jeudi 1 novembre 2012

ALAIN BASHUNG - LE POÈTE REBELLE par Pat Slade



INTRO… poète



Si je devais parler d’Alain Bashung (d’ailleurs je vais en parler !), je dirais que c’est le Serge Gainsbourg du XXIème siècle ! J’en parle au présent comme j’aurais parlé de l’homme à la tête de chou, parce que c’est deux gars-là sont intemporels et immortels ! Né vingt-quatre jours avant Noël, deux ans après la seconde guerre mondiale à Paris, fils d’une ouvrière bretonne et d’un père inconnu, il passera son enfance (dont il n’aime pas parler) dans une ferme en Alsace à Wingersheim plus exactement. Élevé par sa grand-mère qui ne parle pas français, il s’occupe entre maquettes d’avion et son vélo. Avant de devenir un fumeur compulsif, il fut un sportif accompli en pratiquant le basket-ball et le cyclisme. Il y a surtout la musique, avec entre autre le "Mahagonny", spectacle musical de Bertolt Brecht et Kurt Weill. Pourtant si son univers est plus proche de Tom Waits, ce n’est pas par hasard si, pour ses cinq ans, il reçoit son Rosebud : un harmonica qui plus tard sera posé sur un guéridon sur scène avec ses clopes.

La Petite Entreprise



En 1958, la nouvelle que le soldat Presley effectue son service militaire en Allemagne parvient à Wingersheim. Mais c’est à un autre rocker qu’il va s’identifier. Un binoclard moins sexy et plus cynique : Buddy Holly. Le lendemain chez l’opticien, il cherche les mêmes lunettes que le Texan, signe que le rock’n’roll est entré dans sa vie. Il retourne sur Paris en 1959. Pour oublier ses études de comptabilités (B.T.S en poche), il commence à jouer de la guitare et crée un groupe appelé The Dunces, avec un certain Mick Larie (Futur collaborateur de Patrick Sébastien), qui va osciller entre le folk et le rockabilly. Avec son groupe, il joue pour les comités d’entreprise de chez Renault avec au programme, des reprises de Hugues Aufray, Hank Williams et les Spotnicks. Il découvre également un type aussi raide que Buddy Holly : Serge Gainsbourg. Puis il se retrouve sur quelques scènes, des débuts qui le conduisirent ensuite à faire la première partie de Bobby Lapointe. Il se retrouve arrangeur chez R.C.A, ce qui lui donne l’occasion de collaborer avec quelques figures de l’époque comme Noël Deschamps avec qui il cosignera quelques titres.


Roman Photos


Pour percer dans le domaine de la chanson en générale et du milieu artistique en particulier, son chemin est semé d’embûche en tous genres. A 19 ans, premier 45 tours "Pourquoi rêvez-vous des Etats-Unis ?", le succès ne veut pas de lui. Sur la pochette Bashung, n’a pas encore perdu le "C". Aucun des 45 tours sortie jusqu’en 1974 ne valent le détour, il n’a pas trouvé sa voix et sa musique est embarrassante. Par un mystère, son nom ce retrouve toutefois en juin 1967 à l’affiche d’un show organisé par R.T.L au Palais des Sports de Paris au côté de Cream, des Pretty Things et de Jimmy Cliff.
En 1973 dans la même salle, il incarne Fouquier-Tinville dans la comédie musicale "La révolution Française" de Claude-Michel Shöenberg (L’auteur du "Premier pas"). Pour l’album, il interprétait Robespierre et Jean schultheis ("Confidence pour confidence") Fouquier-Tinville. Dans les deux cas, il finissait sous la coupe de la bascule à charlot (guillotine).

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Roulette Russe



Après un premier album sorti en 1977 qui passe inaperçu "Roman-photo", le deuxième "Roulette Russe" en 1979 semble promis au même triste sort  si ce n’est sans compter sur "Gaby" qui se glisse dans le barillet.
Il s’écoule à plus d’un million d’exemplaires. Du jour au lendemain, Bashung, qui entretemps avait perdu son "C", devient un chanteur-rocker populaire cité dans les conversations de troquet entre le pastis et le calva. Sa voix nicotinée s’accompagne de jeux de mots fumeux dignes de relais routiers : "Ah quoi ça sert la frite si t’as pas les moules". Un statut qu’il conservera comme en témoigne la fortune de l’expression "Ma petite entreprise/connaît pas la crise". Autre carton, deux ans après, avec "Vertige de l’amour" sur l’album suivant "Pizza". Il reçoit le bus d’acier, grand prix du rock français, décerné par la presse rock.



