samedi 21 juillet 2012

NIGHTFALL de Jacques Tourneur (1957) par FreddieJazz



Jacques Tourneur fait partie de ces cinéastes pour lesquels j'ai beaucoup d'affection. Des films comme OUT OF THE PAST (La Griffe du passé, 1947), CAT PEOPLE (1941) ou encore STARS IN MY CROWN (1953) sont autant de films que je chéris et dont j'aimerais voir un meilleur transfert en dvd... Dans le magnifique ouvrage que lui a consacré Michael Henry Wilson (Jacques Tourneur ou La Magie de la suggestion), on y trouvera une mine d'informations, de photos et d'analyses de films que je reprendrai pour cette occasion. On peut y lire en outre, ce qui justifiera mon amour pour ce cinéaste, qu'à Hollywood, « Tourneur fut l'un des contrebandiers, peut-être le premier, qui ont subverti le récit classique de l'intérieur. Un explorateur de l'autre côté, en quête de passage qui ouvrent sur d'autres dimensions. Un poète attentif à l'inquiétante étrangeté de notre décor quotidien lorsqu'il révèle ses fractures. Un promeneur extraordinairement solitaire, poursuivant à l'insu de tous, protégé par son humilité même, une expérimentation qui a transformé le cinéma en profondeur ».

NIGHTFALL (Poursuite dans la nuit, en VF) tourné en 1957, soit dix ans après la publication du roman de David Goodis, et près d'une décennie après le merveilleux OUT OF THE PAST, est un bon petit film noir qui ne démérite. Cette oeuvre est assez mal connue du public français, et c'est donc un bonheur de l'avoir enfin à notre disposition (merci à Wild Side qui nous promet pour octobre 2012 deux films de Joseph H. Lewis...). C'est donc une excellente nouvelle que cette sortie en dvd de NIGHTFALL, l'un des derniers films du maître de la suggestion. La Film Noir Foundation ayant présidé avec UCLA à la restauration de ce film, qui n'existait plus que dans des copies calamiteuses, le résultat est d'une qualité exemplaire. A l'occasion de cette sortie, Wild Side présente le dvd accompagné d'un livret de 60 pages rédigé par un spécialiste (Philippe Garnier) et copieusement illustré (photos, affiches, articles de presse). Double bonne nouvelle donc : un des meilleurs Films Noirs de Tourneur, inédit dans ce format, est enfin largement visible dans un état parfait (cinq, voire six étoiles pour le son, l'image, les bonus, les sous-titres, la qualité de l'ensemble).

L'histoire : L'argent d'un casse a disparu. Deux malfrats pensent qu'il est en la possession d'un certain James Vanning. Ce dernier devient un homme en fuite, poursuivi par les bandits d’une part, et filé par l'enquêteur de la compagnie d'assurance, d’autre part. Marie Gardner, une mannequin rencontrée par hasard, s'embarque avec lui, vers les montagnes enneigées du Wyoming...

Ce thriller efficace, malgré quelques défauts (j'ai parfois eu le sentiment que le film était tourné pour la télévision, plans serrés) est finalement très attachant. Vanning campé par l'acteur Aldo Ray (acteur assez méconnu mais d'une épaisseur peu commune) est un homme traqué, vivant dans l'ombre... Sa seule alliée (la magnifique Anne Bancroft avant que celle-ci ne perce au cours de la décennie suivante...) vit au contraire dans la lumière (elle est mannequin). Ce contraste ou plutôt cette alliance des contraires improbable est très remarquable (ainsi leur fuite, en plein milieu d'un défilé de mode). Le choix d'Anne Bancroft (LE LAUREAT) est judicieux. En belle brune simple mais énigmatique, elle campe un rôle qui n'a rien de glamour, d'où mon attachement à ce film qui au cours d'une seconde vision gagne en maturité et en profondeur. Alors bien sûr comparé au OUT OF THE PAST, le film m'apparaît un peu en dessous... Il n'en reste pas moins très, très attachant.
Jacques Tourneur montre une fois de plus qu'il est un vrai artisan, ou mieux, comme il le disait lui-même, "un menuisier". Il aimait travailler avec des acteurs et non des stars. Et justement, ce NIGHTFALL n'a pas besoin de stars. Il n'est en rien glamour. En cela, le film est marqué par une authenticité inouïe qui n'a rien d'hollywoodienne. Produit par la Columbia, le film se rapproche même d’un film indépendant, du moins les annonce-t-il. Quant à la stylisation et la mise en scène, c'est du bonheur. Modèle d'économie narrative, flashbacks judicieux, stylisation de la campagne et de la ville (on reconnaît Los Angeles, alors que le roman e Goodis, lui, situait l'action à New-York). Dès la scène d'ouverture, sur un air de jazz faussement mélancolique, l'on voit James Vanning vu de dos, qui a soudain un tressaillement après un éclair de spots lumineux, quand le propriétaire allume la rampe de lumières du magasin. Cet homme n'aime pas la lumière ni la compagnie. Et surtout, cet homme nous semble fragile. Confirmation que l'on aura plus tard quand il déclarera par exemple, de sa voix traînante et légèrement éraillée, qu'il est fatigué, qu'il n'en peut plus... 


Noir et blanc  -  1h20  -  format 1:37

La première scène du film, générique compris, mais désolé, pas de sous titre disponible... 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire