vendredi 2 novembre 2012

PHILIPPE DRALET "BOULOGNE BLUES" : Interview, par Rockin'jl et Luc B.


Comme nous recevons parfois des disques, c'est un livre que nous avons reçu dans nos boites aux lettres. L'auteur, Philippe Dralet, qui nous faisait le plaisir de nous lire, nous a soumis son roman BOULOGNE BLUES. Que nous avons lu. Puis est née l'envie de vous faire connaître cet auteur, fondu de musique et de blues, au travers de cette interview. 

Bonjour Philippe. Vous êtes l’auteur de BOULOGNE BLUES, un roman paru aux Editions Le Manuscrit, et sur la couverture, on voit écrit manuscrit.com. Une maison d’édition virtuelle ? Expliquez-nous comment cela fonctionne…
Leur fonctionnement est en effet virtuel, mais on peut se rendre à leur adresse commerciale à Paris. Tout se fait par le net ; c'est-à-dire qu’ils vérifient le tapuscrit de l’orthographe à la mise en page. Ensuite un « Bon à tirer » est proposé et l’auteur accepte ou non, ou bien encore procède à des modifications si nécessaire. Après quoi le livre est mis en ligne puis inscrit sur les sites marchands. Il n’y a rien à payer, mais… il n’y a aucun soutien auprès des auteurs. Chacun doit se démener pour son œuvre. Je positive cette lacune, car j’ai tout appris du « métier » sur le tas… Différents problèmes se sont posés :
Par exemple : j’ai été invité dans des festivals de Blues pour une dédicace. J’avais demandé à Manuscrit.com de m’avancer des livres à cette occasion, ce qui m’a été refusé… Idem pour la même prestation chez Chapitre.com et la FNAC de Reims qui m’acceptaient volontiers. De plus ils ne pouvaient commander au tarif pro…
Les noms d’oiseaux rares ont volé de ma part… J’estime cette « politique » comme se tirer une balle dans le pied, puisque j’étais sur de vendre un minimum.
D’autres dysfonctionnements de leur part m’ont permis légalement de résilier assez facilement mon contrat.

Comment les avez-vous rencontrés ? D’ailleurs, rencontre-t-on quelqu’un ?
J’ai envoyé à l’époque mon roman à différentes maisons d’éditions (21), Isabelle Gallimard et les Editions Lattes étaient intéressés, mais jugeaient le thème peu commercial et, à juste titre arguait d’un travail de fond. J’en ai tenu compte pour une seconde réécriture. Quelques années après j’ai recommencé de la même manière ; mais en ciblant plus précisément en fonction des lignes éditoriales de chacun. Les Editions Manuscrit.com m’ont proposé un contrat me liant pour trois romans. Une autre maison plus prestigieuse au niveau littéraire « Chantal Vieuille » était prête à signer, mais désirait « écourter » mon livre pour le faire paraître dans une collection d’environ 100 pages… Ce fut un dilemme et peut-être un mauvais choix de ma part, car la renommée de Chantal Vieuille est grande…
Pour revenir à Manuscrit.com, on peut y rencontrer les responsables, le plus souvent ce sont des stagiaires qui gèrent les échanges.
Les conversations téléphoniques sont assez aisées, sauf en cas de conflit, mais cela est courant dans n’importe quelle autre structure.


Vous avez été sélectionné pour la finale du Premier Roman en ligne, le jury était composé du comédien Guillaume Gallienne, et de l’écrivain Marc Lévy. Ce doit être une grande satisfaction ?
…Et une grande surprise au vu des relations très tendues… J’ai reçu en premier lieu un mail m’informant de ma participation au 1er Prix du Roman en Ligne 2011. Il y avait peut-être une centaine d’inscrits. Chaque semaine passant je me voyais toujours sur les rangs, jusqu’à être finaliste. Le sentiment qui m’a envahi se situait curieusement en une forme d’attachement et de tendresse envers mon livre. Le plaisir d’arriver jusqu’à cette étape passait en second. Je considère que tout livre est une entité.

