Ce
scud c'est d'abord, pour ma pomme, un p'tit souvenir amusant.
Je
me rappellerai toujours de la tête de l'employée du
magasin de disques que je fréquentais assidûment ; lorsque je
le lui ai présenté afin qu'elle me le mette en écoute.
Elle commença par rire doucement croyant à une petite
blague, puis, croisant mon regard déterminé me posa la
question : « Tu veux vraiment écouter ça
? »
« Ben
ouais » lui répliquais-je laconiquement, mais
intérieurement goguenard.
« Sérieux
? Non, c'est que je ne te voyais pas écouter ça »
(ha, les généralités) « Bon, t'es sûr
? Je te le passe ? » Insiste-t'elle (quelle patience)
« Oui,
oui ! Pourquoi ? Tu l'as écouté ? »
« Euh...
ben non, mais rien que la pochette... c'est pas très
engageant. Pas mon truc » répondit-elle d'une mine
boudeuse. A sa décharge, cette pochette avec cette tronche de
minet peut être un total refouloir (« You can't
judge a book by the cover »)
« Vas-y.
Moi, ça m'plait » (Je connaissais déjà
le premier essai du bonhomme). Et puis, il y avait eu une chronique
élogieuse d'une revue de grattes (très certainement le
regretté Guitar & Bass).
Silence...
Les
premiers craquements se font entendre. Craquements ? Mais c'est un
laser !
Une
guitare acoustique avec bottleneck et une voix se pose, genre
bluesman du Delta.
« Ah
tiens ? C'est du blues. » dit la disquaire, le sourire
retrouvé et quelque peu rassurée à mon sujet.
Elle monte le son et puis... patatra ! C'est la déferlante.
Guitare
électrique passée à la moulinette Marshall
exsudant les lampes surchauffées et l'overdrive fiévreuse.
Ouch ! En renfort : cuivres cossus (les Memphis Horns ont été
appelé en renfort pour soutenir le saxophoniste pour une bonne
partie du disque), batterie lourde, basse ronde et chant de petit
teigneux.
« Ho
!? Mais c'est vachement bien ça ! J'm'attendais pas à
ça ! » dit la disquaire ravie, les cheveux
repoussés en arrière et ébouriffés par le
souffle des enceintes (dont elle s'empressa de baisser le volume de
crainte qu'elles ne supportent pas la déflagration – c'était
à donf -), les yeux écarquillés de surprise et
de bonheur, la larme à l’œil de plaisir (comment ça,
j'exagère ??). Ouch ! La claque.
Elle n'en revient pas, et, méfiante, contrôle bien que la petite galette plate et argentée correspond au boîtier (une bonne blague ?) : ben, tu parles, une gueule de minet affichée sur un « art-work » complètement à côté de la plaque (question pochettes, cela n'a jamais été le fort de Colin, loin de là) et derrière, tranquille, une grosse mécanique qui déboule avec un son énorme, et sans omettre le groove ! ZZ-top meets FOGHAT. (-enfin, c'est surtout la brutale montée en puissance qui procure cette sensation).
Et
c'est pas fini. Pratiquement enchaîné jaillit la reprise
d'Otis Rush, le fameux « Keep on Loving me baby » délivré ici en mode turbo-compresseur (c'est pas du
Slipknot non plus, hein !). « Hérésie ! »
crieront certains. Qu'importe, c'est torride, incandescent, fonceur,
et on en redemande.
« Show
Me » fait à peine redescendre la pression, en
ralentissant un peu le tempo et en se parant de légère
intonations Rythmn'n'Blues quelque peu poppy. Un mix de Huey Lewis &
the News, de Cheap-Trick et de Jeff Healey. Du Rock-US tendance
bluesy très bien ficelé, avec l'aide de Bobby Whitlock.
Par
contre, « Give it Up » est une douche glacée
avec ce Reggae, genre UB-40 avec cuivres trop roboratifs, que la
présence de Bonnie Raitt ne parvient pas à rehausser.
Un intrus au milieu de ce bouillonnant Blues-rock.
La
ballade suave, « Crazy Over You », renoue, poliment mais sûrement, avec le Blues ; légèrement
sucrée, elle permet de démontrer que Colin sait placer
sa voix, comme de jouer de la guitare d'une façon raffinée,
tout en restant ancré dans l'idiome du Blues. Sans égaler
le maître sur son territoire, on pense là à Eric
Clapton, et on regrette que le solo finisse pas un « fade »
au moment où il commence à s'emporter, à sortir
de ses gonds.
Colin a repris son souffle, et à nouveau, appuie sur le champignon et envoie les gaz. « T for Trouble », assis sur une batterie tribale, se présente comme un Blues-rock impétueux qui lutte pour maintenir sa cohérence, avec un solo où Colin fait crier sa guitare à l'aide d'une wah-wah brûlante.
« Cross
my Heart » est un shuffle Heavy-rock'n'Roll fougueux où
l'on pourrait croire que Stevie Ray Vaughan himself est venu brancher sa "Lenny" dans une une bonne disto cossue et repousser les limites de son
ampli. Colin, transcendé par une onde de choc chaude et moite,
s'y arrache les cordes vocales.
Sur
« Just One Love », la section rythmique
ronronne comme un V8 et la gratte slide telle Rod Price. C'est à
peine modéré par des chœurs qui donnent un petit côté
mainstream.
« If
You Lean On » fait figure de Blues-rock FM charnu qui
pactiserait avec Cheap-Trick (notamment à travers le chant).
