LE CINEASTE CLAUDE MILLER EST MORT (1942-2012) par Luc B.

Avec la mort de Claude Miller, on perd certainement un de nos plus grands cinéastes post Nouvelle Vague. Son parcours est classique : école de cinéma, et assistant réalisateur. Il travaille ainsi très tôt avec Marcel Carné, Bresson, Deville, Godard, mais c’est surtout sa rencontre avec François Truffaut qui va le marquer. On a souvent entendu dire de Miller qu’il était une sorte de fils spirituel de Truffaut. Ils partageaient ensemble le goût du romanesque, de l’enfance, de l’intime, des secrets, des traumatismes enfouis, et du cinéma…

Claude Miller commence sa carrière avec LA MEILLEURE FACON DE MARCHER, avec Patrick Dewaere, Patrick Bouchitey et la divine et fragile Christine Pascal. Un film d’une force émotionnelle rare, violent, dur, on se souvient de Bouchitey travesti, victime des quolibets des autres moniteurs de colos. En 1981, c’est GARDE A VUE. Sans doute un des plus grands films français de ces 40 dernières années, on ne se lasse pas de voir et revoir cette partition tricotée par Michel Audiard, pour trois Stradivarius : Ventura, Serrault, Marchand. Un polar, odieux, tendu, en huis-clos, l’espace d’une nuit au poste de police. Deux ans plus tard, c’est RANDONNÉE MORTELLE, autre polar, hommage au Film Noir, avec un Serrault détective ambigu et abject à souhait, un film très stylisé, nocturne, sanglant, et qui garde aussi la gouaille du cinéma français classique (dû à son passage chez Carné ?), avec le tandem Guy Marchand- Stéphane Audran. Isabelle Adjani (ex égérie de Truffaut) y est radieuse, admirablement photographiée. 

En 1985, très gros succès avec L’EFFRONTEE, un film d’apparence légère, sur l’adolescence, la découverte du sentiment amoureux, mais qui vire à la tragédie. Poignant. On y découvre la jeune Charlotte Gainsbourg, mais surtout,  le couple Nouvelle Vague par excellence, Brialy et Bernadette Lafont. Claude Miller retrouve Gainsbourg dans LA PETITE VOLEUSE. Vous en connaissez beaucoup des cinéastes capables d’aligner en 10 ans de tels films ? Pialat, oui, Téchiné, Sautet, oui... mais combien d'autres ?

On sera indulgent avec LE SOURIRE, même si on y a le plaisir d’y voir le grand Jean Pierre Marielle, mais on en retient essentiellement le cul d’Emmanuelle Seigner, centre d’intérêt des personnages, du cinéaste… et des spectateurs ! En 1998 c’est CLASSE DE NEIGE, et encore les thèmes de l’enfance, du trauma, en 2001 BETTY FISHER, retour au polar psychologique kaléidoscopique avec Nicole Garcia, et en 2003 c’est LA PETITE LILI, que j’avais adoré, avec en quasi débutante l’exquise Ludivine Sagnier, (divinement filmée à l’état « naturel »…) qui perçait l’écran et troublait les quadras que nous étions, mais aussi Marielle, Giraudeau, Nicole Garcia, le fils Stévenin… Un film sombre et grave, récit initiatique, sentimental, filmé dans une campagne radieuse et ensoleillée, et doublé d’une réflexion sur le cinéma et la création. Sans doute son dernier grand film.

LE SECRET, en 2007, était sans doute un peu en dessous de ce qu’on attendait, faute, à mon sens, à Patrick Bruel (désolé pour les fans) qui n’est pas un bon comédien, et qui plombe le film à lui tout seul, alors que Julie Depardieu ou Cécile de France étaient formidables, l'histoire profonde, toute en résonance. Avec ce film, Claude Miller parle aussi de la guerre, de déportation, d’Occupation, thème qui a traversé aussi son œuvre, lui l’enfant de juif, né en 1942, et dont le père communiste refusa de porter l’étoile jaune.

Je ne connais pas les films suivants de Claude Miller, qui venait de finir THERESE D, d’après Mauriac, avec Gilles Lellouche, et qui devrait sortir en fin d’année…

On se regarde une scène de GARDE A VUE. Quelqu’un connait-il un film aussi réussi et "parfait" que celui-ci ?