jeudi 22 novembre 2012

MARC, BASSON A L'ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE BRETAGNE


Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas un rockeur que nous recevons aujourd'hui mais un musicien classique, Marc Mouginot, bassoniste à l'Orchestre Symphonique de Bretagne.
- Comment Philou ? Non tu peux laisser tes bières les musiciens classiques aussi ça boit  des bières... par contre évite de lui passer "Roll over Beethoven"...
Nous avions pas mal de questions à lui poser sur son drôle d'instrument et sur la vie au sein d'un grand orchestre, alors sans plus attendre donnons lui la parole...

- Bonjour Marc, d'abord pourquoi et comment devient t'on bassoniste? Ce n'est pas l'instrument le plus commun quand on débute la musique.
J'ai toujours aimé souffler ainsi que les sons graves, l'instrument qui joue le plus fort c'est la trompette. J'ai grandi à Nîmes, le cours de trompette était assuré par Raymond André, le frère de Maurice André et sa classe était bondée, il y avait par contre toujours de la place dans le cours de basson et un prof sympa qui m'a donné envie de travailler l'instrument et voila…

- le basson justement, pas très connu du grand public, tu peux nous en parler un peu ?
C'est un instrument  ancien, de la famille des bois,  il est apparu en Italie au 16ème siècle sous le nom de Fagotto et à peu près à la même époque en France et en Allemagne. Son origine remonte au moyen age avec son ancêtre la douçaine.  Début 19ème l'instrument a été repensé et 2 systèmes différents, le français et l'allemand (le fagott) cohabitent depuis.
Tous les compositeurs l'ont utilisé, par exemple Vivaldi qui a écrit 42 concertos pour basson, mais aussi Mozart, Verdi et des contemporains comme André Jolivet. Le sacre du Printemps commence par un solo de basson.
backstage...

- Quels sont les maîtres de l'instrument?
Il y a déjà Maurice Allard dont j'ai été l'élève, citons aussi Gilbert Audin et Laurent lefèvre parmi les français.

- Quel a été ton parcours ? comment intègre-t-on un grand orchestre ?
J'ai suivi le parcours classique : à 5-6 ans on entre dans une école de musique, et gravi les échelons, examens, diplômes…
Ensuite il y a le conservatoire des régions puis le conservatoire national supérieur de musique, à Paris ou à Lyon, on travaille avec un maître, là encore on ressort avec des diplômes, des prix,  c'est le summum de ce qu'on peut obtenir. Après pour intégrer un orchestre, cela se passe sur concours, les candidats doivent jouer des œuvres imposées, en audition cachée...

- Quelles sont à ton avis les qualités requises pour faire un bon joueur de basson ?
Avoir une bonne oreille, une grande capacité d'écoute et de concentration, être patient, travailleur et savoir faire preuve de souplesse, c'est-à-dire être capable d'accompagner tout le monde ; et, à ne pas négliger, avoir une certaine endurance physique.

- Tu enseignes à des enfants, à quel age peut on commencer ? 
De 7 à 77 ans, c'est un instrument assez facile à apprivoiser et on peut rapidement se faire plaisir et en sortir de jolis sons ; après c'est comme toute pratique artistique, il faut bûcher…
au cœur de l'orchestre..

- Venons en à ton travail proprement dit, quand une nouvelle œuvre est inscrite au programme, l'instrumentiste doit-il apprendre sa partition seul de son coté ou est-ce travaillé collectivement ?
Oui tout à fait, cela fait partie de notre temps de travail, un travail personnel à la maison qui peut être plus ou moins long selon la difficulté, ensuite viennent les répétitions, avec tout l'orchestre ou par petits groupes, il y a ainsi les "partielles cordes" ou "partielles vent", les cuivres répètent souvent seuls aussi, cela dépend des œuvres.

- Parlons un peu du rôle du chef d'orchestre, je me suis souvent demandé quel était son rôle..
C'est le métier le plus complet de la musique, qui demande une belle gestique et des qualités humaines hors normes. L'orchestre est en fait l'instrument du chef d'orchestre. Celui qui saura optimiser l'énergie des musiciens obtiendra ce qu'il a envie de faire ressortir de sa perception de l'œuvre jouée.

