DIRE STRAITS (1978-1983) : EN ROUTE POUR LA GLOIRE...
1984. Pour mon premier pèlerinage en Terre Sainte, non pas du côté de Jérusalem mais de Galway, Irlande, terre de naissance du Messie de la Strato, Rory Gallagher, je me suis fait un beau cadeau. J’ai ramené en souvenir ce double album de DIRE STRAITS. Vachement fier d’avoir poussé la porte d’un autochtone, et disquaire de profession, affrontant les embruns iodés par une nuit sans lune, alors que la lande résonnait encore des hululements de rapaces… [Encore un qui va croiser le fantôme de Robert Johnson, mais y prennent quoi au dessert ces mecs du DEBLOCNOT ?] fier d’y avoir causé anglais, et d’y avoir craqué 11 £. Ah les deux belles galettes que voilà ! Il faut dire que quelques années plus tôt, en 1978, on avait posé avec mes frangins le premier disque éponyme du groupe sur la Hi-fi paternelle, et fait résonner les chorus cristallins d’un certain Mark Knopfler dans toute la maison. Quelle découverte ! Parce qu’en ces années-là, ma bonne dame, c’était quoi le paysage musical ? A ma gauche, les dinosaures vieillissants, mais rugissant encore, tel LED ZEPPELIN et Cie, épuisé par 10 ans de domination des stades, depuis que les ROLLING STONES avaient cédé leur place en haut du podium. Les Nouveaux Métalleux surgissent, et puis il y avait aussi le Progressif qui n’en finissait pas de progresser, que des jeunes cons de 20 piges venaient torpiller avec leur Punk-Rock nihiliste et bruitiste. On pouvait croiser des groupes de rock-garage tendance rhythm’n’blues comme DR FEELGOOD et plus tard THE INMATES, mais le patriarche Papy Blues était dans un état quasi moribond, STEVE RAY VAUGHAN n’avait pas encore re-popularisé le genre, et les FABULOUS THUNDERBIRDS, à l’époque, nous étions trois à les connaître. Tout ça c’est à ma gauche, donc, et à ma droite les nouveaux venus : une déferlante Disco sur patins à roulettes et pat'eph moule-burnes, de la New Wave peroxydée, et les prémices de l’électro… On allait être gâté !
Et miracle ! V’là t-y pas que déboule dans les bacs, sans promo ni rien, juste parce que les DJ radio adoraient leur maquette, un groupe et un album du même nom, DIRE STRAITS. (Traduction : au fond du fond de la dêche, ce qui en dit long sur l'optimisme du groupe à percer dans le métier...). Aux commandes, deux frères Mark et David Knopfler, le premier, ex-journaliste étant auteur/compositeur, avec aussi John Illsley à la basse et Pick Withers à la batterie. Tous gaulés comme des allumettes, regard de cocker triste (pléonasme) et la dégaine improbable. David Knopfler quittera le groupe après deux albums, ne trouvant plus sa place au côté de son frère, seule tête pensante du combo. Au programme, du rock d’influence américaine, venu des 50’s, tendance folk Dylan (texte à rallonge), JJ Cale pour l’aspect terroir, Chet Atkins ou Clapton pour le touché. Et ce gimmick tout droit venu du blues, les questions-réponses entre la voix et la guitare. Une musique à la fois simple, dépouillée, raffinée, susurrée, et un album propulsé illico au top des charts grâce au tube « Sultans Of Swing » (hymne à la gloire des musiciens sans grade qui suent dans les pubs), qui personnellement m’humidifie les mirettes de bonheur à chaque écoute, comme la scène de la fleur dans CITY LIGHT de Chaplin. Sur sa Fender Stratocaster rouge (devenue la marque du groupe), Mark Knopfler, ne se contente pas de composer des merveilles de finesse, d’écrire des textes sensibles, noirs, ironiques, il nous dispense d’une flopée de solos de guitares à la fois complexes et fluides, virtuoses et humbles dans leur exécution, avec une aisance déconcertante. L’album contient notamment « Six Blade Knife », « Down The Waterline », « In The Gallery ». Des must. Dans la foulée, Knopfler compose COMMUNIQUE, second album, dans la même veine, hors des standards commerciaux, et re succès. Contient notamment « Once upon a time in the west », « Lady Writer »… En 1980, avec MAKING MOVIE, le groupe s’adjoint un clavier, et pas n’importe lequel : Roy Bittan du E Street Band, et la musique de DIRE STRAITS prend il est vrai des accents springsteeniens, dans les cascades de piano. Les titres se rallongent, dont le grandiose « Tunnel Of love », les constructions sont plus étudiées, et l’album aligne son lot de classiques comme « Expresso Love » ou « Roméo And Juliet ».