En plus de la chanson il commence une carrière d’acteur  ou il incarne Christ Destroy dans "Cimetière des voitures" de Fernando Arrabal. Il continue son bonhomme de chemin en compagnie du grand Gainsbourg. La nuit, c’est évidemment le tournée des grands-ducs, mais avant le duo travaille rue de Verneuil d’où sortira "Play Blessure". Rock-Electro New-wave d’avant-garde, la critique descend l’album en flamme à l’exception de Libération.



Bashung, Un Novice ?


Il décide d’en finir avec son image de "Chanteur de rock décapé". Devenu père, le rebelle se replie sur la cellule familiale. Il enregistre "Tu touches pas à mon pote" qu’il offrira à S.O.S Racisme en 1985. Entre temps il fait deux albums "Figures imposés" en 1983 et "Passé le Rio Grande" en 1986 avec le titre "S.O.S Amor".

Bashung passe le cap de la quarantaine. Pour beaucoup d’artistes, l’inspiration décline, lui, c’est l’inverse, il devient un artiste majeur. De "Novice" un album à triple signification (Nos Vices ou encore No Vice dans la langue de Shakespeare). Enregistré en 1989, il y convie une multitude d’instrumentistes comme Phil Manzanera guitariste de Roxy Music ou encore Dave Ball clavier de Soft Cell. Jusqu'à "Bleu Pétrole" en 2008, il fait un sans-faute ! En 1991 arrive "Osez Joséphine", qui devait être au départ un recueil de reprise de Piaf, Bécaud ou Gainsbourg. Il enregistre à Memphis la ville de Presley et on retrouve les réflexes country-rock, avec les hennissements de guitare sur la génial chanson titre et aux images du clip sur une piste d’un cirque.
Et puis il y a aussi "Madame rêve", morceau à l’accompagnement voix-piano-cordes qui ouvre la porte à la futur audacieuse et prodigieuse trilogie "Chatterton", "Fantaisie Militaire" et "L’Imprudence". Pour clore l’album, on retrouve une reprise cosmique de "Night in white satin" des Moody Blues.

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Bleu Pétrole



On l’avait quitté en rocker cuir, il revient en Nosferatu du XXIème siècle. Il comprend qu’être moderne, ce n’est plus adopté une posture rock’n’roll. En 2003 la "Tournée des grands espaces" lui redonne le gout de la scène. Il multiplie les concerts. Il s'en suivra un double live du même nom l’année suivante. Le derrick "Bleu pétrole" jaillit dans les bacs en 2008. Fabriqué en collaboration avec Gaëtan Roussel de Louise Attaque et Gérard Manset (Dont il reprend la chanson "Il voyage en solitaire") entre autres. "Résidents de la République" sera le hit de l’album, il fera aussi une reprise de "Suzanne" de Léonard Cohen, ou ironie du sort, son look ressemble de plus en plus a celui du Canadien.  


L’Homme à la Tête de Chou


Il entame ensuite une tournée qui passera par l’Olympia malgré la chimiothérapie en raison d’un cancer du poumon. Il est promu chevalier de la légion d’honneur le 1er janvier 2009. Le 28 février, il remporte trois victoires de la musique, celle d’interprète masculin, meilleur Album de chanson et meilleur spectacle de l’année, 11 trophées depuis 1986, un record. (Il en recevra une autre à titre posthume en 2010.) Ce sera aussi sa dernière apparition publique. Luttant depuis 2007 contre la maladie, Il décède le samedi 14 mars 2009 en début d’après-midi à l’âge de 61 ans.
 En 2011 un album tribute avec douze reprises par divers chanteurs et groupes voit le jour, sort également son album posthume hommage à Serge Gainsbourg : "L’Homme à la Tête de Chou".
Sa place dans la chanson française ? Aux "Trois B" (Brassens, Brel, Barbara) essentiels, Il convient  d’ajouter celui de Bashung pour les années 90, Il a prouvé que l’on peut être rocker français sans ridicule.


