Un gag musical prévu sans lendemain…. que l’on joue tous les jours depuis
      1928 !
         
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        Maurice Ravel (1875-1938) | 
    
  Je ne sais plus qui parmi mes fidèles lecteurs souhaitait une chronique
      sur Le Boléro de Ravel. S’il se reconnait qu’il me pardonne. J’ai lu
      plusieurs romans sur l’amnésie dont   "Avant d'aller dormir"
      de SJ Watson commenté par Élodie, et le temps aidant (si je puis dire), ma
      mémoire défaille. Heuu, je ne vous avais pas encore parlé de Ravel, de son
      « Boléro », et plus généralement de ses œuvres consacrées à la
      danse et au ballet ? Non ? Vous êtes certains ?  Bon
      alors, c’est parti…
  MAURICE RAVEL qui n’aimait peut-être pas son Boléro… ou son trop grand
      succès.
     - Non ?
  
  
     - Et si…
  
  
  
           
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| Ida Rubinstein (peinture de Valentin Serov) | 
    Soutenu par une famille cultivée, le jeune Maurice entre en
      1889 au conservatoire de Paris. D’esprit indépendant, il se nourrit
      de modernisme. En littérature : Baudelaire, Poe, Villiers de
      L'Isle-Adam et surtout Mallarmé. En musique : Il admire de Mozart et,
      bien entendu, les modernistes comme Debussy, Satie et le groupe
      « russe » des cinq (Balakirev, Rimski-Korsakov, Borodine,
      Moussorgski, Cui).
  
  
    Inutile d’ajouter que ses goûts lui valent l’inimitié des académistes de
      tout poil et que, comme tous les futurs génies, il va se faire jeter au
      prix de Rome (cinq fois, un record). Ce prix attribué à la villa
      Médicis récompense la composition d’une cantate. Un pensum, en général
      tellement boursouflé, qu’il finit immédiatement dans la poubelle de
      l’histoire musicale… En 1905, il ne peut même pas terminer pour une sombre
      histoire de limite d’âge. Le prix ira à Victor Gallois et Philippe Gaubert
      (oups?).
  
  
    Pas grave ! Le jeune Ravel va fréquenter les milieux les plus
      novateurs de la musique du XXème siècle et surtout en être un des chefs de
      fil avec ses œuvres. Il défend le Sacre du printemps lors de la
      tumultueuse création en 1912, déjà évoquée sur ce blog. Il compose
      pour les ballets Russe le merveilleux Daphnis et Chloé en 1909.
    
  
  
    Ravel est un homme d’engagement. Sa petite taille lui interdit de
      combattre dans la boucherie de 1914. Il sera conducteur de camion à
      Verdun et se battra pour que l’on continue de jouer les compositeurs
      allemands ou hongrois, comme Bartók, malgré le climat guerrier des temps.
      Les horreurs des tranchées et la mort de sa mère vont transformer Ravel.
      Il compose moins et avec une inspiration plus grave. Considéré depuis la
      mort de Debussy en 1918 comme le plus grand compositeur français,
      il n’hésite pas à voyager, rencontrer Gershwin à New York, à innover,
      s’inspirer de la musique tzigane et plus encore  du Jazz dans
      l’Enfant et les sortilèges et les
      deux concertos pour le piano. Son legs musical  n’est pas
      volumineux comme celui des compositeurs classiques ou romantiques, mais il
      ne présente quasiment aucun point faible, plutôt une variété d’inspiration
      sans équivalent.
  
  
    Victime d’un traumatisme crânien en 1932, le compositeur va décliner
      jusqu’à sa mort en 1938. Comme Gershwin, un an plus tôt, une lésion
      cérébrale le handicapera jusqu’à la fin. Juste avant cette époque, Ravel
      écrit le Boléro à la demande d’Ida Rubinstein, mécène russe et
      danseuse.
  
  Et comme je l’écrivais en titre, tout le monde adore le Boléro, mais
      Ravel lui-même, guère... À suivre…
    "Ravel avait dans la tête une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa
            musique."
            « Poète... vos papiers! » Léo FERRÉ
        (1956)
  
    
      Le Boléro
    
  
      Dans cette chronique, j’ai choisi de centrer mon propos sur la relation
        entre Ravel et la musique pour la danse et le ballet. Le disque de
        Seiji Ozawa avec le symphonique de Boston est une aubaine
        car il répond parfaitement à cette thématique.
    
    
      Qui n’a jamais entendu le Boléro, musique connue et
        populaire ? Et pourtant son histoire est bien singulière. Dans la
        précipitation, en 1927, Ida Rubinstein, ex danseuse et
        égérie des Ballets Russes de Diaghilev pour lesquels Ravel a
        composé plusieurs chefs d’œuvres, lui passe commande d’un court ballet
        aux accents espagnol, genre très à la mode.
      
