Je ne sais pas vous, mais moi, je trouve que ça sent le sapin. Non, je vous rassure, Kirk Douglas va bien, presque mieux que son fils d’ailleurs… J'veux dire, ça sent le sapin et les guirlandes. On se gratte le crâne : que vais-je commander au gros barbu ? Que vais-je offrir à tonton Robert qui s'invite tous les ans ? Ben si vous aimez le cinéma, les films de gangsters en particulier, ceux qui ont fait la gloire du genre dans les années trente, ce coffret sorti il y a quelques temps (2005) devrait répondre à vos attentes…
Le Film Noir, nous l’avons déjà évoqué sur le Déblocnot (Foxy, Freddiejazz, Rockin' ou moi, on est assez fan !), et notamment dans l'intro d'ASSURANCE SUR LA MORT (voir le lien à la fin de cet article). Historiquement, le Film de Gangsters précède le Film Noir, et en est devenu un sous-genre. Flash-back rapide : la crise de 1929, la misère, le chômage, la prohibition, Roosevelt et le New Deal, montée de la violence sociale, les voyous qui défraient la chronique (Bonnie and Clyde, Dillinger…) et deviennent de véritables héros populaires. Hollywood s’empare du phénomène et propose au public une série de films réalistes et violents. Les moyens alloués ne sont pas énormes, donc on va à l'essentiel, on frise parfois la série B. Mais à l’approche de 1940, on apprécie moins ses nouveaux héros qui se fichent de la morale, à l'heure où on parle de repartir en guerre sauver la démocratie. Les voyous seront supplantés par des flics, des détectives privés, des journalistes, dans des productions plus désabusées, cyniques et sombres. Il est aussi intéressant de noter que ces productions sont contemporaines des faits relatés. On ne cherche pas à créer le mythe, mais à rendre compte d'une réalité. Au contraire des Michael Mann (L'ENNEMI PUBLIC avec Johnny Depp) Ethan et Joel Coen (MILLER'S CROSSING) ou même JF Richet (MESRINE avec Vincent Cassel), les véritables figures du gangstérisme étaient toujours en activité, les Capone, Nitti, Dillinger étaient bien souvent leur propres spectateurs. Dillinger s'est d'ailleurs fait coffrer dans une salle de cinéma, alors qu'il regardait L'ENNEMI PUBLIC N°1, une version de 1934 avec Clark Gable !
Je ne vais pas passer en revue les six films de ce coffret, qui font la part belle à l’acteur James Cagney, qui a défini les codes du genre. LES ANGES AUX FIGURES SALES (1938), réalisé par Michael Curtiz, avec Humphrey Bogart, James Cagney, Pat O’Brien, et LA FORET PÉTRIFIÉE (1936) de Archie Mayo, avec Leslie Howard, Bette Davis et Humphrey Bogart sont deux productions intéressantes, mais mineures comparées aux quatre autres métrages proposés. LA FORET PÉTRIFIÉE s'inspire d'une pièce de théâtre, et garde l'idée du huit-clos (prise d'otage) dans un restau paumé en plein désert. Bogart y trouve son premier grand rôle de salaud, il y est particulièrement féroce, bestial et odieux. Ces deux films valent le coup, mais ne restent pas dans les annales, au contraire des suivants.
LE PETIT CÉSAR (1931) précède de peu SCARFACE de Howard Hawks, et peut donc être considéré comme le premier film de gangsters moderne. Le film est tiré du roman à succès éponyme de William R. Burnett. Le bouquin comme le film sont donc contemporains du personnage dont ils s'inspirent ouvertement : Al Capone. C’est quasiment un manifeste du film de gangster, ascension et chute d’un caïd trop confiant et assoiffé de pouvoir. Mervyn LeRoy est à la réalisation, et Edward G. Robinson interprète Rico. Rico aime la célébrité sans doute plus que l’argent. Il envie le succès des autres, auxquels il rêve de ressembler. Il nourrit un complexe d'infériorité, veut s'émanciper, rejette son ami Tony, rêve d’être calife à la place du calife… C'est toute la psychologie du gangsters qui prend forme dans ce film (et le livre, hautement recommandé aussi) qui servira de modèle aux suivants. Edward G. Robinson crée un personnage malfaisant, une boule de nerf (on pense à Joe Pesci chez Scorsese), qui lâché par tous, continuera à y croire… « is this the end of Rico ? » s’interroge-t-il dans un dernier soupir, le corps criblé de balles… Une mise en scène sans doute trop classique, ne permet pas selon moi au film d’accéder au titre de chef d’oeuvre, mais sa place dans l’histoire est de première importance.
