mercredi 22 février 2012

RIVAL SONS "Pressure And Time" -2011- (Bruno)


     Rival Sons pose l'éternel sujet controversé de savoir si oui ou non une formation ou un musicien peuvent reprendre à leur compte un héritage passé (pas nécessairement révolu), basé sur le travail de musiciens qui ont finalement établi, créé, ce que l'on pourrait nommer un patrimoine. Une entité acoustique totalement assimilée à leur fondateur. C'est en partie aussi le débat, toujours d'actualité, de la récupération du Blues, et de ses ramifications.

     Led Zeppelin, en l'occurrence, fut mis sur la sellette par des créateurs heureusement encore vivants, pour recueillir un minimum du fruit de leur travail, et pour avoir en toute légitimité leur nom inscrit aux côtés de ces habiles, talentueux et opportunistes archivistes.
Depuis quelques années, voire depuis toujours, c'est maintenant le Dirigeable qui est pillé et utilisé de toutes parts par divers groupes, dont certains sont parfois bien incapables de dépasser leurs influences pour se forger leur propre personnalité (retour des choses, ou bien, creuset culturel identique ?).
 

     Rival Sons
, pour beaucoup, fait partie du lot. Pourtant, leur premier essai, auto-produit, « Before the Fire », sonnait plus Heavy-rock-psyché-noisy-pop (?) que franchement Led Zep. Même si, ici ou là, certains mouvements étaient assez proche de la copie conforme. Peut-être parce que, par ailleurs, on pouvait recenser d'autres sources , tel que Pink-Floyd, Free, Who, Beatles même (ère 67-69), ainsi que quelques bribes du Jimi Hendrix Experience, de Creedence et de Stereophonics. Cependant, le petit dernier y fait souvent référence, et pas qu'un peu. Cette fois-ci bien plus par l'atmosphère, l'ambiance et la mise en place (-"le style, quoi"-) que par quelques pillage de riffs. En effet, depuis que Rival Sons a inséré de la respiration et de la retenue dans sa musique (du moins pour les meilleures pièces), nombre de compositions ont pris une tournure qui fait irrémédiablement songer au fameux quatuor.

     Le timbre et les inflexions de la voix de Jay Buchanan ont une part prépondérante dans cette référence, bien qu'il ne donne jamais l'impression d'imiter ou de singer Robert Plant. Finalement, on pourrait tout aussi bien écrire qu'il plagie Steve Marriott, et plus encore Ian Atsbury (à qui il ressemble un peu physiquement, moins qu'à Jim Morrison. Un p'tit peu de Coverdale jeune également, mais on s'en fout).
     Le batteur, de son côté, possède la frappe et le groove de John Bonham. Cela a souvent été écrit dès qu'un nouveau cogneur, un tant soit peu bon, faisait son apparition (ou alors c'était le nouveau Ian Paice, ou Cozy Powell). Et la comparaison a rarement été vraiment justifiée. Cependant aujourd'hui, il y a ce Michael Miley qui semble posséder assez de talent pour supporter le rapprochement. Il fait partie de ceux qui peuvent porter ou élever à eux seuls une composition. Ce gars-là, c'est le poumon d'acier, le moteur, les fondations sans lesquels Rival Sons aurait bien du mal à s'imposer. Du moins pour les titres Heavy, car apparemment, leurs prestations acoustiques prouvent que ces gus savent assurer sans le soutien de la fée électrique. Pas à la façon un peu « foutage de gueule » des unplegged de MTV, où les groupes employaient des instruments électro-acoustiques, mais bien sans filet. Le bassiste employant alors une contrebasse, et le guitariste une National sur des titres à l'origine foncièrement Heavy. Seul le chanteur garde un micro (manque de coffre ?). Preuve à l'appui, le concert offert à la station St-Pancras à Londres, The Station Sessions, le 8 décembre dernier (Ha... Londres, dans certains quartiers et rues, la musique semble y foisonner de toutes parts). D'ailleurs, leurs prestations acoustiques sont également intéressantes dans le sens où elles exposent leur héritage folk et blues (et pas nécessairement Zeppelien).