    
  
Dans un premier temps Ravel, enthousiaste, pense orchestrer des pièces
      extraites d’Ibéria d’Albeniz vite fait sur le gaz. Pour des tracasseries
      de Copyright, le projet est impossible, ce qui agace Ravel (le mot est
      faible). Ravel qui « ne savait pas composer à la minute » est
      excédé et entreprend une expérience bien en accord avec son coté pince
      sans rire… Il choisit de composer sur un rythme de Boléro (au départ il
      souhaitait un fandango) un ballet de 17 minutes précises.
    
  
    Sur le fameux thème obsédant répété 169 fois à la caisse claire (voir la
      frise), un sujet A et un contresujet B (chacun de 16 mesures), et une
      ritournelle de 2 mesures forment un bloc thématique (rArArBrB) repris
      inlassablement (en apparence). Ravel confie à chaque sujet un instrument
      ou groupe d’instruments différents en appliquant un lent crescendo de pp
      (pianissimo) à fff (fortissimo).
  
  
    Tout cela peut paraître d’une simplicité, voire d’une économie de moyen
      affligeantes, c’est en fait joyeusement compliqué. Et le succès de ce
      morceau vient sans doute de ce côté répétitif, forme auquel tout public
      adhère immédiatement, et de la couleur sans cesse évolutive de
      l’orchestration.
  
  
    La création a lieu le 22 novembre 1928 au théâtre national de
      l’Opéra par les ballets d'Ida Rubinstein, avec la patronne en vedette, et
      Maurice Ravel à la baguette. Evidemment, l’œuvre à la structure inattendue
      divise le public. Une spectatrice crie « au fou ! ». On
      rapporte la chose à Ravel qui, caustique, croit bon de commenter
      l’interjection de la brave dame : « Celle-là, elle a
      compris… ».
  
  
    Ainsi, Ravel pensait avoir composé rapidement (mais avec talent) une
      œuvrette sans lendemain. A sa grande surprise, les chefs comme Mengelberg
      ou Toscanini (dirigeant au pas de charge) vont s’en emparer pour faire
      briller leurs orchestres et flatter leurs egos en même temps (les
      applaudissements sont toujours garantis avec le Boléro…). Cela ne sera
      jamais du goût du compositeur. Ahhh les génies et leurs humeurs… Et si
      Ravel n’aimait pas tant que cela ce que l’on a fait de son
      Boléro ?
  
  
  
    Le disque : Ravel et la danse…
  
  
  
  
    1 – BOLERO : Il existe un nombre incalculable d’excellents
      enregistrements du Boléro de Ravel. Vous vous en doutez (Munch à Paris,
      Monteux et Abbado à Londres, etc.). À la tête du magnifique Boston
      Symphony Orchestra, Seiji Ozawa, avec une battue nerveuse et entraînante,
      est servi par une prise de son qui met bien en avant toute la richesse de
      l’orchestration.
  
  
    Et puis, ce CD à prix très modeste (et à la pochette indigente, hélas)
      permet d’entendre d’autres grandes pages en lien avec l’univers de la
      danse.
  
  
    2 – LA VALSE : Si si c’est bien une valse ! Mais, cette
      valse quasi parodique à l’orchestration fantasque et torturée se fiche pas
      mal des valses de Vienne des Strauss père et fils. Daté de 1920, ce
      ballet fut refusé purement et simplement par Diaghilev pour la
      saison des ballets russes. Stravinski pipa mot, ce qui causa une
      brouille définitive avec Ravel. Des mômes ! Cette pièce de 12 minutes
      est passionnante. Elle semble s’extraire d’une soirée lascive et mondaine
      de manière chaotique, grâce à une orchestration concertante et ludique. La
      brutalité et l’ironie se partage le développement. L’hypocrisie
      règne-t-elle sur le parquet ? On peut discerner des réminiscences de
      l’ambiance diabolique de « l’apprenti sorcier ». On plonge
      inexorablement vers une bacchanale véhémente. Ah bah, c’est cela le
      champagne à haute dose…
  
  
    3 – DAPHNIS ET CHLOË : Suite N° 2. Cette suite est
      composée de trois tableaux extraits du ballet intégral d’une durée qui
      atteint l’heure. Ravel en a conservé trois magnifiques, sensuels et quasi
      érotiques passages : Lever du jour, Pantomime et
      Danse générale. Seiji Ozawa, qui a maintenu les parties chorales
      non chantées mais psalmodiées, se joue avec élégance et malice de ces
      entrelacs orchestraux.  15 minutes de bonheur total qu’il me serait
      bien difficile de décortiquer. Le célèbre solo de flûte à [7’23] est
      parfaitement réussi dans sa lascivité retenue. La danse finale est
      jubilatoire de précision sans ostentation.
  
