The ogre is still alive
A 66 ans, Leslie Weinstein a réalisé son douzième disque studio solo. Ou onzième si l'on exclut celui qui est baptisé "Mountain", parfois inclus dans la discographie du groupe du même nom.
Et on peut dire que loin d'être un disque de rocker à la retraite, Leslie West a toujours le feu sacré pour faire rugir sa guitare, et éructer avec une aisance déconcertante qui doit déstabiliser encore bien des jeunes prétendants. Sa voix, le grain de ses guitares (dans son cas le terme « grâouh » convient parfaitement) et sa corpulence (même s'il a perdu pas mal de poids depuis les années 70 et 80) le maintiennent au statut d'Ogre du Heavy-rock.
Nanti d'une production énorme (réalisée par Fabrizio Grossi, également bassiste), le disque fait mouche d'entrée avec « One More Drink For More ». Un Boogie-rock mis en place par un piano simplifié à l'extrême (deux notes répétitives ponctuées d'un accord toutes les mesures), et une rythmique boogie-ZZ-Hooker-blues jouée à la guitare acoustique par un Steve Lukather on ne peut plus sobre ; presque subliminal tant on a du mal à l'entendre. Lorsque, tel un géant nonchalant, Leslie entre en scène, on sait qui est le maître des lieux. Sa voix, sans forcer, impose, s'impose. Quant à la guitare, à la manière du Blues, elle sert de réponse, et/ou de prolongation au chant, avec ces licks en mode Hard-Blues. Hard-Blues, voilà un terme qui convient on ne peut mieux à ce géant américain. Très imprégné de Cream et du Blues le plus lourd des 60's, Leslie West a été avec Mountain l'un des pères fondateurs du Heavy-Metal par l'utilisation du riff binaire et d'une puissance alors rarement atteinte. Mais attention, Mountain ne se résume pas à ça. A savoir que dès son premier groupe, The Vagrants (65-68), Leslie apparemment à l'étroit dans ce groupe de Garage-pop-rock non dénué d'intérêt, faisait déjà preuve sur scène d'une belle énergie.
« Mud Flap Momma », un pur Hard-Blues hargneux mid-tempo marqué au fer rouge de la patte du maître, avec slide épaisse. Slash apporte son concours pour choruser de concert.
« To The Moon », débute comme une ballade aux accents rappelant en filigrane « Paint It Black », mais est brusquement malmenée par une agression sonore (il aime ça, le père Leslie). On nage dans une ambiance chère à Mountain, alternant entre des mouvements folk-rock et d'autres foncièrement Heavy. Pas étonnant car Leslie l'aurait écrite à l'époque où il jouait avec le grand Félix Pappalardi. D'ailleurs les lignes de basse de ce titre rappellent son jeu.
« Standing on Higher Ground », le clou de l'album ! Ouch ! Un titre qui déménage et remu les tripes. Un Boogie-Hard-blues imposant, en mid-tempo, qui aurait pu figurer sur le « Rhythmeen » ou le « Rio Grande Mud », voire « Recycler » des barbus texans, et pour cause. Le révérend Billy F.Gibbons a co-écrit cette pièce, et y joue de la gratte, en plus de faire le choriste. Les styles des deux lascars, chant & guitare, se marient à merveille. Les collaborations du révérend sont rares mais toujours de qualité. Allez, encore un p'tit coup, j'm'en lasse pas, c'est tellement bon. Un grand titre de Hard-boogie-blues qui remue.
« Third Degree », la reprise d'Eddie Boyd-Willie Dixon, en mode poids-lourd. Les puristes sortent déjà les fourches et les torches en scandant "Hérésie !!!". Leslie avait été invité par Joe Bonamassa pour jouer sur « If Heartaches were Nickels » (de Warren Haynes) sur son premier album, « A New Day Yesterday ». Leslie a donc avec plaisir renvoyé l'ascenseur en conviant à son tour Joe à un duo. Ce dernier aurait insisté pour reprendre ce titre, mais dans la version de West, Bruce & Laing (album Why Don't Cha (lien)), arguant que c'était une de ses chansons préférées.
La version de West, Bruce & Laing étant chantée en duo, Joe prend la place de Jack Bruce au micro, et, à la gratte, essaye de se calquer sur le jeu de West. Certes, un bon titre, toutefois elle n'atteint pas les sommets de la version de 72. L'absence de Jack Bruce certainement. La basse est un peu en retrait.
Ceux qui connaissent la version du power-trio pourront trouver à redire ; les autres, pourvu qu'ils ne soient pas réfractaires aux Gibsons brutalisant les gros amplis Marshall, devraient adorer.
« Legend », est une composition écrite il y a 30 ans par son vieux pote de lycée, Joe Pizza. En bref, une chanson légendaire ne fait pas nécessairement de son compositeur un être légendaire. Un peu égocentrique, mais néanmoins réaliste. Un joli solo bien mélodique, mais un ensemble faiblard. Cela permet néanmoins de se reposer les esgourdes après la furia sonore précédente.
