton Barrett et vous file carrément des frissons. Les chœurs de Bunny Wailer et ceux de Bob Marley y résonnent comme les lamentations de leurs ancêtres, esclaves dans les champs de coton.
"Stop That Train" a été également composée par Tosh en 1966 et figurait déjà sur la compilation "The Best of The Wailers". Le rythme de la version de 1966 a sensiblement ralenti, remplacé ici par un tempo plus lent et plus plaintif. L'ingénieur du son Tony Platt au studio d'Island Records déclarera quelques temps plus tard : "En fait, elle est à mi-chemin entre une chanson Folk et une ballade Rock". 
"Baby we've Got A Date (Rock It Baby)" est une des rares chansons d'amour de l'album sur laquelle la guitare slide de Wayne Perkins vient se greffer sur la rythmique solide des WAILERS. Peter Tosh et Bunny Wailer, absents le jour de l’enregistrement, les chœurs sont assurés par l’épouse de Bob Marley, Rita Marley et ses deux amies Judy Mowatt et Marcia Griffiths, les futures I-Threes.
 Cette langoureuse complainte amoureuse est une rencontre inattendue entre le souffle reggae jamaïcain et le glissé slide du sud des USA. Un style qui inspirera quelques années plus tard un certain Ben Harper.... 


La chanson la plus hot, la plus sexy de Bob Marley c'est sans aucun doute "Stir It Up"...un véritable chef-d’œuvre d'expression à double sens et de sous-entendus qui évoque l'une des activités préférées de Bob avec le foot : le sexe. La chanson, un reggae simple et si familier pour les WAILERS qui l'enregistrent en un temps record, bien épaulés, par les claviers de John "Rabbit" Bundrick et la pédale wah-wah de Wayne Perkins. Après ce moment sensuel, "Kinky Reggae" est un titre beaucoup plus sombre, le rythme lent et paresseux évoquant le sexe et la violence toujours bien présents dans les bas-fonds du ghetto.
"No More Trouble" est complainte simple mais terriblement accrocheuse, un hymne pacifiste, propulsé par une ligne de basse terrifiante. Contrairement au message affiché à l'aéroport pour rassurer le touriste "Jamaica No Problem", Bob Marley espère qu'un jour il n'y aura plus de troubles dans son pays. Le chant de Bob contrebalance parfaitement avec la tension crée par les arrangements de Peter Tosh.

L'album se termine tout en douceur avec "Midnight Ravers", une ode à la vie nocturne. Bob, le "fêtard nocturne" se promène sous la lune et rencontre une sublime jeune femme, Patricia Williams (la future maman de Robbie Marley).....il aurait écrit cette ritournelle en l'honneur de la belle, après une nuit bien mouvementée....

"Catch A Fire", un album incontournable, le son originel des mythiques WAILERS !!!!

L’édition Deluxe présente la version jamaïcaine de l’album et vaut vraiment le détour..... encore plus brute, plus roots, sans les overdubs réalisés pour le public européen et américain.  Toutes les pistes de la version jamaïcaine sont  largement supérieures à celles de l'édition mixée par Chris Blackwell. Si commercialement, le mix fut une heureuse bénédiction pour les WAILERS, musicalement, la version jamaïcaine est encore meilleure et avec en bonus, deux inédits somptueux : "High Tide or Low Tide" et "All Day All Night".

* A lire également BOB MARLEY & THE WAILERS "Exodus" Ici






"Stir It Up" un titre écrit en 1967, sorti en single par Johnny Nash en 1972, avant la parution de "Catch A Fire".




"Concrete Jungle" :  - "Pas de chaînes autour de mes pieds,
Mais je ne suis pas libre,
Je sais que je suis tenu ici en captivité" - ...


2 commentaires:

  1. pat slade5/11/12 12:55

    La fameuse pochette Zippo très recherché par les collectionneurs. Pour en faire l'acquisition ( êtant donné que je l'ai, j'ai regardé le prix sur les sites en lignes !), il vous faudra débourser pour ce petit chef d'oeuvre du roi Bob pas moins de 800 euros ! Mais hormis le coté cout de l'album, l'original des wailers ( Plus beaucoup de vivant ! ) c'étais quand même le top ! Tiens allez hop ! je le sors de la naphtaline et je le colle sur ma platine !

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  2. pas trop d'abus sur l'herbe aromatisée quand même !!!!!

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