     Robin Everhart
n'est pas un bassiste qui se contente de faire de la figuration. A l'instar des grands des 70's, comme par exemple John Paul Jones, Gregg Ridley, Andy Fraser, Félix Pappalardi, il ne se calque pas impérativement sur la guitare pour apporter un groove indéfectible et hypnotique. Il possède déjà un passif en ayant joué dans le domaine du jazz avec Gary Melvin, de celui multiformes, parfois expérimental, de Cameron Morgan, et du folk avec Tony Lucca.

     Reste Scott Holiday (Gibson Firebird et Fender Jazzmaster), un guitariste qui montre parfois quelques lacunes ; notamment en solo, où il se pare généralement d'une grosse fuzz pour cacher ses carences (mais est-ce réellement le cas ?). Certains soli, malheureusement, peuvent même paraître déplacés, inadéquats. Un effet recherché pour une approche psychédélique ? Certaines séquences filmées le montrent dans une « position inconfortable » au moment fatidique du solo. Pourtant, pourtant, cet Holiday sait s'y prendre pour pondre des riffs concis, efficaces et inaltérables. Mais pas que. Il semble avoir compris et assimilé la science d'un certain James Patrick Page pour élaborer des arpèges soyeux et feutrés sur guitare électrique. Évitant soigneusement le côté froid et plat que peut aisément procurer cet instrument dans ce registre.

Oui, tout ça c'est bien beau, mais finalement, ce disque, il est bon ou pas ?

A vrai dire ? Oui. Si certaine pièces me paraissent superflues, il y en a d'autres qui méritent à elles seules l'acquisition de l'objet. A ce titre, on peut relever les suivants :
- Young Love qui fait ressurgir le meilleur du swinging London, entre les Yardbirds, les Who, Cream et les Them. Ça pulse, rebondit dans tous les sens et aurait fait le bonheur des dancefloors de 64 à 77 (au-delà même).
- Pressure And Time enfonce le clou. Avec ce dernier on peut difficilement nier la filiation avec le Dirigeable tant le chant de Buchanan et la batterie de Miley nous ramènent au souvenir du prestigieux quatuor. Une pièce de choix, malgré le solo, heureusement fort court. Comme il est plaisant d'entendre un batteur cumulant groove et force de frappe sans avoir recours aux sempiternels roulements (certains croyant que pour s'accommoder au registre dit Heavy ou Hard, il fallait impérativement se parer de roulements intempestifs). On pourrait aussi bien citer Free comme facteur de comparaison.
- Only One reste dans la même sphère. Plus vraiment du Hard-Rock à proprement parler, cependant là encore, les nappes de B3, le chant et les lignes de guitares évoquent irrémédiablement des titres tels que « Rain Song », « Your Time is gonna Come », « Ten Years Gone ».
- Get mine, un brutal Heavy-rock aux senteurs psychés, avec un pont dont le riff sonne comme J.J. Goldman (remember : Ta! Tin! – J'ai trop craquééé – Tin! Ta! – Sur les Gibson...).


- Face of Light, une totale réussite. Le genre de composition imparable que l'on peut écouter en boucle sans lassitude. Une ballade (rock ?) sans effets larmoyants ou ostentatoires poussés ; c'est joué avec justesse et retenue. Ni chœurs, ni violons, ni cuivres, juste quelque nappes (de Wurlitzer ?) à peine audibles. On regrette que cela ne s'étire pas d'avantage, pour prolonger le plaisir.
- All Over the Road (qui ouvre l'opus), Heavy-power-pop-psyché-60's de bonne tenue. Pièce pourvue du meilleur solo de Scott, reposant sur une gamme classique pentatonique mais qui sonne bien mieux que les autres.
On peut repêcher Burn Down in Los Angeles, remake du « Safe in New-York City », des australo-écossais, en mode Heavy-psyché brutal ? Un tantinet linéaire, toutefois, j'ai vu un gars s'emparer fébrilement du CD à son écoute.

