mercredi 18 avril 2012

Tony SPINNER "Down Home Mojo" - 2011 - (par Bruno)



Qui c'est encore ce Tony Spinner ? Qui connait Tony Spinner ?

     Jeune homme de bientôt 48 ans (né le 9 juin 1963 dans le Missouri à Cape Giradeau), il n'est pourtant pas un nouveau venu dans le monde de la musique.


     Tony Spinner
commence dès ses huit ans à jouer de la musique en débutant par le piano, rapidement suivi de la guitare. Un peu plus tard, sa curiosité le pousse à tâter du saxophone. Il se passionne pour le blues de l'après-guerre, notamment celui des années 50 et parallèlement, à tout ce qui se présente à la télé (surtout toutes les prestations en direct). Plus tard, il sera touché par Jimi Hendrix, Johnny Winter, Duane Allman, Robin Trower et Rory Gallagher. Des guitaristes qui, encore aujourd'hui, demeurent une influence majeure et revendiquée.

     Dans les années 80, il se lance professionnellement dans la musique avec un premier groupe autant influencé par le jazz, Chuck Berry que par les icônes sus-nommées. Au début des années 90, il intègre les Famous Unknows de Mark Sallings, avec qui il enregistre deux disques. Puis il parvient à obtenir un contrat avec Mike Varney ; c'est le tournant de sa carrière.

     Au début des années 90, Mike Varney, le fondateur du label Shrapnel, célèbre usine à shredders, Metal et autres sprinter de la six-cordes, décide d'élargir son champ d'action en promouvant divers artistes, parfois sur le retour, dans un registre Blues-rock « couillu ». Le marché américain répondant très favorablement, il fonde en 93 l'antenne Blues Bureau dédié au genre, tendance velue, aux effluves de bière et de sueur. Soit du Blues généralement très éloigné de l'authentique. Une gageure pour les puristes. Le Blues Bureau profite d'un certain engouement pour inonder le marché ; du coup, certaines réalisations ne sont pas du meilleur goût, ça pédale dans la choucroute, même de la part d'anciennes gloires nationales. Néanmoins, ce nouveau label permet à des artistes de pouvoir s'exprimer. Ceux là même qui n'avaient pas trouvé leur place dans l'industrie musicale des années 80 et du début des 90. Bien trop rock pour les labels indépendants de Blues qui les considéraient comme des hérétiques, trop mou pour le Metal, pas assez chevelus ni tatoués pour le Glam-Hair-metal-bidule-rock des poseurs des 80's, trop techniques pour le Grunge. Le Blues Bureau fait ainsi office d'oasis pour ces bannis ou reclus.


   Tony Spinner fait partie du lot. Après un premier - et réussi - album sur Shrapnel, « Saturn Blues » en 1993, il intègre le Blues Bureau dès sa création et participe à des « disques hommage », à l'intérêt discutable, où divers musiciens sont invités à participer (« Fit for A. King », « Hat off to Stevie Ray » et « Songs from the better Blues Bureau »). Grâce à l'enregistrement de deux autres albums (« My '64 » et « Crosstown Sessions »), qui font office d'excellente carte de visite , sa carrière prend un nouvel essor . Désormais reconnu par ses pairs, il aborde parallèlement une carrière d'accompagnateur de luxe. Certainement une aubaine pour la trésorerie mais qui l'accapare tellement qu'il est obligé à mettre sa propre carrière en sommeil.

     C'est ainsi qu'il part épauler en tournée Paul Gilbert et Steve Lukather. Deux monstres sacrés de la six-cordes, et pas des moindres. Déjà là, on se dit que l'on a affaire à quelqu'un qui a forcément un gros bagage technique lui permettant d'assurer les arrières et de croiser le fer avec ces deux pistoleros. De plus, ces deux grands noms, apparemment satisfaits de sa personne, l'emploient à maintes reprises. Pendant dix ans, soit de 1999 à 2009, il renforce la formation de Steve Lukather pour tous les concerts ; il apparaît dans les enregistrements en public de Toto de cette période, soit « Livefields », « Live in Amsterdam - 25th anniversary » et « Falling in between Live ».

