Comme nous recevons parfois des disques, c'est un livre que nous avons reçu dans nos boites aux lettres. L'auteur, Philippe Dralet, qui nous faisait le plaisir de nous lire, nous a soumis son roman BOULOGNE BLUES. Que nous avons lu. Puis est née l'envie de vous faire connaître cet auteur, fondu de musique et de blues, au travers de cette interview.
Bonjour
Philippe. Vous êtes l’auteur de BOULOGNE BLUES, un roman paru aux Editions Le
Manuscrit, et sur la couverture, on voit écrit manuscrit.com. Une maison
d’édition virtuelle ? Expliquez-nous comment cela fonctionne…
Leur fonctionnement est en effet virtuel, mais on peut se rendre
à leur adresse commerciale à Paris. Tout se fait par le net ; c'est-à-dire
qu’ils vérifient le tapuscrit de l’orthographe à la mise en page. Ensuite un
« Bon à tirer » est proposé et l’auteur accepte ou non, ou bien
encore procède à des modifications si nécessaire. Après quoi le livre est mis
en ligne puis inscrit sur les sites marchands. Il n’y a rien à payer, mais… il
n’y a aucun soutien auprès des auteurs. Chacun doit se démener pour son œuvre. Je
positive cette lacune, car j’ai tout appris du « métier » sur le tas…
Différents problèmes se sont posés :
Par exemple : j’ai été invité dans des festivals de Blues
pour une dédicace. J’avais demandé à Manuscrit.com de m’avancer des livres à
cette occasion, ce qui m’a été refusé… Idem pour la même prestation chez
Chapitre.com et la FNAC de Reims qui m’acceptaient volontiers. De plus ils ne
pouvaient commander au tarif pro…
Les noms d’oiseaux rares ont volé de ma part… J’estime cette
« politique » comme se tirer une balle dans le pied, puisque j’étais
sur de vendre un minimum.
D’autres dysfonctionnements de leur part m’ont permis légalement
de résilier assez facilement mon contrat.
J’ai envoyé à l’époque mon roman à différentes maisons
d’éditions (21), Isabelle Gallimard et les Editions Lattes étaient intéressés,
mais jugeaient le thème peu commercial et, à juste titre arguait d’un travail
de fond. J’en ai tenu compte pour une seconde réécriture. Quelques années après
j’ai recommencé de la même manière ; mais en ciblant plus précisément en
fonction des lignes éditoriales de chacun. Les Editions Manuscrit.com m’ont
proposé un contrat me liant pour trois romans. Une autre maison plus
prestigieuse au niveau littéraire « Chantal Vieuille » était prête à
signer, mais désirait « écourter » mon livre pour le faire paraître
dans une collection d’environ 100 pages… Ce fut un dilemme et peut-être un
mauvais choix de ma part, car la renommée de Chantal Vieuille est grande…
Pour revenir à Manuscrit.com, on peut y rencontrer les
responsables, le plus souvent ce sont des stagiaires qui gèrent les échanges.
Les conversations téléphoniques sont assez aisées, sauf en cas
de conflit, mais cela est courant dans n’importe quelle autre structure.
Vous
avez été sélectionné pour la finale du Premier Roman en ligne, le jury était
composé du comédien Guillaume Gallienne, et de l’écrivain Marc Lévy. Ce doit
être une grande satisfaction ?
…Et une grande surprise au vu des relations très tendues… J’ai
reçu en premier lieu un mail m’informant de ma participation au 1er
Prix du Roman en Ligne 2011. Il y avait peut-être une centaine d’inscrits.
Chaque semaine passant je me voyais toujours sur les rangs, jusqu’à être
finaliste. Le sentiment qui m’a envahi se situait curieusement en une forme d’attachement
et de tendresse envers mon livre. Le plaisir d’arriver jusqu’à cette étape
passait en second. Je considère que tout livre est une entité.
Parlons
un peu de votre univers musical. Sur le site qui vous est dédié, l’image de
fond représente The Blues Brothers ! J’imagine que ce n’est pas un
hasard ?