« Sudden
Stop » est une belle ballade Soul-Blues (composée par Bobby Russell et interprétée pour la première fois par Percy Sledge), avec tout l'attirail adéquat : chœurs
féminins, rythmique tempérée et aérée
par un piano posé et mesuré, solo de saxophone, une
guitare proche de la Strato de Stevie Ray Vaughan qui mute à
l'aide d'une saturation crémeuse pour s'élever vers les
cieux. Le coda semble être un hommage, ou un clin d'œil, à
Stevie Ray.
Bon, pour sûr,
il faut revenir dans le contexte de l'époque où le
Blues, bien qu'il soit, grâce à Stevie Ray Vaughan,
sorti d'un statut assez confidentiel, ne devait pas s'éloigner
de certains canons de crainte d'être immédiatement
classé, comme si c'était honteux, dans la catégorie
Heavy-rock. Fort heureusement, bon nombre d'artistes, limités
en studio, se lâchaient sans a priori sur scène. A ce
sujet, ceux qui, par exemple, ont pu voir un Buddy Guy sur scène
dans les années 80, peuvent témoigner que son
soit-disant opportunisme des premières réalisations pour le
label Silvertone, était déjà bien présent
sur scène ; notamment dans la dernière partie de son
set.
Mais revenons à nos moutons. Juste pour dire que les gus qui osaient mettre autant de morgue et d'électricité dans leur Blues, et bien, ils n'étaient pas nombreux. Alors dans notre petit monde (non, pas celui des Borrowers), ce « Sudden Stop » a fait son petit effet. Évidemment, depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, et on a pu écouter quelques flibustiers qui ont brutalisé les douze mesures d'une façon bien plus radicale et irrévérencieuse que Colin James, pas nécessairement avec talent d'ailleurs ; cependant en 1990 ils ne couraient pas les rues. Gary Moore sort son « Still Got the Blues » la même année sur le même label (Virgin)....
Mais revenons à nos moutons. Juste pour dire que les gus qui osaient mettre autant de morgue et d'électricité dans leur Blues, et bien, ils n'étaient pas nombreux. Alors dans notre petit monde (non, pas celui des Borrowers), ce « Sudden Stop » a fait son petit effet. Évidemment, depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, et on a pu écouter quelques flibustiers qui ont brutalisé les douze mesures d'une façon bien plus radicale et irrévérencieuse que Colin James, pas nécessairement avec talent d'ailleurs ; cependant en 1990 ils ne couraient pas les rues. Gary Moore sort son « Still Got the Blues » la même année sur le même label (Virgin)....
Cinq simples furent extrait du disque, dont « Just Came Back » qui se hisse à la troisième place des radios américaines (jusqu'à présent Colin n'a jamais fait mieux) et 7ème au Billboard's Rock Mainstream ; 21ème pour "Keep on Loving". La même année, grâce à ce disque, il obtient deux prix Junos : un pour le meilleur single, et un second pour le meilleur chanteur masculin.
Certes, on peut
juger ce Blues-rock opportuniste en n'étant peut-être
finalement qu'un mixte futé d'"Eliminator" de ZZ-Top (on retrouve d'ailleurs à la production Joe Hardy, que l'on retrouve sur pas moins de six galettes du trio Texan), de "Recycler" (qui sort la même année) et de Huey
Lewis & The News, en passant par la case Big-Rock US alors en
vogue, avec une pointe de Jeff Healey (alors en pleine ascension) et de Foghat (entre "Night Shift" et "In The Mood"), et en incorporant deux bonnes reprises afin de légitimer
une appartenance revendiquée au Blues. Toutefois, au vu de la
carrière de Colin James, on peut constater qu'il ne surfera
jamais sur le succès d'un précédent opus en
recrachant la même recette l'année suivante.
D'ailleurs, le
précédent est plus straight et le suivant plonge dans
le jump-blues appuyé par un big-band (avec des membres du
Roomful of Blues). Au sujet de ce dernier, certains pensent qu'il
serait l'instigateur du regain d'intérêt pour cette
branche. Brian Setzer, lui, n'explore (n'exploite ?) le jump-blues
(néanmoins avec plus de jazz) que l'année suivante, en
1994.
Colin James Munn
(né le 17 août 1964 à Regina, dans le
Saskatchewan, au Canada) aurait tronqué son nom sous les
conseils de Stevie Ray Vaughan pour qui il chauffait le public lors
d'une tournée américaine en 1985 (où l'on pouvait voir parfois Colin croiser le fer avec Stevie).
En vingt-cinq ans
de carrière discographique (1er single en 1987 et 1er lp en
1988) et douze disques (sans compter celui de 2012), Colin James a
été quatorze fois nominé pour les prix Juno (les
« Canada's Music Award », créés
en 1970 et destinés à récompenser les artistes
canadiens) et en a remporté six, ainsi que douze prix Maple
Blues.
Parmi la multitude de musiciens de Blues-rock apparue dans les années 90, Colin James est quelque peu oublié, voire même parfois totalement inconnu ; du moins par chez nous. Alors qu'il est capable de tenir la dragée haute aux meilleurs d'entre eux.
La Bande :
Colin James : guitares électriques et acoustiques, chant
John Ferreira : saxophone ténor & baryton
Rick Hopkins : Hammond, piano & synthés
Dennis Mercenko : basse
Darrel Mayes : batterie & percussions
Passera, passera pas ?
Approximativement dans le même genre : David GOGO "Soul Bender"
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