      Dans le cas de Paul Gilbert, en plus des concerts en remplacement de Bruce Bouillet, il est également convié à participer à deux disques studio (parmi les meilleurs du Paulo), «  Flying Dog » (en 99) et « Alligator Farm » (en 2000), faisant également les harmonies vocales, joutant parfois dans de furieux duels et chantant même sur la reprise « 2 become 1 » (des Spice Girls !). Malheureusement, absent du live « Beehilive » car alors accaparé par Toto.
     Tony part aussi en tournée avec Pat Travers. Il tourne actuellement avec le Kofi Baker's Cream Experience (groupe monté à l'initiative de Kofi Baker - fils de Ginger - pour interpréter principalement des reprises de Cream, de Blind Faith et de Jimi Hendrix).
On remarque que, sans être en totale opposition, la musique que Tony joue en tant qu'accompagnateur est bien différente de celle à laquelle il s'est vouée. D'un côté l'alimentaire, de l'autre la passion.

Ce n'est qu'en 2005, qu'il sort, après une parenthèse de neuf ans, un nouvel opus. Edité sur un label obscur (Rusty Tractor), il est totalement passé inaperçu. 

     En 2007, signature sur Grooveyard Records (label spécialisé en grosses guitares en mode pentatonique – non loin de la politique du Blues Bureau), qui sort dans la foulée un live (fort énergique mais pas vraiment marquant). Son Blues-rock y prend des allures plus crues et directes, plus rudes et grasses, sans être pour autant vraiment brutal. Spinner joue ici plus sur l'énergie que sur la technique (tout est relatif), aidé par une section rythmique soudée, suivant avec précision les changements de tempo et les improvisations, avec un bassiste au son lourd, qui assure comme il se doit son rôle au sein d'un power-trio ; il n'a pas la possibilité de se cacher derrière une guitare rythmique. Un live, hormis sur la reprise de « Spanish Castle Magic » (Hendrix), qui exclut les interminables soli démonstratifs .
Cet enregistrement en public présente une ambiance confinée propre aux Clubs et petites salles tenues par quelques mélomanes passionnés. Cela donne à ce Live un aspect bien vivant qui offre l'impression d'y être présent. D'autant plus que visiblement rien n'a été retouché. D'ailleurs les quelques « pains » n'ont pas été gommés, ainsi qu'une ou deux improvisations foireuses (vite rattrapées).
Pas le Live de la décade, mais un bon moment de Blues-rock explosif et sincère, même si l'on reste en dessous du niveau de ses formidables et fortement recommandables enregistrements studio.

     Suit en 2010 le bon « Rollin' and Tumblin' ». Malheureusement, il pêche par sa durée, 73 minutes, et par deux ou trois pièces moyennes. Un peu lourd à avaler d'une traite dans son intégralité. Peut être bien son album le moins réussi. Écourté, il aurait rempli toutes ses promesses.

   Par rapport à son prédécesseur, « Down Home Mojo » génère une légère impression de fraîcheur et de pertinence accrues. Une sensation certainement aussi inspirée par une production un peu plus claire et dynamique.
Les effets se sont fait plus discrets au profit de rythmiques plus chiadées. On retrouve sporadiquement la Wah-wah et le chorus, mais l'Univibe et les effets de tremolo et de vibratone (amplis Fender) sont restés au placard. Du moins en ce qui concerne les effets intégrés à l'ampli, ils sont bien plus discrets, car le son général sent plus la Fender qu'auparavant. Question guitare, Tony fait dans la simplicité : LesPaul, LesPaul, Telecaster, Stratocaster, Stratocaster et Stratocaster. (On peut le voir également avec une Gibson Explorer lorsqu'il épaule Paul Gilbert). Ainsi pour varier les plaisirs et le timbre, Tony préfère tout simplement changer de gratte, tout en ayant une prédilection pour les modèles vintage. C'est d'ailleurs ce qui doit contribuer à garder un cachet non pas « roots », mais quelque chose de coincé entre les 70's et le Blues-rock des jeunes talents des 90s.