     A mon sens, les trois chansons précédant l'excellent final grèvent passablement l'ensemble avec leur registre penchant vers un Heavy-rock-noisy-psyché ; pas mauvais mais peut-être convenant plus au public d'un Sonic Youth ou d'un Pixies.

     A noter quelques belles paroles colorées et imagées, entre poésie et pensée contestataire, évoquant autant l'amour que la sensation d'injustice face à une société qu'ils rejettent.

     La durée totale de l'album fera fuir bon nombre d'auditeurs, (notamment ceux qui confondent quantité et qualité). Les trente minutes semblant, à juste titre, bien minces pour un ensemble de dix titres. Pourtant, à l'écoute, ce n'est pas quelque chose qui choque, même si effectivement, certaines pièces auraient mérité un développement (toutefois, le mieux peut être l'ennemi du bien). Rappelons que bon nombre de classiques des années 60 et 70 gravitaient autour des 35 minutes. Le souci notable est qu'il est possible de se retrouver en train de zapper, voire même de programmer le mange-CD, afin de ne garder que le meilleur, réduisant ainsi considérablement la matière. Est-ce une raison pour occulter « Pressure And Time » et passer à côté du répertoire mentionné plus haut ? Je ne le pense pas.
Un disque inégal certes, mais pourvu de belles petites perles (qui font irrémédiablement remonter la moyenne).


Ha ! J'oubliais... Rival Sons, bien que l'on puisse jurer le contraire, n'est pas un groupe Londonien, ni même Anglais, mais Angelin (Los Angeles). 

Mention spéciale pour l'artwork  très réussi. La pochette est une création de Storm Thorgerson, fondateur avec Aubrey Powell de la célèbre entreprise de graphisme : Hipgnosis. Reconnue notamment pour la conception des pochettes de Pink Floyd, Wishbone Ash, Bad Company, 10cc, Wings, Renaissance, U.F.O., E.L.O., Peter Gabriel et... Led Zeppelin.

Remerciements à Serpens Albus pour la découverte.









Le clip du titre ouvrant l'album, chargé de références, de stéréotypes et de second degré. 

3 commentaires:

  1. Loin de moi l'idée de rendre à César ce qui est à césar mais j'avais déjà commenté Rival Sons sur mon blog bien avant le serpent blanc, soit c'était " Before the Fire" mais bon...
    Pour moi, himself, ma gueule quoi, je trouve le son assez dénaturé pour cette production ? cela provient peut être du label ? Label qui produit plutôt des groupes au son inaudible ??

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  2. En fait j'avais écouté auparavant "Before the Fire" sur le net (un des plus mauvais supports), certainement suite à un commentaire ou un lien d'un blog ; le tien peut-être. Toutefois, je n'avais pas été totalement séduit. J'ai redécouvert ce groupe avec la chronique de S.A., et le clip de "Pressure And Time". J'ai enchaîné avec "Before the Fire", qui, finalement, m'a bien plus mais pas autant. Il y a du très bon, comme "Memphis Sun", "The Man who wasn't there", "Angel", "On my Way", mais, à mon sens, rien qui n'égale "Face the Light", "Pressure & Time", "Only One".
    Le son dénaturé ? Je ne sais pas. Le mix de la batterie me paraît excellent, la basse aurait pu être mise un chouïa plus en avant (quoique). Par contre je trouve que la fuzz de la guitare s'approche du criard (mais bon, c'est une Fuzz), notamment les trois avant-dernières.

    Je ne connais pas leur label.

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  3. Leur auto production reste une auto production, un peu comme les groupes qui ont pondu leur premier lp enregistré dans un garage... Je ne sais pas...il y a quelque chose qui me dérange "Louis" lorsque je passe ce CD, c'est pour cela que j'émettais un doute sur le Label. Sinon c'est un bon groupe qui en a encore sous le sabot je pense.

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