Parlons un peu de votre univers musical. Sur le site qui vous est dédié, l’image de fond représente The Blues Brothers ! J’imagine que ce n’est pas un hasard ?
Il y a des livres dans lesquels je replonge régulièrement, faute de quoi ma vie manque de sens, je deviens bancal. Il en est de même pour la musique et certains films. Dans le cas présent nous avons les deux. L’impertinence de JOHN BELUSHI et DAN AYKROYD, leur talent musical allié à un humour plus que récurrent, sont les ingrédients d’un élixir aussi puissant que le Graal. C’est tout simplement une philosophie qui me convient. J’ai parfois l’impression d’avoir vécu des situations similaires. Notamment ce passage où ils jouent devant un public pour le moins peu réceptif.

Dans BOULOGNE BLUES, la musique est omniprésente, on y croise même Koko Taylor. Question vaste et existentielle : que représente la musique Blues pour vous ?
L’émotion, la boule au ventre, un sentiment d’authenticité incontrôlable. Je ne vous mens pas, certains solos que ce soit chez KOKO TAYLOR (photo), CLAPTON, AWEK, NICO WAYNE TOUSSAINT etc… M’arrachent des larmes, ou une énergie décuplée. (je te coupe, pardon, mais on a adoré le dernier Nico Wayne Toussaint, et il est ok pour une interview avec nous, dès qu'on aura le temps !) Vient ensuite l’écoute des paroles. Actuellement je me penche sur la vie de certains Bluesmen pour mieux me documenter. J’ai passé mon enfance à jouer avec des américains, dont les parents militaires habitaient Barbizon ; bien entendu mes influences viennent de là. Vous disiez le mot « existentielle », j’opterai spontanément pour une sorte de filtre qui en permanence modifie chaque perception. Le Blues m’a imposé l’écriture, un style de vie. Il y a toujours un partage entre la joie, une sourde douleur, et enfin un cri libérateur.

Quel type de Blues a votre préférence, le Chicago Blues, le Delta Blues, les pionniers du genre, les nouveaux venus qui ont remis cette musique au goût du jour dans les années 80 ?
Les pionniers représentent un des aspects historiques qui me fascinent aux Etats Unis. Ne serait-ce que la Louisiane aux conditions de vie épouvantables. Je suis très atypique dans les genres musicaux du Blues. Je m’arrête çà et là en fonction de mes humeurs. L’évolution du Rock à partir du Blues est également passionnante. Elle remonte aux années 70, voire avant, dixit les ROLLING STONES, THE ANIMALS, CREAM, HENDRIX, qui ont tous repris des chansons « roots » au Blues, et donné une renommée mondiale à des artistes alors inconnus.
Sur scène je préfère le Chicago Blues.

crédit photo : Terry Cryer - thanks
Y-a-t-il un artiste, voire une chanson en particulier qui a fait office de déclic ?
Oui, trois : en premier SONNY TERRY et BROWNIE MCGHEE, puis JOHN LEE HOOKER avec « Shake it baby » que j’ai vu tous trois en spectacle à Reims, enfin l’écoute de « Hoochie Coochie man » de MUDDY WATERS avec en fond JOHNNY WINTER.

Dans votre roman BOULOGNE BLUES, vous plongez dans le monde des musiciens, des tournées, des clubs, et à lire ces scènes, on sent bien qu’il y a soit du vécu, soit une très riche documentation ! Qu’en est-il ? L’écrivain serait-il aussi musicien ?  Y-a-t-il une part autobiographique, ou tout cela est-il le reflet d’un vieux fantasme ?!!
J’ai joué dans trois groupes Rock une bonne dizaine d’années. Le 2eme à eu son heure de « gloire » puisque nous faisions parfois les premières parties de MARTIN CIRCUS, TRIANGLE, TITANIC, EDDY MITCHELL… Nous avions fini quatrième groupe dans une sélection Rock&Folk ou Best, (j’ai un doute)… devant LITTLE BOB STORY qui débutait. Nous nous sommes lâchés à tous niveaux, c’est le moins que je puisse dire… N’oubliez pas qu’en 70 un souffle puissant à quelque peu dérogé les mœurs de la jeunesse. Boulogne Blues bien que romancé colle à la vérité.

