- Bonjour M'sieur Claude, c'était du sérieux Bartók ! Vous nous parlez
de quoi cette semaine, un sujet plus léger dirait-on ?
- Roméo et Juliette, ou plutôt les retombées de la pièce de Shakespeare
dans la musique en tout genre…
- Il y a surement un ou deux opéras à mon avis…
- Oh là mon petit ! 24 paraît-il, un seul a surnagé et encore, celui de
Gounod, les 23 autres, direction la corbeille. Ha ha, en classique aussi
il y a un enfer…
- J'attends de lire et écouter, cette histoire d'amants maudits me fait
toujours sangloter, sniffff… Moi qui cherche l'amoureux idéal…
sniffff
- Tenez Sonia, un petit mouchoir, j'en ai prévu plusieurs
paquets…
Quand l'idée m'est venue de consacrer une chronique (pas trop longue) sur
les diverses mises en musique de la tragédie de Shakespeare, je
suis tombé sur le cul (comme dirait Luc avec son franc-parler) ! C'est
phénoménal le nombre d'opéras, ballets, chansons, morceaux de jazz ou de
blues, films, que sais-je, qui ont été inspirés par les malheurs de nos
tourtereaux maudits. J'ai donc fait une petite sélection, vous écouterez
ce qui vous inspirera et fera plaisir. Tiens, on commence par le cinéma
qui a transposé bien entendu maintes fois la pièce pour le grand écran.
- Hein ? Pardon ? Un problème Sonia ? Ah oui, certes, ce n'est pas de
la musique mais pourquoi pas…
Cinéma (vite fait pour info)
La première adaptation cinématographique a été faite par
Georges Meliès. C'est dire si le cinématographe n'a pas perdu de temps. (Film perdu.)
Bien plus tard, dans une production pléthorique, deux films ont fait le
plein au Box-Office.
En 1968,
Franco Zeffirelli
s'attache avec fidélité au texte, à la pureté des sentiments, à
l'attirance amoureuse hors des contraintes sociales entre les deux
adolescents et à l'authenticité historique (la Renaissance). Bien que
réalisé pour un large public, dans ce beau film la sexualité est
omniprésente. Le film suscita la controverse avec la scène où les deux
jeunes gens (Leonard Whiting
et Olivia Hussey, 17 & 15
ans, donc mineurs) apparaissent nus. Cette scène chaste, mais très osée en
1968, posa pas mal de problèmes d'autorisation au réalisateur. Ce n'est
pas l'unique nouveauté de mise en scène du film, loin de là ! La musique
est de
Nino Rota, compositeur complice de
Fellini.
En 1996,
Baz Luhrmann, réalisateur du clinquant
Moulin Rouge, propose sa vision qui fait un tabac avec une transposition de
l'histoire originale dans des bandes mafieuses.
En Roméo, Léonardo di Caprio, pas encore formé à l'école
Martin Scorsese, surfe platement sur son succès dans
Titanic. On retrouve le goût du cinéaste pour le kitsch modernisé et une musique
vaguement rock et criarde, plutôt insipide. Succès garanti auprès des
Teenagers puisque les Yankees ont inscrit ce film dans la liste des 50
films à voir avant 14 ans. Je suis trop vieux… Bon laissons cela et voyons
côté musique…
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Musique classique
Oui Sonia, il y a eu 24 opéras écrits à partir de la pièce depuis
1776 ! Seul celui de
Gounod
est encore joué. Peut-on considérer que la "Symphonie dramatique" d'Hector Berlioz
(clic) est un opéra ? Non, mais pourtant, c'est une totale réussite.
Berlioz
invente pour la circonstance un genre nouveau, un oratorio ultra profane,
bref une œuvre destinée au concert où les intermèdes purement symphoniques
alternent avec des airs chantés par une mezzo-soprano, un ténor et un
baryton. Hormis le frère Laurence, les rôles ne sont pas définis comme
dans un opéra. Nous sommes plutôt face à des
airs qui assurent la narration du
drame. L'œuvre fut publiée comme un "kit" dans lequel les chefs piochent
de quoi faire un tout… Pour cette musique géniale, déjà moderne et sans
emphase théâtrale,
John Eliot Gardiner
avait enregistré une sélection cohérente plus tous les compléments, chez
Philips en 1998. Je ne hurle plus sur Philips risquant
l'extinction de voix à chaque article. Il y a des exemplaires d'occasion…
Faisons une première petite pause et écoutons trois extraits dirigés par
Riccardo Muti
à
Philadelphie
:
1- Bataille rangée entre Montaigu et Capulet, le Prince pousse sa
gueulante… 2 - Scène d'amour & 3 - Mort des deux jeunes
amants...
Tchaïkovski, comme tous ses confrères du romantisme, a utilisé abondamment
Shakespeare comme source d'inspiration :
Hamlet,
la Tempête et
Roméo et Juliette. Ni opéra ni ballet, mais trois ouvertures-fantaisies d'une vingtaine de
minutes chacune. Editée en 1869 mais révisée définitivement en
1880, il s'agit d'une composition assez libre où s'affrontent les
thèmes évoquant la haine entre Montaigu et Capulet, tandis qu'une mélodie
plus tendre rappelle les sentiments des jeunes gens. Cette œuvre courte
bénéficie de cette orchestration riche et dramatique dont
Tchaïkovski
avait le secret. J'incite les amateurs à se procurer le coffret économique
Dgg de 3CDs réunissant toutes les œuvres orchestrales (hors
symphonies) enregistrées par
l'orchestre National de Russie
fondé et dirigé par
Mikhaïl Pletnev. Il y a quelques rares nanars musicaux comme
La Marche Slave
ou
l'Ouverture 1812, mais l'ensemble est assez remarquable, notamment la grande
Symphonie Manfred
sur des scènes de Byron. Prise de son éblouissante !