La production paraît moins dépouillée, le maniaque Knopfler travaille chaque son, chaque note jusqu’à la perfection. Perfection, c’est le mot qui vient quand on évoque l’opus suivant : LOVE OVER GOLD. Il sort en 1982, et scotche tout son monde, par l’excellence des compositions et la qualité de la production, bien sûr, mais par la longueur des titres, avec cette pièce maîtresse « Telegraph Road » de 14 minutes, épopée musico-lyrico-romanesque, et chef d’œuvre de la musique pop à tout jamais. L’album contient aussi « Private Investigation » merveille mélodique absolue, mais aucun des cinq morceaux n’est à jeter, surtout pas "Industrial Desease". Succès planétaire. Musicalement, on est loin des débuts, les claviers, percussions, bidules électroniques et synthé, prennent davantage de place, la guitare acoustique aussi. Avec un catalogue pareil, DIRE STRAITS peut partir en tournée, il ne peut en résulter que du bon…
Mais avant cela, Knopfler nous offre un maxi-45 tours, 4 titres, EXTANDANC’E-PLAY, rockabilly nostalgique (« Twisting by the pool » est extra) retour aux sources, comme pour s’excuser de pousser plus loin la sophistication de sa musique, et nous rappeler que la musique qu’il aime, elle vient de là, elle vient du…
ALCHEMY (ah bah quand même, on y vient…) est enregistré au Hammersmith Odéon de Londres, en juillet 1983. Ce qui semblait différencier DIRE STRAITS à ses débuts, de la musique qui se faisait vers 1978, fait paradoxalement maintenant partie intégrante du groupe. Des accents progressifs (et la pochette aussi), des cavalcades de guitare à rallonge, nappes de synthé, des intro longues comme une piste d’AirBus A380, des fumigènes partout, vestes flashy aux manches relevées, bandana ridicule, falzar en lycra, et batterie 18 fûts. Très loin du genre pub-rock que représentait DIRE STRAITS 5 ans auparavant. Mieux vaut ne pas regarder (car le concert est disponible en film) mais écouter, religieusement.
Et ça commence très fort avec « Once Upon A Time In The West », version à rallonge de 13 minutes, Knopfler alternant moments paisibles et chorus intenses, un peu longuet sur la fin, mais splendide. « Expresso Love » donne le rock plus classique, avant la superbe plage de « Roméo and Juliet » dont la seconde partie, développée par rapport à la version studio, met en place un dialogue piano/guitare acoustique/guitare électrique de toute beauté. Morceau enchainé directement avec « Love Over Gold » (trop court !), puis le fascinant « Private Investigations » dont il n’est pas simple de retranscrire l’intimité sur scène. Mais encore une fois, la mélodie, la construction, les sonorités des instruments laissent pantois. Le climax ultime arrive ensuite avec une version dantesque de « Sultans Of Swing » tout en force, avec un second solo de guitare à vous filer des frissons partout. Mel Collins et son saxophone rejoint la troupe pour le rock’n’roll 60's « Two Young Lovers » enchaine avec un court instrumental, lui-même enchainé à « The Carousel Waltz » qui sert d’intro aux 14 minutes de « Tunnel Of Love », immense, intense, avec ruptures d'ambiance, dont ce petit passage « Girls it looks so pretty to me, like it always did, like the spanish city, to me, when we were kids » presque murmuré, avant le long crescendo final, et ces montées et descentes de piano très "Racing in the street". Sublime. « Telegraph Road » déboule ensuite, le type de chanson que l’on rejoue sans rien changer à l’original (pour quoi faire, c’est déjà parfait !) qui prend tout de même une nouvelle ampleur avec le son live, et curieusement légèrement moins longue (13’30 quand même !). Arrive ensuite le bémol du disque à mon avis, une version passe partout de « Solid Rock », un peu poussive, pas assez resserrée, quand l’original allait à l’essentiel, avant l’instrumental « Going Home » composé pour le film LOCAL HERO, avec ces accents celtes, idéal à écouter lorsque vous quittez la route de Leanane vers Lough Naffoey, et qui clôt de la plus belle manière ces 93 minutes de musique.