  
    4 – PAVANE POUR UNE INFANTE DÉFUNTE : Cette ancienne danse de
      cour trouve ses origines en Espagne. Composée par le jeune Ravel pour le
      piano en 1899, elle fut orchestrée en 1910. Ravel, toujours
      intransigeant avec son travail, la trouvait « pauvre ». Elle
      demeure une douce et mélancolique méditation magnifiée par la beauté des
      timbres de l’orchestre de Boston.
  
  
    5 – ALBORADA DEL GRACIOSO : Comme la pavane, cette pièce de
      1905 est écrite à l’origine pour le recueil pour piano
      « Miroirs ». Elle sera orchestrée en 1919. Le
      titre se traduit par « une aubade
      du Bouffon ». Pour suggérer la guitare, l’orchestre est très
      sollicité par des pizzicati et une rythmique effrénée. Un développement
      central avec basson solo nous plonge dans une chaude nuit ibérique
      dansante et festive.
  
  Vraiment un très beau disque pour découvrir Ravel et/ou admirer
      l’orchestre de Boston forgé à Ravel par Charles Munch.
    Seiji Ozawa
  
  
  
  
    Le chef Nippon est né en 1935.
  
  
    Il étudie la musique occidentale à Tokyo puis part aux USA où
      Charles Munch, alors directeur de l’orchestre symphonique de Boston
      remarque son talent lors d’un concours en 1959. Après un
      perfectionnement auprès de Herbert von Karajan, il va occuper les
      postes de directeur musical les plus prestigieux dont, précisément, celui
      de l’orchestre symphonique de Boston de 1973 à 2002, 30
      ans !
  
  
    Son répertoire est immense et très éclectique. Il signera au disque des
      références comme les Gurrelieder de Schoenberg, des symphonies de Mahler
      (dont la huitième) ou encore une intégrale des symphonies de Prokofiev
      avec le Philarmonique de Berlin.
  
  
    Au Japon il crée des formations symphoniques et lyriques de premier
      plan.
  
  
    Bien que sa fin de carrière soit rendue éprouvante par la maladie, il
      continue d’aider de jeunes artistes à s’affirmer à travers toutes les
      formations possibles. L’homme est chaleureux et les concerts auxquels j’ai
      pu assister (Requiem de Berlioz, Gurrelieder, Turangalila symphonie
      d’Olivier Messiaen) sont de ceux qui marquent une vie de mélomane par leur
      engagement vers la perfection.
  
  
  
  
    Vidéo : où l'on peut jouer à Picolo, Saxo et Compagnie…
  
  
  
    Le Boléro de Ravel interprété par l’Orchestre Symphonique d'Ozaka
        dirigé par
        Eiji Oue, un jeune chef d’orchestre japonais dont je vous reparlerai à propos
        d’un « chant de la Terre » de Mahler qui a bouleversé une
        discographie figée depuis 40 ans…
  
  
    La mise en image permet une visite guidée des instruments courants ou
        plus marginaux choisis par Ravel dans son orchestration…
  
  
    [0’04] 1ère flûte - [0’52] Clarinette - [1’38] Basson - [2’28]
      Petite clarinette en mi bémol - [3’12] Hautbois d’amour - [4’00] trompette
      avec sourdine + flûte - [4’46] Saxophone ténor - [5’34] Saxophone soprano
      - [6’21] 2 flûtes picolo et cor solo - [7’08] Hautbois + hautbois d’amour
      + cor anglais + 2 clarinettes - [7’56] Trombone en glissando - [8’43]
      Petite harmonie complète dont clarinette basse - [9’31] Harmonie et
      violons - [10’17] idem + seconds violons - [11’05] idem + trompette -
      [11’52] idem + trombone - [12’39] orchestre complet - [13’25] idem et coda
      à [14’01] : percussions dont grosse caisse et cymbales !
  
  
    Je ne précise pas que tous ces solos sont nimbés d’une ambiance poétique
      des harpes, pizzicati des cordes graves, et ainsi de suite.
  
  
    Suite : quatre "danses" de Ravel par l'orchestre symphonique de Boston
      dirigé par
      Seiji Ozawa:
  
  
              1 – BOLERO 
            
            
              2 – LA VALSE 
            
            
              4 – PAVANE POUR UNE INFANTE DÉFUNTE : 
            
            
              5 – ALBORADA DEL GRACIOSO : 
            
  
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Euh... je préfère cette version http://www.youtube.com/watch?v=HttVFpgObCo ... c'est grave, docteur ?
RépondreSupprimerSacré compositeur et en même temps quelque peu ignoré justement à cause de son Boléro si bien que peu de gens connaissent son oeuvre (moi le premier) Tiens un ami musicien en a fait une excellente chanson
RépondreSupprimerhttp://lautonome.fr/albums.swf