      Tony Spinner c'est du blues-rock velu, couillu, mais jamais arrogant, ni bravache. Une mixture de Blues-rock mordant et élégant qui puise sa source dans les saintes écritures rédigées par le révérend Billy Gibbons, Alvin Lee, Joe Walsh (à l'époque de James Gang), Eric Clapton (lorsqu'il fait parler la poudre) et par les icônes sus-nommées. A rapprocher du travail de Vince Converse.
Le gars est loquace sans tomber dans le verbiage. C'est un guitar-hero stricto-sensu, pas le bravache qui se confond dans une mascarade. Sa guitare chante, parle, hurle, gémit, pleure, gémit, gazouille, s'esclaffe ; ses soli signifient toujours quelque chose. A l'instar d'un Gallagher, d'un Gibbons, d'un Trower, ils sont intégrés à la composition.
Moins coloré et épicé que Crosstown Sessions et Chiks & Guitars, ce Down Home Mojo n'en demeure pas moins une très bonne cuvée.

      Il ne manque qu'une chose qui permettrait à Spinner de s'élever vers d'autres cieux : une voix avec plus de caractère. En dépit d'un chant juste, son timbre (pouvant évoquer un Clapton de 22-25 ans à peine nasillard et légèrement plus aiguë), qui ne manque pas de personnalité, souffre, à mon sens, d'une carence en puissance et en force. Il y a pénurie de fréquences graves et de velour. Grand fan de Gallagher, il s'obstine à assurer seul le rôle de leader, guitariste et chanteur. Or, il lui suffirait d'un James Dewear ou d'un Noah Hunt pour qu'il puisse jouer les comètes autour de la planète.

     Presque simultanément, est sorti un CD regroupant des compositions issues des séances d'enregistrements de 94 à 2011, « Rare Tracks ». Des pièces abouties (donc pas des démos) mais non retenues lors de la sélection finale. Il démontre que finalement, alors que chacun de ses disques parait mettre l'accent plus sur une chose ou l'autre, Tony Spinner a bien un style propre et qu'il s'y tient, sans que pour autant on ait l'impression que cela soit du réchauffé. A noter, un « The Younger I Get » très fortement inspiré (pour ne pas dire autre chose) du « Effigy » de Creedence, et les reprises d'Hendrix, de Robin Trower, de Tommy Bolin et le « Steppin' Out » de James Bracken (fondateur de Vee-Jay Records) popularisé par Clapton avec les Bluesbreakers (et plus tard repris par Blackmore pour « Lazy »), qui confortent les influences supposées. 




Et un p'tit coup en live, juste histoire de démontrer que Spinner n'assure pas seulement en studio.

5 commentaires:

  1. Dans les extraits présentés (très bien ce p'tit boogie en second...) je trouve la voix tout à fait à sa place, en adéquation avec le son, le volume du trio. Ce n'est pas l'organe du siècle, certes, mais je trouve qu'il s'en sort bien !

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  2. Oui, tu as tout à fait raison. Spinner, (j'aurais dû le préciser), sait placer sa voix en fonction des chansons. Il doit connaître ses limites, et, en fonction, ne force donc jamais sa voix outre mesure. Même pas en live.
    Paul Gilbert a dit aimer sa voix et qu'il trouvait qu'elle avait un petit côté Soul. Sur sa reprise de "Bell Bottom Blues" (sur Rare Tracks) il est bluffant.
    Toutefois, pour être objectif, si sur cet opus tout est bon, et même parfois fameux, il ne manque qu'un comparse qui l'aiderait à varier les tonalités vocales ; ou à l'appuyer. Et là, là, cela pourrait faire très mal.

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  3. Il aime les chats donc j'adore le style de gratte...

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  4. gege_blues18/11/12 20:55

    Merci de parler de cet excellent guitariste plein de mordant, j'adore son jeu de guitare,incisif, burné, inspiré, qu'il développe avec un de ces feeling !!!!!

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    1. Yo GéGé !
      Tout à fait d'accord.
      Injustement méconnu, d'autant plus en comparaison de certains plus ou moins médiatisé (par la presse spécialisée - rien évidemment sur les chaînes "musicales" ou autres médias de masse -) qui sont loin d'avoir son feeling, sa technique et son humilité.

      On le retrouve encore sur les prises lives du dernier Paul Gilbert, "Vibrato", dont une reprise tonitruante de "Go Down" des Australiens.

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