D’ailleurs, n’y a-t-il pas moyen de retrouver des morceaux joués en tournée, à cette époque, ou ce soir-là, et composer un concert intégral ? La prestation faisait-elle seulement 93 minutes ? Le seul problème de ALCHEMY, c’est qu’il y trop peu de morceaux ! Si on coupe dans les intros, les conclusions, on gagnait de quoi rajouter deux titres courts en plus, des « Twinsting By The Pool », « Setting Me Up », « Where Do You Thing You’re Going », « Angel Of Mercy », qui sont des petites perles, que l’on aurait aimé voir incorporer à l’ensemble. Mark Knopfler joue le jeu de l’extented version, je rajoute, j’empile, je gonfle, et c’est formidable, parce que les morceaux longs ont le temps de vivre, d’exister, de passer d’une ambiance à une autre. Mais bon, on se dit aussi que parfois, un peu de sobriété n’aurait pas nui !
ALCHEMY se vendra par brouettes entières, assoira définitivement la renommée du groupe, d’autant que l’album studio suivant BROTHERS IN ARMS* (1985) sera un succès encore plus phénoménal. Mais c’est une autre histoire, plus tout à fait une histoire de rock’n’roll, une histoire à succès, si encombrante que Mark Knopfler préférera, après un dernier album studio en 1991, retourner à ses disques-maisons, sa guitare et son finger picking, son folk bluesy, loin des médias et de MTV…
* A propos de le chanson "Brothers In Arms", une merveille absolue, jetez une oreille sur le titre "Bird Of Paradise" d'un certain Snowy White.......C'est la même chose ? Ben ouais... De là à dire que Knopfler l'a plagié, il y a un pas que je ne sauterai pas, les talents de Knopfler comme compositeur ne pouvant être remis en cause. Alors : (mal)heureux hasard, transmission de pensée ?
ALCHEMY en double CD, ou DVD
93 minutes
La vidéo + les extraits su Am.. + la fougueuse plume de Luc = commande!
RépondreSupprimerUne musique qui sait prendre son temps et où je ne risque pas de finir avec les tympans massacrés :o)
Bien que lecteur assidu de ce blog de haut vol, je ne suis pas d'accord, mais alors pas d'accord du tout du tout du tout !!!
RépondreSupprimerAlchemy était pour moi le début de la fin d'un groupe fin, intimiste, original.
La finesse est partie avec Pick Withers et David Knopfler.
1. Choux-Fleur a remplacé un batteur délicat par une brutasse simili hard-rock.
2. Il a ensuite viré son frangin pour mettre des gratteux distordus... pffff...
Finesse ?
Il suffit de voir comment des bijoux de finesse comme "Sultans of swing" et "Once upon a time in the west" sont travestis en gros rock qui tache... Lamentable !!!
Intimiste ?
On continue : les solos de Marko sont longs et ... ennuyeux à se démonter la machoire.
Original ?
Au final, on se retrouve avec un groupe de rock lambda, et on enterre vite fait les influences diverses folk, country, reggae, pop, rock, blues.
Depuis la fin de D.S., Maître Knopfler est revenu à une dimension bien plus humaine, et ça fait du bien !!! à lui et à nous !!!
BBP,
RépondreSupprimerJe conclus en disant qu'un peu de sobriété n'aurait pas nui... Donc je partage un peu ton analyse (brutale l'analyse tout de même!), mais que veux-tu, cet album, je l'aime ! C'est comme ça ! Et tous ses défauts ne sont rien par rapport à ses qualités...
D'ailleurs, à la réflexion, mon commentaire est aussi laborieux qu'un solo de gratte de 15 mn (ou pire : un solo de batterie !!!) ... Lamentable !
RépondreSupprimerLong live Le Déblocnot' !!!
Pardon d'en remettre une couche Luc, mais personnellement, DS dans sa période faste avait le don de me hérisser le poil. La faute sans doute à tous ces petits minets du lycée qui se prenaient pour ce qu'ils n'étaient pas, nous resservant à chaque occasions du Dire Straits par ci, du Dire Straits par là. En soirées, à la radio, à la téloche, dans les bars, à l'arrière des bagnoles, dans leur Walkman, dans Best et Rock'n'Folk... Puis d'ajouter à chaque fois: Knopfler c'est le plus grand guitariiiiiste du monde !! Nous les Hardos, voilà qui avait le don de nous faire sortir de nos gonds.