Vos personnages vont à New York. Y êtes-vous allé aussi ? Quels souvenirs en avez-vous ?
J’avais une petite amie New yorkaise dont le nom était Robin Tesser (décrite dans le livre). Malheureusement l’histoire s’est arrêtée avant que je ne me rende aux States. Malgré tout j’ai réuni une solide documentation avec l’aide d’amis dont d’Armando, (un autre personnage du livre) qui avaient vécu à New York.

L’atmosphère du roman est plutôt sombre (bien que ce ne soit pas un roman noir). Dans les relations familiales, sentimentales, c’est assez tendu ! Etait-ce pour façonner une ambiance, pour la fiction, ou est-ce votre vision des Hommes, de la vie ?
Ce roman à été écrit à une période douloureuse de ma vie. Le hasard à fait qu’un séjour sur les plages du Nord m’ait particulièrement inspiré. C’était l’exutoire, mais aussi le départ vers d’autres routes personnelles et professionnelles.
Tout s’est emboité d’un seul coup. Je suis revenu en « repérage » à Boulogne avec un ami, nous étions sur la Place Dalton dans un bar, une jolie fille s’est assise à notre coté… C’était Lorène… Mais ce personnage est presque fictif, puisque nous n’avons rien échangé. Elle s’est levée à un moment, nous a quitté, elle avait toutefois intégré l’histoire de mon roman de fond en comble. C’est encore un instant de pure magie en ce qui me concerne…
Ma vie jusqu’à l’âge adulte à été faite de grands secrets familiaux. J’ai connu d’immenses tensions parentales avec lesquelles j’ai composé. Ce que j’ai relaté est une projection imaginaire, mais pas la réalité.
Contrairement à ce que l’on pourrait juger de ma personnalité au travers de la lecture de Boulogne Blues, je suis de nature combative, et heureux de vivre avec ma grande famille recomposée. J’ai la chance d’avoir de belles et fidèles amitiés constructives avec des hommes et des femmes au caractère trempé.

Votre style d’écriture est très… musical ! Vous jouez souvent sur les sonorités, vous triturez les mots, et plusieurs passages ne sont pas dénués d’humour. Quel est votre travail sur les mots, l’écriture ?
Dans les chansons les mots et les textes ont une rythmique obligée, ce qui peut amener un aspect ludique soit sur le son même, ou parfois l’emploi du double sens qui se répercute en cascade. Il est vrai qu’au premier abord cela peut paraître facile. Je m’en suis aperçu bien après ! L’essentiel dans ce cas de figure ne se situe pas forcement sur la qualité de l’écriture, je le placerai plutôt dans le registre spontané. Je me répète, une base rythmique itérative.

Quels sont les écrivains que vous aimez, qui vous ont influencé ?
PHILIPPE DJIAN, tout du moins pendant sa période 37,2, Echine, Bleu comme l’Enfer… son univers ressemblait au mien, la lecture de ses livres s’apparentait à une sensation de cocooning. Je me sentais chez moi… Viennent ensuite mélimélo JIM HARRISSON et son large regard sur la fresque américaine, DOS PASSOS et sa vision cinématographique de l’écriture, MICKAEL CONNELLY et ce flic, Harry Bosch ancien GI, qui se battait dans les galeries souterraines creusées par les viets ; sa description de la fange de Los Angeles. (ce même Connelly qui a eu droit à un article chez nous aussi...) THIERRY JONQUET et surtout ce prodigieux polar, « La Bête et la Belle », dont le dénouement est époustouflant. Je viens de découvrir Irène Frain et « le Secret de famille », pour moi digne d’un tableau de Maître, et plus et plus encore…
  
Un écrivain plonge sa plume dans les âmes, à travers ses intrigues, il y a toujours une part personnelle, intime, et un regard sur les gens, sur le monde. Quel est la vision de Philippe Dralet sur notre monde actuel ? 
Bien souvent un état colérique devant notre soumission, voire notre voyeurisme devant cet océan d’images insoutenables. La médiatisation est un fléau que nous subissons de gré ou de force. J’appréhende le lendemain environnemental de mes enfants et porte un regard exaspéré, quant à cette mondialisation dangereuse qui nous maltraite avec le plus grand cynisme. Les OGM, la nourriture à base de déchets d’animaux de nouveau autorisée, les lobbies pharmaceutiques qui tronquent les quotas d’analyses pour vendre des produits plus dangereux qu’utiles. C’est une sorte de génocide aux intérêts financiers.
Je crois en l’homme profondément à condition d’y mettre deux valeurs : la faculté d’écoute et le sourire.