Il y a des livres dans lesquels je replonge régulièrement, faute
de quoi ma vie manque de sens, je deviens bancal. Il en est de même pour la
musique et certains films. Dans le cas présent nous avons les deux. L’impertinence
de JOHN BELUSHI et DAN AYKROYD, leur talent musical allié à un humour plus que
récurrent, sont les ingrédients d’un élixir aussi puissant que le Graal. C’est
tout simplement une philosophie qui me convient. J’ai parfois l’impression
d’avoir vécu des situations similaires. Notamment ce passage où ils jouent
devant un public pour le moins peu réceptif.
Dans
BOULOGNE BLUES, la musique est omniprésente, on y croise même Koko Taylor.
Question vaste et existentielle : que représente la musique Blues pour
vous ?
L’émotion, la boule au ventre, un sentiment d’authenticité
incontrôlable. Je ne vous mens pas, certains solos que ce soit chez KOKO TAYLOR (photo),
CLAPTON, AWEK, NICO WAYNE TOUSSAINT etc… M’arrachent des larmes, ou une énergie
décuplée. (je te coupe, pardon, mais on a adoré le dernier Nico Wayne Toussaint, et il est ok pour une interview avec nous, dès qu'on aura le temps !) Vient ensuite l’écoute des paroles. Actuellement je me penche sur la
vie de certains Bluesmen pour mieux me documenter. J’ai passé mon enfance à
jouer avec des américains, dont les parents militaires habitaient Barbizon ;
bien entendu mes influences viennent de là. Vous disiez le mot « existentielle »,
j’opterai spontanément pour une sorte de filtre qui en permanence modifie
chaque perception. Le Blues m’a imposé l’écriture, un style de vie. Il y a toujours
un partage entre la joie, une sourde douleur, et enfin un cri libérateur.
Quel
type de Blues a votre préférence, le Chicago Blues, le Delta Blues, les
pionniers du genre, les nouveaux venus qui ont remis cette musique au goût du
jour dans les années 80 ?
Les pionniers représentent un des aspects historiques qui me
fascinent aux Etats Unis. Ne serait-ce que la Louisiane aux conditions de vie
épouvantables. Je suis très atypique dans les genres musicaux du Blues. Je
m’arrête çà et là en fonction de mes humeurs. L’évolution du Rock à partir du
Blues est également passionnante. Elle remonte aux années 70, voire avant, dixit
les ROLLING STONES, THE ANIMALS, CREAM, HENDRIX, qui ont tous repris des chansons
« roots » au Blues, et donné une renommée mondiale à des artistes
alors inconnus.
Sur scène je préfère le Chicago Blues.
crédit photo : Terry Cryer - thanks |
Oui, trois : en premier SONNY TERRY et BROWNIE MCGHEE, puis
JOHN LEE HOOKER avec « Shake it baby » que j’ai vu tous trois en
spectacle à Reims, enfin l’écoute de « Hoochie Coochie man » de MUDDY
WATERS avec en fond JOHNNY WINTER.
Dans
votre roman BOULOGNE BLUES, vous plongez dans le monde des musiciens, des
tournées, des clubs, et à lire ces scènes, on sent bien qu’il y a soit du vécu,
soit une très riche documentation ! Qu’en est-il ? L’écrivain
serait-il aussi musicien ? Y-a-t-il
une part autobiographique, ou tout cela est-il le reflet d’un vieux
fantasme ?!!
J’ai joué dans trois groupes Rock une bonne dizaine d’années. Le
2eme à eu son heure de « gloire » puisque nous faisions parfois les
premières parties de MARTIN CIRCUS, TRIANGLE, TITANIC, EDDY MITCHELL… Nous avions
fini quatrième groupe dans une sélection Rock&Folk ou Best, (j’ai un
doute)… devant LITTLE BOB STORY qui débutait. Nous nous sommes lâchés à tous
niveaux, c’est le moins que je puisse dire… N’oubliez pas qu’en 70 un souffle
puissant à quelque peu dérogé les mœurs de la jeunesse. Boulogne Blues bien que
romancé colle à la vérité.
Vos
personnages vont à New York. Y êtes-vous allé aussi ? Quels souvenirs en
avez-vous ?
J’avais une petite amie New yorkaise dont le nom était Robin
Tesser (décrite dans le livre). Malheureusement l’histoire s’est arrêtée avant
que je ne me rende aux States. Malgré tout j’ai réuni une solide documentation
avec l’aide d’amis dont d’Armando, (un autre personnage du livre) qui avaient vécu
à New York.