RépondreSupprimerAaaahhh ! P'tite tête, viens un peu par ici, j'vais t'éclater la tête et te faire bouffer mon bracelet à clous avec ton Mark Choux-fleurs et son bandeau de tapette à la con.
Tel était donc notre état d'esprit, nous, les Hardos de tout poil. Les meilleurs guitaristes, c'est dans notre chapelle qu'ils s'y trouvaient... Et nul part ailleurs. Compris !!!!
Pardon Luc, voilà que je m'emporte. Mais y a des trucs de jeunesse qui, même après toutes ces années, ne parviennent toujours pas à passer. Y compris le Choux-fleurs. Sérieux !
« J'ai plus ma tête ! J'ai plus ma tête ! » bouhouhou. J’en fais quoi alors de mon CD ? Je déshabille la cellophane ? Je risque l’André Rieu du Rock ou la révélation suprême (de dinde) ? Je recycle à Noël à un beauf que j’aime pas ? A l’aide........
RépondreSupprimer@ BBP et Vince: je devais faire partie de ces ados attardés et vantards qui écoutaient beaucoup de DS et ne juraient que par eux, d'ailleurs... Mouais, mais le temps a filé. Quand j'ai découvert Miles et Coltrane au lycée, pour moi, tout ça, le rock à billy, DS et cie, c'était du passé... L'aventure dure toujours. Aujourd'hui, je regarde "ça" sans nostalgie aucune, j'y vois seulement un certain succès radio-rock FM... Et vingt cinq ans plus tard, quand je découvre ou redécouvre des guitaristes comme Big Bill Broonzy, Muddy Waters, et beh je suis autrement bouleversé. On n'est plus dans les paillettes et la technique en veux-tu en voilà. Merci toutefois à Luc et rockin', pour cette chronique..
RépondreSupprimerRalingo
Pas d'affolement Claude ! La musique de DS n'est pas honteuse pour autant, loin de là ! Je me dois d'ailleurs d'admettre que j'apprécie aussi certains morceaux du groupe.
RépondreSupprimerMais alors "Sultan of swing", c'est comme "Still loving you" des Scorpions... L'o-ver-dose.
J'avais failli écrire un truc du genre : Dire Straits, le groupe que tout le monde aime... Ben j'ai bien fait de me raviser ! Je suis ravi que cet album déchaine les passions, que les arguments fusent !
RépondreSupprimerPS : comparer "Still loving you" et "Sultan", ça frise le conseil de discipline...
Ne te méprends pas Luc, ce n'est nullement en terme de comparaison ou d'opposition que je mentionnais ces 2 titres. Je les ai simplement rapprochés car ils nous ont été matraqués tous les deux jusqu'à l'écoeurement. Surtout "Still loving you" !
RépondreSupprimerJe rejoins quelque peu Vincent, en moins virulent, dans le sens où lorsque l'on me branchait musique et que j’énonçai ma passion pour les "musiques à guitares", et notamment le Rock, mes interlocuteurs me ressortaient (deux fois sur trois) Dire-Straits ; comme si, forcément tu kiffes la gratte, tu kiffes impérativement D.S. Comme si le Rock pouvait se résumer à ce seul groupe. Faut dire que dans les 80's, D.S a pas mal été matraqué sur les ondes (TV et TSF).
RépondreSupprimerZen, coool, calme... écoutez donc ça :
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=5GAjbAIqhq8 et ça :
http://www.youtube.com/watch?v=hUOqTIaau3o
Bôôô, non ? Cette guitare fluide et cristalline. Cette voix dylanesque. Ce beat félin. Quelle élégance !
Et ça : http://www.youtube.com/watch?v=NSRGCtZ9_Uc
J'en rajoute pas p'us... j'ai déjà tout dit plus haut...
Choux-Fleur a fait le meilleur comme le pire des 80's.
Effectivement, c'est sûr, ce gaucher savait se montrer inspiré avec son jeu laid-back. Soit dit en passant, parmis les influences du monsieur, je mentionnerai volontiers Hank Marvin.
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