BOULOGNE BLUES était votre premier roman publié, combien de projets dorment dans vos tiroirs qui ne verront jamais le jour ? Combien d’essais avant d’arriver à cette première publication ?
Ma vie professionnelle ne me laissait pas beaucoup de temps. A contrario la retraite m’ouvre de nouvelles possibilités. Un deuxième roman « L’Œil du malin », à vu le jour, mais je ne pense pas le proposer maintenant à l’édition car il me faut le revoir ou le transformer. Un troisième roman est en cours, « Ni Ange, ni Clebs au paradis Blues », je retrouve mes racines « Blues », j’y travaille d’arrache pied. Il devrait être terminé dans quelques mois. Vous pouvez en lire des extraits sur mon blog :
L’idée de ce roman est venue de la demande d’une nouvelle paraissant dans le journal trimestriel de « Reims Oreille », association promotionnant les spectacles de chanson Française.
J’ai réécris Boulogne Blues deux fois, ma femme m’a aidé sur les corrections.

Ces autres projets, que pouvez-vous nous en dire ? Est-on dans la même veine ? Etes-vous de ces écrivains qui peuvent changer de style en fonction de ce qu’ils veulent raconter ? 
J’ai voulu changer de style en écrivant L’œil du Malin, qui est un thriller, il est probable que j’aurais du rester près de mon univers musical… Le mieux est de laisser « mijoter » et aviser à l’instinct. Je vais terminer Ni Ange, ni Clebs au Paradis Blues sans me poser plus de questions métaphysiques. Il est sur que je continuerai à vivre ma passion, peut-être sur d’autres chemins littéraires ?

Si quelqu’un veut se procurer un de vos romans, concrètement, on fait comment ?
Le mieux est de commander sur Chapitre.com ou Amazon, (16€, 278 pages, pas de frais d’envoi), ou la FNAC dans peu de temps, le téléchargement pdf peut se faire sur le site des Editions ILV, (8€), et bientôt ailleurs : taper Boulogne Blues.
Surtout ne pas commander le livre édité chez Manuscrit.com qui peut être encore référencé sur certaines plates-formes et plus cher…

Merci Philippe, et tenez-nous au courant de la suite des évènements ! Un mot à rajouter pour finir ?
Je me suis adressé au Déblocnot’ car j’appréciais (et redoutais) vos critiques littéraires, que je trouve pertinentes et sérieuses. Le fait que vous vous intéressiez à ma démarche de distribution  et de médiatisation me conforte dans cette voie, qui, pour tout dire fonctionne de mieux en mieux. Cela est prenant, mais s’avère une expérience enthousiasmante et enrichissante humainement. Je n’en demande pas plus.

Tiens, ma dernière question : quel est le livre, le film et le disque qui vous a vraiment emballé ces derniers temps ?
Je viens de lire un livre qui était perdu dans ma bibliothèque depuis longtemps, il s’agit de « Secret de Famille » d’IRENE FRAIN, une histoire basée tant sur la psychologie des personnages du monde paysan Tourangeau, que de l’histoire sur environ un siècle. L’écriture est magistrale, enveloppante, pleine de méandres, de sable mouvants à l’image de la Loire.
Je suis très difficile en ce qui concerne les films. Il faut que ce soit un choc frontal pour que j’adhère. J’ai replongé récemment dans l’univers de DAVID LYNCH avec MULHOLLAND DRIVE (2001) qui me fascine. (en bonne place sur notre photo d'accueil...) Le dernier Cd d’AWEK, mais je suis tellement inconditionnel de ce groupe, que je vous laisse le soin d’imaginer la foultitude d’arguments positifs que vous seul exprimerez, en allant leur rendre visite sur leur site ou youtube… On va s'gêner !!! Voici le lien vers leur site :  http://www.awekblues.com/index.php/fr/

Un grand merci à vous, et euh, Philippe... aucun inconvénient à ce qu'on se quitte sur du blues ? Les vieux sages et la jeune garde ? On commence par Sonny Terry et Brownie McGhee, puis AWEK :

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