Retour aux watts avec « Nothing's Changed ». Son pote, le barbare Zakk Wylde, est venu prêter main-forte (sans jeu de mots vu le tour de bras) sur ce Loud-Heavy-rock aux parfums AC/DC qui ne fait pas dans la dentelle. Ce n'est pas le but ! Malheureusement, les soli de Wylde sont à côté de la plaque. Il balance à toute berzingue des dérapages (in)contrôlé hors tempo, qui effleurent parfois le style Kerry King ou Dimebag Barrell. Soit hors propos.
« I Feel Fine », une sympathique reprise boostée des Beatles. Discutable mais qui a au moins l'avantage de ne pas être une copie conforme.
« Love You Forever », à situer entre The Cult et le dernier Slash. Une leçon de Heavy-rock consistant, sans faux col, ne délaissant pas pour autant un certain côté mélodique.
Sur « My Gravity », Leslie chante, seulement accompagné de sa guitare qui égrène des arpèges enrobés de saturation crémeuse. En fait, il y a deux pistes. Une reprenant un arpège branché en mode saturax position midi, et une lead, alternant entre doublages, petits licks, et un chorus travaillé par des bends.
« The Party's Over » de Willie Nelson, comme un bon vieux Rock aux accents Southern. Guitare acoustique et chant, juste ponctué de claquements de mains en guise de tempo, sur lesquelles se greffent successivement, à la bonne franquette, des petits chorus des messieurs Slash, West et Zakk Wylde.
« I Don't Know (The Beetlejuice Song) » clôture fort mal l'album. On ne sait s'il s'agit d'une blague de mauvais goût ou d'un massacre pur et simple. Une bouillie Punk-rock avec un ersatz de Johnny Rotten en bordé en guise de chant. A oublier.
Conclusion : à écouter à doooonnnnfff !!!!!!!!! Une (ou deux) bonne(s) bière(s) à la main, et faites péter les watts. Décalaminage de conduit auditif assuré (non garantie passé la soixantaine).
de G. à D. : Steve Lukather, Leslie West et Zakk Wylde |
A noter la présence de Kenny Aronoff, l'infatigable batteur au C.V impressionnant (Mellecamp, Mitch Ryder, Brian setzer, Tommy Conwell, Elton John, Daryl Hall & Oates, Dylan, Iggy, Junk Yard, Chris Isaak, Aldo Nova, James McMurtry, Debert McClinton, Tony Carey, Meat Loaf, Corey Hart, Eddie Money, Joe Cocker, John Fogerty, Bone Shakers, Melissa Etheridge, Lynyrd Skynyrd, Iommi, Michelle Branch, Jimmy Barnes, Bo Deans, ouf... et y'en a encore d'autres !).
Cet album a failli paraître à titre posthume. En effet, pendant un trajet en avion, lors de l'atterrissage, à cause de son diabète, un caillot de sang s'est formé dans sa jambe droite. Leslie est tombé dans le coma. Les médecins n'arrivant pas à résorber le caillot ont dû procéder en urgence à l'amputation de sa jambe.
Pour l'instant dans un fauteuil roulant, Leslie n'en a pas pour autant laissé tomber sa guitare, notamment pour jammer avec des fans sur un Blues éculé.
Le coin matos : Leslie est depuis quelque temps endossé par la marque Dean, et a maintenant quelques modèles signatures (dont les prix sont très abordables). Ils sont généralement équipés d'un seul micro humbucker en position chevalet. Le micro baptisé MOT (Mountain of Tone – tout un programme -) est conçu par Dean pour répondre aux exigences de West ; soit proche d'un P90 avec cependant une sensibilité et une puissance accrues. Le MOT est un Humbucker avec capot. (Ses guitares de prédilection ont été pendant longtemps une LesPaul Junior à un seul P90, et une Flying V également montée de P90). West a toujours préféré les guitares robustes, sûres et sans chichis. Et pour plus de précisions, lire l'article d'un vrai pro, certifié et agrégé docteur ès-Riff : Dean Leslie West Standard (<- lien).
Il existe un modèle Dean à deux micros humbucker.
Pour la slide il utilise son antique Dan Amstrong en plexiglas transparent.
Il a adopté les amplis américains Budda, réputés pour leur puissance et le taux de distorsion qu'il peuvent délivrer, sans être brouillon.
Pour les effets, essentiellement, une Overdrive OCD de chez Fulltone, une vieille Ibanez Tube Screamer et une TC Electronic pour le Chorus
Oh Damned !!! Ce que ça joue !!!
RépondreSupprimerComme d' Hab... article impeccable !
RépondreSupprimerWest, Bruce & Laing "Why Don't Cha" ca c'était pas de la branlette musicale !
Ton com est plus que convaicant! Je vais donc écouter cela de + près, et comme la soixantaine c'est dans 3 mois pour moi, faut que je me grouille pour le décalaminage du conduit auditif (si tant est que j'en ai besoin!)
RépondreSupprimerDans la foulée je m'en vais quérir le West Bruce et Laing! Amicalement