L’ENNEMI PUBLIC (1931) est à mon sens encore plus fort, c’est sans doute le modèle absolu du film de gangsters. Réalisé par William Wellman, il propose à James Cagney un de ses rôles les plus mémorables. La toile de fond politique et sociale est très présente, on suit le personnage de Tom Powers depuis son enfance, avec son copain, leur premier job, leur ascension dans la pègre. La mise en scène de Wellman est d’une modernité incroyable, plans magnifiquement composés, mouvements d’appareil, angles de prise de vue ingénieux. Le rythme ne faiblit pas. Et à l’écran, se déchaine James Cagney, irascible, grotesque, violent, un débit de parole sur multiplié, le regard fou, la tignasse en bataille, un jeu très moderne pour l’époque. On croise aussi Jean Harlow, un peu nunuche, mais qui donne une scène d’anthologie assise sur les genoux de Gagney. Des scènes de légendes, ce film en regorge, l’assassinat du cheval (sic !), lorsque Cagney écrase un demi-pamplemousse au visage de sa partenaire (une impro de tournage visiblement !), le règlement de compte hors champ où seul le crépitement des balles et les hurlements rendent compte de la violence du carnage, le hold-up dans l'entrepôt de fourrures, et cette image terrifiante de Cagney ligoté comme une momie sur un brancard… L’ENNEMI PUBLIC est un chef d’œuvre de nerf, de maîtrise, d’interprétation. Inoubliable.
LES FANTASTIQUES ANNÉES 20 (1938) est un autre classique indémodable, avec James Cagney et Humphrey Bogart. Une réalisation de Raoul Walsh qui revient aussi sur l’arrière fond social (une approche assez documentaire, des images d’archives) avec le retour en Amérique des soldats de 14-18, qui ne retrouvent pas leur boulot. Eddie Bartlett accepte donc de faire le taxi, puis le coursier pour la Pègre, et découvre les bienfaits de la prohibition. Si le scénario ne propose rien de neuf concernant la construction du récit, on y trouve un double intérêt. L’aspect documentaire, et les tiraillements d'un héros avec sa conscience et ses sentiments. Côté mise en scène, c'est simple : pieds au plancher. Eddie retrouve ses deux copains vétérans, deux figures opposées (qui pourraient être les deux faces d’un même homme : lui-même), Llyod devenu avocat, et George (Bogart) trafiquant. Eddie est tiraillé aussi entre deux superbes personnages de femmes, notamment Panama la tenancière, l’amie fidèle, amoureuse platonique et dévouée, qui nous rappelle Marlène Dietrich dans LA SOIF DU MAL. Le personnage de Eddie navigue en eau trouble, Cagney donne une interprétation plus sensible, moins bestiale, il est éblouissant dans les dernières scènes, fatigué, lessivé, Bogart est évidemment odieux, d’un cynisme total. L’action proprement dite ne démarre pas tout de suite, mais quand ça commence à castagner, y’a des dégâts ! La dernière scène, sous la neige, a des airs de tragédies antiques. Film tendre, nostalgique, haletant, et très ancré dans une réalité sociale. Un must, une fois de plus.
L'ENFER EST A LUI (1949). L'époque n'est plus aux films de gangsters, mais Raoul Walsh fait renaître le genre, et offre à James Cagney son rôle le plus mythique. Il y joue Cody Jarret, psychopathe irascible à la tête d'un gang, et dévoué corps et âme à sa mère. Il peut flinguer un pote et ensuite pleurnicher dans les jupons de sa maman pour cause de migraine. Cody préfère purger une petite peine de prison pour faire diversion, et la police lui colle un mouchard dans sa cellule. C'est le début d'une longue traque pour la police qui cherche à coincer Cody et sa bande. Hold-up, poursuite, trahisons, fusillades, ça flingue à tout va. Une leçon de mise en scène, sans cesse sous tension, un scénario aux multiples rebondissements. James Cagney est étourdissant, son personnage dégage une violence inouïe notamment dans la célèbre scène du réfectoire de la prison, où comme devenu fou, il casse la gueule à tous les matons (les figurants n'avaient pas été prévenus, la scène fut tournée en une seule prise...). On se souvient évidemment de l'épilogue apocalyptique dans l’usine pétrochimique en flamme, Cagney hurlant « Made it Ma, top of the world ! » comme un dernier bras d’honneur avant de tirer sa révérence. Les personnages de Cagney ne finissaient pas beaucoup de film en vie... Virginia Mayo (qui n'aurait pas du fricoter en l'absence de son boss de mec...) et Edmond O’Brien (le flic infiltré) complètent une distribution impeccable. L’ENFER EST A LUI est devenu avec le temps le mètre étalon du genre, dont la violence et le cynisme laissent pantois.
Vraiment que du bon dans ce coffret, dont deux chefs d'oeuvre, l'occasion de découvrir un Bogart pas encore star, et le prodigieux talent de James Cagney. Les films (au format d'origine 1:37, et VOST) sont complétés par des bonus intéressants qui reviennent sur l'époque, les protagonistes, les tournages. On est frappé par la sécheresse et la violence de ces réalisations, à l'image de ce carton pré-générique de L'ENNEMI PUBLIC qui indique lors de sa sortie en 1931 que "les faits relatés sont réels et reflètent la violence urbaine", et lors de sa reprise dans les années 50, que "les personnages montrés sont des voyous, la production décline toute responsabilité sur l'influence qu'ils pourraient avoir sur le jeune public"... A ceux qui se pâment devant les élucubrations d'Al Pacino dans le SCARFACE de Brian de Palma (loin de moi l'idée de dénigrer le talent de Pacino...), qu'ils jettent un œil sur ce qui se faisait dans le genre 50 ans plus tôt. Ils constateront que Tony Montana n'a rien a envier aux Cody, Rico ou Tom, qu'il n'en est qu'une photocopie couleur, et que De Palma doit tout à ses ainés, mais ça, on le sait depuis longtemps ! Il manque évidement le SCARFACE d'Howard Hawks, (non produit par la Warner, d'où son absence) mais qui doit figurer lui aussi au panthéon du genre. Un coffret, six films, 27569 cartouches tirées, à peu près 350 cadavres... quand je disais que ça sentait le sapin...
