Otis Redding meurt 6 mois après
son triomphe au Festival Pop de Monterey, où il avait enflammé la scène, passant
après Jefferson Airplane. Une longue période de repos s’en suit, Redding se
faisant opéré de polypes dans la gorge. Il en profite pour réfléchir à une
nouvelle orientation musicale, avec le désir de toucher un plus large public,
vendre plus de disques. Il retrouve l’aisance de sa voix qu’en fin d’année, et
les 6 et 7 décembre 1967, il entre aux studios STAX, avec son compère Steve
Cropper, pour enregistrer de nouvelles compositions. Et parmi celles-ci : » The dock of the bay ».
Otis Redding n’écrit ni ne lit
la musique. Il grattouille un peu de guitare, barre des accords
très simples avec un doigt. Mais il fredonne toutes les parties instrumentales,
la ligne de basse, les interventions de cuivres, le beat de batterie… A Steve
Cropper ensuite de mettre tout cela en forme, à l’attention du groupe :
The Bar-Keys. La chanson « The dock of the bay » correspond au désir
de Redding à faire plus simple, plus direct, disons… plus pop. La ligne mélodique
du chant demande moins d’effort (que "I’ve been loving you" ou "Try a little tenderness" par
exemple, techniquement très difficiles). D’autres chansons sont enregistrées pendant cette session, puis
Otis Redding et son groupe partent pour une mini-tournée, le temps du week end.
Direction Nashville, puis
Cleveland, avec un passage télé, puis le second concert du soir. Le matin du 10
décembre, Otis Redding appelle sa femme, lui annonce que le groupe se rend par avion à Madison
dans l’après-midi, et qu’il la rappellera une fois là-bas. A 15h58, son avion s’abime
dans le lac Monoma, l’aéroport de Madison n’était encore qu’à 6 kilomètres. L’avion,
un Beechcraft, appartenait à Otis Redding, mais ce jour-là il ne le pilotait
pas. Il n’avait pas encore passé son brevet. C’était un vieux coucou, et même
James Brown lui avait dit : ne monte pas dans ce truc, il n’est pas conçu
pour emporter un orchestre. Le trompettiste Ben Cauley sera le seul survivant du crash,
qui, accroché à un coussin de siège (il ne savait pas nager) voit les autres
se noyer : Otis Redding, le pilote, Jimmy King (guitariste),
Ronnie Cadwell (pianiste), Phalon Jones (saxophoniste) et Carl Cunnigham
(batteur).
Le monde de la soul ne s’en
relèvera pas, après la mort prématurée de Sam Cooke, trois ans plus tôt. Les
Studios STAX fermeront quelques temps plus tard, ayant perdu leur plus grande
star en devenir (avec Isaac Hayes qui s’illustrera dans les charts pop). Le 8
janvier 1968, sort le single « The dock of the bay » avec en face B « Sweet
Lorene ». Direct à la première place du classement, pendant 4
semaines. En juin, c’est le 33 tours éponyme qui sort, contenant d’autres
enregistrements des sessions du 6 et 7 décembre 1967, chansons, démos,
playback, qui serviront encore pour trois albums posthumes. Précision (rapport à
la pochette) : les 33 tours étaient distribués par STAX, mais les 45 tours
pour le marché américain, par la filiale VOLT.
On écoute la version d’Otis
Redding, celle du bluesman Luther Allison (enregistrée à Berlin en 1989) et l’adaptation
française faite par Bill Deraime. On peut recommander aussi la version plus bluesy de Popa Chuppy sur "Live at Fip", 2003.
Juste une précision, la version d'Otis est posthume, il n'avait enregistré que la voix sur des basic tracks ... le bruit des vagues et certaines parties instrumentales ont été ajoutées ou réenregistrées ...
RépondreSupprimerComme chacun sait, la chanson se termine par une mélodie sifflée.
RépondreSupprimerOn m'avait raconté la chose suivante:
Au moment de son enregistrement, Otis, n'ayant pas eu le temps d'en terminer le texte complètement, aurait sifflé cet air afin de ne pas l'oublier au moment il aurait définitivement trouvé les dernières paroles qui lui manquaient.
Est-ce là une pure légende ou bien ?
Vincent
Je n'ai rien trouvé en ce sens, mais c'est tout à fait plausible, vue la manière dont il travaillait en studio. La version enregistrée en décembre n'était pas finie, pas destinée à sortir. Toutefois, la mélodie sifflée ne correspond pas à la mélodie chantée dans les couplets... elle ressemble davantage à une coda de cuivres qu'Otis Redding aurait peut être placée à la fin...
RépondreSupprimerL'énigme restera donc entière. Mais même si il devait s'agir d'une authentique légende, m'en fout... J'adooore les légendes moi !
RépondreSupprimerVince.