L’atmosphère
du roman est plutôt sombre (bien que ce ne soit pas un roman noir). Dans les
relations familiales, sentimentales, c’est assez tendu ! Etait-ce pour
façonner une ambiance, pour la fiction, ou est-ce votre vision des Hommes, de
la vie ?
Ce roman à été écrit à une période douloureuse de ma vie. Le
hasard à fait qu’un séjour sur les plages du Nord m’ait particulièrement
inspiré. C’était l’exutoire, mais aussi le départ vers d’autres routes
personnelles et professionnelles.
Tout s’est emboité d’un seul coup. Je suis revenu en
« repérage » à Boulogne avec un ami, nous étions sur la Place Dalton
dans un bar, une jolie fille s’est assise à notre coté… C’était Lorène… Mais ce
personnage est presque fictif, puisque nous n’avons rien échangé. Elle s’est
levée à un moment, nous a quitté, elle avait toutefois intégré l’histoire de
mon roman de fond en comble. C’est encore un instant de pure magie en ce qui me
concerne…
Ma vie jusqu’à l’âge adulte à été faite de grands secrets familiaux.
J’ai connu d’immenses tensions parentales avec lesquelles j’ai composé. Ce que
j’ai relaté est une projection imaginaire, mais pas la réalité.
Contrairement à ce que l’on pourrait juger de ma personnalité au
travers de la lecture de Boulogne Blues, je suis de nature combative, et
heureux de vivre avec ma grande famille recomposée. J’ai la chance d’avoir de
belles et fidèles amitiés constructives avec des hommes et des femmes au
caractère trempé.
Votre
style d’écriture est très… musical ! Vous jouez souvent sur les sonorités,
vous triturez les mots, et plusieurs passages ne sont pas dénués d’humour. Quel
est votre travail sur les mots, l’écriture ?
Dans les chansons les mots et les textes ont une rythmique
obligée, ce qui peut amener un aspect ludique soit sur le son même, ou parfois
l’emploi du double sens qui se répercute en cascade. Il est vrai qu’au premier abord
cela peut paraître facile. Je m’en suis aperçu bien après ! L’essentiel
dans ce cas de figure ne se situe pas forcement sur la qualité de l’écriture, je
le placerai plutôt dans le registre spontané. Je me répète, une base rythmique
itérative.
PHILIPPE DJIAN, tout du moins pendant sa période 37,2, Echine,
Bleu comme l’Enfer… son univers ressemblait au mien, la lecture de ses livres
s’apparentait à une sensation de cocooning. Je me sentais chez moi… Viennent ensuite
mélimélo JIM HARRISSON et son large regard sur la fresque américaine, DOS
PASSOS et sa vision cinématographique de l’écriture, MICKAEL CONNELLY et ce
flic, Harry Bosch ancien GI, qui se battait dans les galeries souterraines
creusées par les viets ; sa description de la fange de Los Angeles. (ce même Connelly qui a eu droit à un article chez nous aussi...) THIERRY
JONQUET et surtout ce prodigieux polar, « La Bête et la Belle », dont
le dénouement est époustouflant. Je viens de découvrir Irène Frain et « le
Secret de famille », pour moi digne d’un tableau de Maître, et plus et plus
encore…
Un
écrivain plonge sa plume dans les âmes, à travers ses intrigues, il y a
toujours une part personnelle, intime, et un regard sur les gens, sur le monde.
Quel est la vision de Philippe Dralet sur notre monde actuel ?
Bien souvent un état colérique devant notre soumission, voire
notre voyeurisme devant cet océan d’images insoutenables. La médiatisation est
un fléau que nous subissons de gré ou de force. J’appréhende le lendemain
environnemental de mes enfants et porte un regard exaspéré, quant à cette
mondialisation dangereuse qui nous maltraite avec le plus grand cynisme. Les
OGM, la nourriture à base de déchets d’animaux de nouveau autorisée, les
lobbies pharmaceutiques qui tronquent les quotas d’analyses pour vendre des
produits plus dangereux qu’utiles. C’est une sorte de génocide aux intérêts
financiers.