- Tu en as connu beaucoup, préfères-tu travailler avec des "dictateurs" ou des chefs qui privilégient le dialogue ?
Bien sur la seconde catégorie, les dictateurs c'était une autre époque même s'il en subsiste quelques uns. Un chef d'orchestre doit maintenant avoir autant de qualités humaines qu'artistiques, c'est par la bonne humeur et la participation de tous qu'on tire un groupe vers le haut ; le despote n'obtiendra qu'une interprétation sans âme, apeurée, stressée.
Quand la sauce prend, c'est assez jouissif, une sensation presque tribale, une sorte de transe, d'état second, où  tous les sens sont en éveil...C'est un beau métier de plaisir, qui amène je l'espère du rêve aux gens.

- Quelques anecdotes vécues sur les chefs d'orchestre ?
J'ai vu plusieurs fois mes chefs d'orchestre nous quitter précipitamment en plein concert, victimes d'une gastro ou de fruits de mer à la fraîcheur douteuse, l'orchestre a terminé tout seul…
Ou encore ce chef étranger qui pendant la coupe du monde suivait, tout en dirigeant, le score de son équipe via un des musiciens et son portable…

- Venons en à votre répertoire, qu'est ce que vous jouez ?
Nous abordons tous les genres, du baroque au contemporain, de Beethoven à Mozart en passant par Ravel ou Rossini, mais aussi des compositeurs moins connus et des  projets variés dans le cadre de "l'orchestre se lâche" , des projets qui allient  le symphonique  au rock ou  au cinéma  en passant par la photo ou le jazz…
 
- Ah? le jazz?
Oui , nous venons de jouer avec Chris Brubeck, le fils de Dave  (NDLR - Dave Brubeck, pas Dave le mangeur de gouda), un gars sympa, multi instrumentiste, il joue piano, sax, trombone, basse, chante, compose….Nous avons ainsi eu l'occasion de jouer les standards de son père, "take five" ou "Blue rondo a la turke"…
Une expérience enrichissante qui sort de notre cadre ordinaire. Il faut savoir que le basson était très présent  dans les orchestres de jazz américains des 50's , des artistes comme Stuart Mc Kay ou Ilinois Jacquet (Ellington, Corréa)  ont fait des disques de basson. Citons aussi le trio nantais CDL avec Jean-Jacques Decreux au basson.
( trio CDL )

- l'Orchestre de Bretagne joue t'il parfois de la musique bretonne, celtique ?
Oui bien sur et des surprises dans ce domaine sont à venir, comme le concerto des 5 arbres sacrés "five sacred threes" de John Williams basé sur une légende celtique ; nous jouerons aussi bientôt avec une violoniste écossaise… je vais devoir passer un kilt….
Nous avons aussi enregistré avec Didier Squiban, et fait une version bretonne de Pierre et le loup. Vous découvrirez aussi bientôt le projet Taliesin qui fera le lien entre musique symphonique et celtique. Ces défis  peuvent amener un nouveau public vers le classique.
 
- Votre public justement, quel est-il ? Le classique à encore une image élitiste, qu'en est-il ?

C'est vrai que c'est l'image du classique, mais elle évolue, si la majorité de notre public est dans la tranche 40-60 ans on y croise aussi des plus jeunes. Nos opérations comme "orchestre se lâche" ou "Orchestre en fête" ont permis à pas mal de plus jeunes de venir  vers nous.
Mais c'est aussi à nous d'aller vers eux en diversifiant notre répertoire et par des actions vers les scolaires aussi. Les jeunes sont réceptifs et intéressés  quand on leur propose de découvrir un nouvel univers qu'ils ne soupçonnent souvent pas, sauf s'ils ont des parents mélomanes.
Nous avons aussi joué en direct dans un cinéma la musique du film de René Clair "Un chapeau de paille d'Italie", c'était sympa (photo ci contre)

- Un musicien classique quand il rentre chez lui il écoute quoi ?
De tout il est très ouvert, de Mozart à Nina Hagen, en passant par les Beatles, Carlos Nunes, Nolwenn Corbell, Erik Marchand, du jazz... Je suis capable de tout apprécier, même si, déformation professionnelle oblige, il est difficile d'écouter une musique sans l'analyser, ce qui est perturbant parfois…

- Et dans le classique quels sont tes compositeurs préférés ? Et ceux que tu préfères jouer ?
5 noms me viennent  mais il faudrait en citer d'autres, alors en premier Stravinsky, Mozart, Haydn, Verdi et Rossini..
 


- Et bien merci Marc, le mot de la fin?
 Merci à toi , tu trouveras sur le site de l'orchestre toutes les dates ainsi que les CD disponibles, à bientôt j'espère, c'était un plaisir, excellentes ces bières, vous savez recevoir au Deblocnot...

2 extraits de concert, avec Chris Brubek, puis avec Ludwig:

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