Comment ne pas finir sur Scène et avec quelques clips ?

1 - Clip de "Osez Joséphine" réalisé par Jean-Baptiste Mondino en 1991. 2 – Clip de "Gaby Oh Gaby" dans les années 80. 3 – Live de "Madame Rêve" au Chabada d'Angers (1995).


6 commentaires:

  1. comparable à Gainsbourg, oui. mais pour les 3 "B" je serai plus réservée Pat!
    (ce qui n'engage que moi, bien sûr..)

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  2. Bashung c'est un peu compliqué pour moi.
    D'abord parce que je suis loin de tout aimer chez lui. D'ailleurs, même si j'apprécie des albums tels que OSEZ JOSEPHINE ou FANTAISIE MILITAIRE, il y a (dans ces deux albums de grandes qualités) des titres qui n'ennuient prodigieusement. Et puis je trouve aussi qu'à vouloir marquer sa différence (avancer ?) en s'éloignant de certains codes liés aux Rock, la musique de Bashung a eu tendance à s'intellectualiser en quelque sorte au cours de ses dernières publications. L'IMPRUDENCE ou même CHATTERTON ne sont pas des albums toujours faciles à apprécier et à appréhender parfois. Je pense notamment à des titres comme "Un âne plane", "Après d'âpres hostilités" ou encore J'ai longtemps contemplé", tous issus de l'album CHATTERTON. Outre toutes les dissonances qui en émane, est-ce encore à considérer comme étant du Rock ?

    Quant à son dernier album, "Bleu Pétrole", le nombre de ses récompenses m'est toujours apparu comme étant plus une sorte de "Dernier hommage à" rendu à l'artiste par la profession. Il n'y a, dans cette observation, aucun cynisme de ma part je te l'assure.
    Je préfère d'ailleurs largement le tiens (d'hommage) Pat, que celui de tous ces pontes.

    Vincent

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  3. pat slade5/11/12 02:21

    Vincent, je suis d'accord avec toi sur le coté intellectuelle de ses dernières galettes et il est vrai que l'on donne souvent des récompenses à quelqu'un qui est prêt de passer l'arme à gauche. Merci pour mon hommage,je suis très touché !

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  4. Il faut bien reconnaître que les Frenchy n'étaient pas assez exposé jusque là dans le Déblocnot'. C'est donc moi qui te remercie de poursuivre ton travail de réhabilitation de tous ces grands noms dont tu nous a déjà gratifié (Higelin, Jonasz, Thiéfaine, le groupe Ange,...).

    LA SUITE vite ! (Si tu veux évidemment).

    Vince

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  5. Bon billet très explicatif et , chez Alain Bashung les choses ne sont jamais simples. Une carrière un peu en dent de scie , une façon de mener sa barque le cul entre deux chaises (enfin de rocking-chair of course !) un aspect élitiste un peu intello et un coté plus populaire , plus TOP 50 quoi : La face "Play Blessures / "L'imprudence" côtoyant la face "Pizza" " Osez Joséphine" avec une évidence inouïe.

    J'aime beaucoup son album de la fin 1991 "Osez Joséphine" dont le succès fut mérité et le carton (plusieurs semaines au TOP 50) du 45 tours du même nom (avec ce clip magnifique !) m'a fait plaisir car cela changeait de la mélasse que les radios FM nous envoyaient dans le cornet . Jubilatoire !

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  6. Exact, après chaque succès ("Pizza", "Passé le Rio grande", "Osez Joséphine" ou "Fantaisie militaire"), il sortait un album moins accessible, plus expérimental ("Play blessures", "Novice", "Chatterton", "L'imprudence"). "Après d'âpres hostilités" ou "J'ai longtemps contemplé", tous deux issus de "Chatterton", sont excellents, habités et insidieux et qu'il s'agisse de rock ou pas importe peu.

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