Herbert von Karajan
était un adepte de cette musique et de cette ouverture.
Roméo et Juliette
et la
Philharmonie de Berlin
:WWWWWWWWWWWWWWWW
Pour le ballet, c'est vers
Prokofiev
qu'il faut se tourner en priorité. Drôle d'histoire pour ce ballet composé
en 1934 pour le Kirov qui… n'en veut pas, pas plus que le
Bolchoï ! Motif : rythmique complexe, trop moderne, bref
indansable. Ah, les russes, dès qu'on les prive du
Lac de cygnes
et de leurs tutus…
Prokofiev
sauve la mise en réunissant dans trois suites symphoniques cette
merveilleuse musique. Elles sont souvent jouées en concert. Heureusement
en 1940, le danseur et chorégraphe éclairé
Léonide Lavrovski
monte le ballet au Kirov et y triomphe ! Noureev créera sa
propre chorégraphie à Paris en 1984, faisant entrer ainsi le
ballet au répertoire officiel de l'Opéra Garnier.
La partition est d'une richesse mélodique et d'une invention orchestrale
exceptionnelles pour un ballet, un genre souvent étriqué dans ses codes.
Un disque Philips indispensable a survécu : celui de
Valéry Gergiev
avec
l'orchestre du Kirov, une interprétation musclée de 1991, dynamisme qui est peu
surprenant de la part de ce chef énergique (clic). La partition convient à merveille à cet artiste qui transcende ces
affrontements symphoniques, reflets de la dramaturgie du sujet. Pour
écouter quelques exemples dans une version correcte, l'orchestre de
Monte Carlo
propose :
1 - Le prince donne ses ordres (souvent en introduction des suites) ;
2 - Danse des chevaliers (entendu dans la pub ÉGOÏÏÏÏSTE) ; 3 - Roméo et Juliette…
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Jazz, blues, comédie musicale…
Bien entendu, l'histoire des amants de Vérone a inspiré bien d'autres
artistes et créateurs que ceux étiquetés "Classique". En 1957,
Peggy Lee
revisite de manière jazzy le tube de
Little Willie John
"Fever" en y chantant "Romeo loved Julie". Bon, ça on le savait, mais le disque fait les beaux jours du hit-parade
de l'époque…
L'un des chouchous de Rockin',
Mark Knopfler
(clic) du groupe
Dire Straits, s'empare du sujet dans le titre
"Romeo and Juliet"
que l'on peut, entre autres, écouter dans l'album
Private Investigations. Voici nos deux héros qui gagnent leur place dans
l'univers blues-country-rock propre à ce groupe.
Impossible de passer sous silence
West Side story, transposition du mythe dans l'Amérique des années 50 par
Leonard Bernstein
et
Jerome Robbins. Montaigu et Capulet sont remplacés par les Jets et les Sharks, deux
bandes rivales qui représentent les affrontements ethniques dans la Grosse
Pomme (porto-ricains contre blancs
de souche). Tony et
Maria s'aiment d'amour
tendre comme chantait
Juliette Gréco. Mais ils n'appartiennent pas à
la même bande, d'où problème ! Je ne m'étends pas sur ce légendaire et
génial spectacle de Broadway créé en 1957, très populaire
grâce à la réalisation du long métrage de
Robert Wise
avec Nathalie Woods et Richard Beymer dans les rôles
principaux. J'avoue mon faible pour le CD de la bande originale
du spectacle de Broadway moins apprêtée que la B.O. du film, simple
histoire de goût.
Allez, on s'écoute les grands classiques :
1 - Maria ; 2 - Tonight & 3 - America
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Il existe aussi un disque "bizarre" d'Elvis Costello d'il y a une vingtaine d'années ("The Juliet Letters"), basé sur des lettres apocryphes de Juliette, enregistré avec un quatuor à cordes, le Brodsky Quartet ... un disque détesté (à mon avis à juste titre) par les tenants du "rock" et aussi ceux du "classique" ...
RépondreSupprimerMerci Lester pour cette suggestion. J'ai trouvé "la chose" sur Youtube : http://www.youtube.com/watch?v=IQGWiM0JVdk
RépondreSupprimerMon avis rejoint le votre !
Coté quatuor qui est plutôt mon rayon, c'est le vide sidéral en terme d'inspiration ! Le staccato obsessionnel des cordes ne convient guère à ce que j'ai compris du texte chanté par Costello.
A son sujet, il "chante" (oui on va dire comme cela) tellement faux qu'il semble avoir passé une très mauvaise nuit.... Je connais peu cet artiste au style marginal hormis par sa participation dans la B.O. de The Big Lebowski.....
Pour compléter ce remarquable article:
RépondreSupprimerun opéra de BELLINI (Vincenzo, le copain de Chopin, pas Giovanni ni Gentile, les peintres):
I CAPULETTI e i MONTECCHI (les Capulets et les Montaigu)
toujours d'après la pièce de Shakespeare)
un incontournable chef d’œuvre du bel canto (créé en 1830 à la Fenice à Venise)
dont il existe beaucoup d version au disque et en DVD.
Pour ceux qui veulent découvrir le "beau chant" et les mélodies de Bellini
plusieurs video et extraits su you tube
à écouter : Anna Netebko et Joyce Di Donato
Un admirateur anonyme (74), perdu dans les neiges du Chablais