Je crois en l’homme profondément à condition d’y mettre deux
valeurs : la faculté d’écoute et le sourire.
BOULOGNE
BLUES était votre premier roman publié, combien de projets dorment dans vos
tiroirs qui ne verront jamais le jour ? Combien d’essais avant d’arriver à
cette première publication ?
Ma vie professionnelle ne me laissait pas beaucoup de temps. A
contrario la retraite m’ouvre de nouvelles possibilités. Un deuxième roman
« L’Œil du malin », à vu le jour, mais je ne pense pas le proposer
maintenant à l’édition car il me faut le revoir ou le transformer. Un troisième
roman est en cours, « Ni Ange, ni Clebs au paradis Blues », je
retrouve mes racines « Blues », j’y travaille d’arrache pied. Il
devrait être terminé dans quelques mois. Vous pouvez en lire des extraits sur
mon blog :
L’idée de ce roman est venue de la demande d’une nouvelle
paraissant dans le journal trimestriel de « Reims Oreille »,
association promotionnant les spectacles de chanson Française.
J’ai réécris Boulogne Blues deux fois, ma femme m’a aidé sur les
corrections.
Ces autres projets, que pouvez-vous nous en dire ? Est-on dans
la même veine ? Etes-vous de ces écrivains qui peuvent changer de style en
fonction de ce qu’ils veulent raconter ?
J’ai voulu changer de style en écrivant L’œil du Malin, qui est
un thriller, il est probable que j’aurais du rester près de mon univers
musical… Le mieux est de laisser « mijoter » et aviser à l’instinct. Je
vais terminer Ni Ange, ni Clebs au Paradis Blues sans me poser plus de
questions métaphysiques. Il est sur que je continuerai à vivre ma passion, peut-être
sur d’autres chemins littéraires ?
Si
quelqu’un veut se procurer un de vos romans, concrètement, on fait
comment ?
Le mieux est de commander sur Chapitre.com ou Amazon, (16€, 278
pages, pas de frais d’envoi), ou la FNAC dans peu de temps, le téléchargement pdf
peut se faire sur le site des Editions ILV, (8€), et bientôt ailleurs : taper
Boulogne Blues.
Surtout ne pas commander le livre édité chez Manuscrit.com qui peut
être encore référencé sur certaines plates-formes et plus cher…
Merci
Philippe, et tenez-nous au courant de la suite des évènements ! Un mot à
rajouter pour finir ?
Je me suis adressé au Déblocnot’ car j’appréciais (et redoutais)
vos critiques littéraires, que je trouve pertinentes et sérieuses. Le fait que
vous vous intéressiez à ma démarche de distribution et de médiatisation me conforte dans cette
voie, qui, pour tout dire fonctionne de mieux en mieux. Cela est prenant, mais
s’avère une expérience enthousiasmante et enrichissante humainement. Je n’en
demande pas plus.
Tiens,
ma dernière question : quel est le livre, le film et le disque qui vous a
vraiment emballé ces derniers temps ?
Je viens de lire un livre qui était perdu dans ma bibliothèque
depuis longtemps, il s’agit de « Secret de Famille » d’IRENE FRAIN,
une histoire basée tant sur la psychologie des personnages du monde paysan
Tourangeau, que de l’histoire sur environ un siècle. L’écriture est magistrale,
enveloppante, pleine de méandres, de sable mouvants à l’image de la Loire.
Je suis très difficile en ce qui concerne les films. Il faut que
ce soit un choc frontal pour que j’adhère. J’ai replongé récemment dans
l’univers de DAVID LYNCH avec MULHOLLAND DRIVE (2001) qui me fascine. (en bonne place sur notre photo d'accueil...) Le dernier Cd d’AWEK, mais je suis tellement inconditionnel de
ce groupe, que je vous laisse le soin d’imaginer la foultitude d’arguments
positifs que vous seul exprimerez, en allant leur rendre visite sur leur site
ou youtube… On va s'gêner !!! Voici le lien vers leur site : http://www.awekblues.com/index.php/fr/
Un grand merci à vous, et euh, Philippe... aucun inconvénient à ce qu'on se quitte sur du blues ? Les vieux sages et la jeune garde ? On commence par Sonny Terry et Brownie McGhee, puis AWEK :
quel beau parcours et quel bel avenir
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