Un extrait célèbre de L'enfer est à lui (White Heat en VO) : Cagney, en taule, demande aux codétenus s'ils ont des nouvelles de l'extérieur, et de sa mère. La réponse lui arrive aux oreilles... Voyez comme Raoul Walsh privilégie le plan large, les hurlements de Cagney résonnant d'autant plus, face à la masse des détenus gentiment assis, qui, l'orage passé recommencent à bouffer. (en contre champ, la réaction de Edmond O'Brien)
Si vous aimez ceci, alors vous aimerez... cela. Les Films Noirs post-1940, et on en a déjà causé :
L'ENFER EST A LUI (1949). L'époque n'est plus aux films de gangsters, mais Raoul Walsh fait renaître le genre, et offre à James Cagney son rôle le plus mythique. Il y joue Cody Jarret, psychopathe irascible à la tête d'un gang, et dévoué corps et âme à sa mère. Il peut flinguer un pote et ensuite pleurnicher dans les jupons de sa maman pour cause de migraine. Cody préfère purger une petite peine de prison pour faire diversion, et la police lui colle un mouchard dans sa cellule. C'est le début d'une longue traque pour la police qui cherche à coincer Cody et sa bande. Hold-up, poursuite, trahisons, fusillades, ça flingue à tout va. Une leçon de mise en scène, sans cesse sous tension, un scénario aux multiples rebondissements. James Cagney est étourdissant, son personnage dégage une violence inouïe notamment dans la célèbre scène du réfectoire de la prison, où comme devenu fou, il casse la gueule à tous les matons (les figurants n'avaient pas été prévenus, la scène fut tournée en une seule prise...). On se souvient évidemment de l'épilogue apocalyptique dans l’usine pétrochimique en flamme, Cagney hurlant « Made it Ma, top of the world ! » comme un dernier bras d’honneur avant de tirer sa révérence. Les personnages de Cagney ne finissaient pas beaucoup de film en vie... Virginia Mayo (qui n'aurait pas du fricoter en l'absence de son boss de mec...) et Edmond O’Brien (le flic infiltré) complètent une distribution impeccable. L’ENFER EST A LUI est devenu avec le temps le mètre étalon du genre, dont la violence et le cynisme laissent pantois.
Vraiment que du bon dans ce coffret, dont deux chefs d'oeuvre, l'occasion de découvrir un Bogart pas encore star, et le prodigieux talent de James Cagney. Les films (au format d'origine 1:37, et VOST) sont complétés par des bonus intéressants qui reviennent sur l'époque, les protagonistes, les tournages. On est frappé par la sécheresse et la violence de ces réalisations, à l'image de ce carton pré-générique de L'ENNEMI PUBLIC qui indique lors de sa sortie en 1931 que "les faits relatés sont réels et reflètent la violence urbaine", et lors de sa reprise dans les années 50, que "les personnages montrés sont des voyous, la production décline toute responsabilité sur l'influence qu'ils pourraient avoir sur le jeune public"... A ceux qui se pâment devant les élucubrations d'Al Pacino dans le SCARFACE de Brian de Palma (loin de moi l'idée de dénigrer le talent de Pacino...), qu'ils jettent un œil sur ce qui se faisait dans le genre 50 ans plus tôt. Ils constateront que Tony Montana n'a rien a envier aux Cody, Rico ou Tom, qu'il n'en est qu'une photocopie couleur, et que De Palma doit tout à ses ainés, mais ça, on le sait depuis longtemps ! Il manque évidement le SCARFACE d'Howard Hawks, (non produit par la Warner, d'où son absence) mais qui doit figurer lui aussi au panthéon du genre. Un coffret, six films, 27569 cartouches tirées, à peu près 350 cadavres... quand je disais que ça sentait le sapin...
Un extrait célèbre de L'enfer est à lui (White Heat en VO) : Cagney, en taule, demande aux codétenus s'ils ont des nouvelles de l'extérieur, et de sa mère. La réponse lui arrive aux oreilles... Voyez comme Raoul Walsh privilégie le plan large, les hurlements de Cagney résonnant d'autant plus, face à la masse des détenus gentiment assis, qui, l'orage passé recommencent à bouffer. (en contre champ, la réaction de Edmond O'Brien)
Si vous aimez ceci, alors vous aimerez... cela. Les Films Noirs post-1940, et on en a déjà causé :
Pas grand-chose à jeter dans ce coffret ... ça risque quand même de faire des doublons dans une dvdéthèque digne de ce nom ...
RépondreSupprimerLes doublons ? On les pulvérise à la mitraillette camembert !
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