THE ROLLING STONES - " Black And Blue" par Philou ( 1976 )

La Nuit et le Ciel.

Décembre 1974 - Mick Jagger, Keith Richards, Bill Wyman et Charlie Watts se retrouvent en Allemagne à Munich, aux Musicland Studios pour commencer l'enregistrement de leur nouvel album, le huitième : "Black And Blue". Mick Taylor, présent depuis 1969, a fait ses valises, saoulé par les Glimmer Twins, Jagger & Richards qui n’ont jamais voulu reconnaître son talent et qui refusaient systématiquement de le créditer en tant que compositeur, à l'exception de "Ventilator Blues" sur "Exile On Main Street".
C'est le premier disque des Rollings Stones sur lequel on voit apparaitre Ron Wood  comme membre officiel du groupe, bien qu'il ne joue de la guitare seulement sur 2 ou 3 morceaux. 
En effet, Keith Richards est ici largement épaulé par 2 intérimaires de luxe, Harvey Mandel ( Canned Heat) et Wayne Perkins, un session man très réputé (Bob Marley, Eric Clapton, Leon Russell, Lynyrd Skynyrd, Steve Winwood...etc). Par contre, Billy Preston aux claviers, lui s'incruste de plus en plus dans le groupe et devient même presque le "6ème Rolling Stones".
Keith Richards le virera comme un malpropre en 1977, juste avant la sortie de l'album "Some Girls". C'est vrai que le Keef à l'époque, il y allait fort sur sa consommation de bicarbonate de soude.... Pas rancunier pour un sou, Billy "Nothing From Nothing" Preston, reviendra pour participer  à l'album " Tattoo You" en 1981.

L'album  nous propose seulement  8 chansons, dont une reprise, "Cherry Oh Baby". Mais contrairement à tout ce qui a pu être écrit jusqu'à maintenant, je pense que l'album est loin d'être aussi mauvais que cela et reste à mon avis, le plus sous-estimé des albums du groupe.  Les Stones explorent des horizons musicaux inconnus jusque là, du Funk, du Reggae et même du Jazz.
Alors, est-ce l'album d'un groupe qui prend des risques, en proposant une autre musique que celle attendue par ses fans ou l'album d'un groupe qui s'adapte à l'air du temps, en sortant des chansons funky, reggae et bien entendu, des slows, très "tendance" à cette époque ???
Par ailleurs, Mick Jagger a bien retenu la leçon avec "Angie" et ses quelques millions de 45 tours écoulés de plus....

Le disque démarre à bloc avec "Hot Stuff" un morceau bien funk et fiévreux à souhait qui vous botte le cul à grand coups de riff tranchants et vous envoie directement vous trémousser sur la piste de danse. On assiste à un duel d'enfer entre  la rythmique acérée de Keith Richards et les solos dégoulinants de Wah-Wah de Harvey Mandel. Les petites notes saccadées du piano de Billy Preston vous titillent les sens, la frappe sèche de Charlie Watts claque comme des coups de feu de 44 Magnum ! Mick Jagger chante comme un damné sur ce titre qui exerce un fort pouvoir d'envoûtement sur les auditeurs, avec son coté sauvage et primaire. Il est ici magnifié par une performance vocale du chanteur au summum de ses possibilités, un véritable tour de force. 

"Hand Of Fate" ne laisse pas retomber la pression et permet aux Stones de revenir en force en terrain connu, c'est du vintage, du classique, du costaud. Wayne Perkins assure les parties de guitare haut la main sous le regard de Keith Richard (un peu jaloux ?) qui préfèrera finalement embaucher son vieux pote Ron Wood.

Sur "Cherry Oh Baby" une reprise du chanteur jamaïquain Eric Donaldson, les Stones s'offrent un voyage inédit en Reggae Land. Rien de transcendent, un titre assez faiblard sur lequel Ron Wood s'échauffe tranquillement à la rythmique, on passe au suivant....

Avec le morceau qui suit, c'est tout de suite différent,  "Memory Motel" est une merveilleuse et poignante ballade. Keith a posé sa Télécaster et s'est assis au piano électrique, il assure également une partie du chant, mais c'est encore une fois Mick qui sublime la chanson avec sa voix magistrale.
Les Stones resserrent les boulons sur "Hey Negrita" en indiquant au bleu-bite Ron Wood qu'il serait peut-être temps de montrer ce qu'il sait faire. Sur ce nouveau titre funky au tempo lourd, le gars Ronny (qui a quasiment composé le morceau)  s'en sort pas trop mal à la lead-guitar tandis que Billy Preston s'éclate comme un fou sur ses touches de piano !!!
Avec l’arrivée  de  Ron Wood, les Rolling  Stones retrouveront malgré tout une certaine cohésion. Bien que moins accompli musicalement que les prestigieux musiciens que Jagger & Co ont essayé pour remplacer l' excellent Mick Taylor , "le petit nouveau" s’acclimatera rapidement au reste des musiciens, adhérant sans discuter aux (mauvaises) habitudes du groupe....
"Melody" est un titre jazzy assez faiblard, Bill Wyman confiera des années plus tard que c'est bien Billy Preston qui avait écrit cette chanson à l'époque....La voix géniale de Jagger qui serpente au milieu des notes de piano de Preston sauve de justesse cette chanson qui rebutera les fans les plus ardents des Stones.
Le single de l'album reste l'incontournable et très radiophonique "Fool To Cry", un classique des Stones, une ballade où Mick Jagger inconsolable, parle et crie, porté par les nappes de synthétiseur de Nicky Hopkins. Elle atteindra finalement la 10ème place dans les charts US.
L'album se termine par un "Crazy Mama"  assez costaud, bien rock et bien "Stonien".

Richards et Wood  mêlent de leurs guitares avec succès dans ce morceau classique, mais efficace, avec l'appui d'un Charlie Watts en pleine forme.

"Black And Blue" sera pourtant un nouveau succès commercial pour les Stones qui vivaient à l'époque sur les réussites des années passées. L'album avait retenu un peu moins l'attention des fans et encore moins la passion, C'est vrai qu'on y trouve que très peu de musique typiquement "Stonienne" (deux ou trois titres seulement ). Certainement aussi parce que Keith Richards est quasiment inexistant sur ce disque, plus préoccupé par sa consommation d'héroïne que par la compositions des chansons.

Heureusement,  Mick Jagger lui est bien présent et impérial et tout au long de l'album, il porte le groupe à lui tout seul.

" Hot Stuff " - Live 76 -  In Paris -