vendredi 30 septembre 2011

MICHEL PETRUCCIANI de Michael Radford (2011) par Luc B.

Michael Radford a commencé sa carrière de réalisateur par un documentaire sur Van Morrison. Il s’est fait connaître en 1984 pour avoir adapté à l’écran 1984 (d’après Georges Orwell), puis SUR LA ROUTE DE NAIROBI (avec Greta Scacchi ), et son gros succès LE FACTEUR (1994, avec Philippe Noiret). On lui doit aussi LE MARCHAND DE VENISE avec Al Pacino. Il s’attèle aujourd’hui à un autre documentaire, consacré au pianiste de jazz français, Michel Petrucciani.

Michel Petrucciani est né en 1962, et les médecins lui détectent une ostéogénèse, malformation osseuse. Les conséquences sont doubles : trouble de la croissance (Petrucciani mesurera 1,02m) et fragilité extrême des os. Il ne pourra pratiquement pas marcher, n’ira pas à l’école, et suivra donc des cours par correspondance. Les cassettes qu’il reçoit, il les efface, pour réenregistrer dessus de la musique ! Car la musique sera sa grande passion, transmise notamment par son père, Tony, guitariste, qui joue dans un trio jazz. Après avoir vu Duke Ellington à la télé, il réclame un piano, et ses parents lui en achètent un petit, un jouet. Mais Petrucciani le casse. Il en veut un vrai ! Ce sera chose faite quelques mois plus tard, et l’étude intensive peut commencer. N’allant, pas en classe, ne pouvant sortir, Michel Petrucciani peut faire ses gammes 12 heures par jour, il se noie dans les exercices, et dès l’âge de 6 ou 7 ans il éblouit ceux qui viennent l’entendre. La légende veut (mais les témoignages divergent) qu’on l’ait fait monter sur scène au côté du trompettiste Clark Terry, alors que ce dernier était en rade de pianiste. Terry a commencé à jouer des comptines pensant avoir à faire à un enfant, et Petrucciani lui faisant clairement comprendre qu’il n’était pas là pour faire de la figuration, ni épater le public, mais bel et bien pour jouer du jazz !

dans les bras du batteur Aldo Romano
Vers 20 ans, Michel Petrucciani part pour Los Angeles, à Big Sur, où il rencontre le saxophoniste Charles Llyod, qui remonte un groupe, et tourne pendant 5 ou 6 ans avec le pianiste français. Le succès est immédiat, Petruccini se produit alors avec les plus grands (Freddie Hubbard, Wayne Shorter) et sera le premier musicien européen a signé chez Blue Note. On ne cesse de s’extasier sur la virtuosité de sa main droite, quand ce n’est pas de sa main gauche… A cause de la fragilité de ses os, Petrucciani à du développer une technique bien à lui, faite de dextérité, de rapidité de mouvement. Il s’installe ensuite à New-York, bien décidé à jouir pleinement de la vie. Petrucciani le sait, sa maladie ne lui donne pas une espérence de vie très longue, et il compte bien en profiter, de la vie, de goûter à tous les plaisirs qu'elle peut offrir. Cela passera notamment par la drogue, que Petrucciani, pas toujours bien entouré, consomme de plus en plus. Il passera ses dernières années entre les Etats Unis et Paris, signe chez Dreyffus, enchaine les concerts, les disques. Chaque concert lui demande des efforts quasi insurmontables. Pour jouer dans les aigus, ses bras étant trop courts, il est contraint de se pencher sur la droite, presque à l’horizontal, en se retenant de la main gauche pour ne pas tomber, avant de se relancer d’un coup pour retrouver sa position initiale. Ses amis racontent qu’il n’est pas rare que Petrucciani se casse un os des doigts, en concert, se démette l’épaule, il s’est même fendu l’ischion (sous le coccyx), sans pour autant s’arrêter de jouer, ni quitter la scène. Son père lui fabrique un pédalier surélevé (plus tard, le fabriquant de piano Steinway lui en offrira un du même modèle, sur mesure, gravé à son nom).

Le film de Michael Radford s’intéresse presque davantage à l’homme qu’au musicien. C’est sans doute ce que je lui reproche. Il y a certaine redite, notamment concernant le tempérament de Petrucciani, marié quatre fois, de nombreuses maîtresses… Bref, un queutard de première… Mais l’entend-t-on vraiment parler de sa musique, de son style, de ses influences ? Il est intéressant de l’entendre déclarer qu’il est parfaitement heureux, conscient de ses handicaps, mais qu’il mène la vie dont il a rêvé. Mais s’il vit comme n’importe qui, raison de plus pour s’attacher à ce qui fait sa différence : son talent. Il y aura donc assez peu d’extraits de concerts, ou trop courts. Par manque de document ? Je ne crois pas. Le film privilégie les témoignages des proches, que l’on aurait pu entendre davantage en voix off. Et puis un truc qui m’agace : aucun sous-titre, on ne sait pas qui sont ces gens ! Certes, on reconnait quelques musiciens célèbres, mais quid des autres ? Au moins, les amis ne passent pas leur temps à le saluer, mais envoient quelques piques parfois, comme la propenssion méridionnale de Petrucciani a exagéré, embellir la réalité ! Ses épouses parlent aussi ouvertement de ses dépendances, de son caractère, et sa frivolité. Pour tout dire, ce film n’est pas très cinématographique, mais simplement un montage d’archives entrecoupé d’interview. La seule idée, et de montrer une pendule, comme pour mieux nous faire comprendre que le temps passe plus vite pour Petrucciani (vieillissement prématuré), que le trépas approche… Pas de très bon goût, à mon sens, parfaitement inutile, d’autant que le pianiste n’aimait rien d’autre que la vie, la fête, les repas, l’alcool, les femmes. Assombrir le récit par cet artifice ne me semble pas le bienvenu.

Ce film permet en tout cas de (re) découvrir cet artiste exceptionnel, mondialement reconnu et respecté, un type bourré d’humour. Qu’il soit parti d’ici, pour en arriver là, force le respect. Michel Petrucciani, en ménage, surveillé de près, choyé, résiste mal aux tentations. De passage à New York, en plein hiver, fatigué, grippé, usé par les 220 concerts qu’il vient de donner cette année-là, s’échappe faire la fête, renoue avec d’obscures relations. Il meurt le 6 janvier 1999, à l’âge de 36 ans.

A mon sens, un film intéressant, mais trop sage, trop académique, trop bavard, qui ne se hisse pas (si je puis dire...) à la hauteur de son personnage principal.     





Ecoutons Michel Petrucciani, époustouflant, dans un de ses morceaux fétiches, "Caravan" une composition de Duke Ellington.



Si vous aimez les documentaires musicaux, rendez-vous à notre rubrique CINEMA/documentaire, où vous trouverez notamment le formidable (mais dans un autre genre) film consacré à Dr Feelgood.

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