Matt Bauder au sax ténor |
Tomas Fujiwara (photo de Claudio Casanova) |
Enfin, Matt Bauder, avec ses grosses lunettes noires (une belle photo illustre son portrait à l'intérieur du digipack), possède quand même un gros son, qui sait se faire suave et romantique dans les balades (écouter le magnifique « Parks after Dark ») mais aussi très « out », voire "suspendu", dans des morceaux plutôt mid tempo (ainsi l’ouverture dans « Cleopatra’s Mood »). Dans ce premier thème, sur une rythmique feutrée, cette façon de traiter le délinéament du phrasé est simplement prodigieuse. Du suspense, et quelques surprises, donc.. Et surtout un artiste qui, malgré ses références, n’essaie d’imiter qui que soit, seulement joue ce qu’il a en lui… Le trompettiste qui officie à ses côtés, Nate Wooley, est dans la sobriété, le son est ciselé, et sa trompette lumineuse. Ni trop bop, ni trop mainstream. Juste au service de la musique. Habitée. Quant à la rythmique, elle aussi est très sobre, voire archi classique. Mais ça n’est pas un problème. Composée d’Angelica Sanchez au piano (la compagne de Tony Malaby), de Jason Ajemian à la contrebasse et enfin de Tomas Fujiwara à la batterie, celle-ci intègre une sincérité et même une fraîcheur intègre, qui touche d’emblée l’auditeur. Les voicings de Sanchez sont de toute beauté. Pas de note superflue ni d’esbroufe, comme on peut en trouver aujourd'hui dans des disques résolument tournés vers le postbop. Bref, si ce disque n’a rien de révolutionnaire (dans la forme comme dans le fond, quintette tout acoustique, jazz contemporain, rappelant vaguement ce qui se faisait dans les années 50), c’est tout de même d’un haut niveau technique. Les musiciens ont dans leurs bagages autant de mélodies venues d’ailleurs (l’imaginaire fonctionne à plein régime) que de rage contrôlées et d’énergie douce amère, habités et inspirés qu'ils sont. Les sons capturés se prolongent parfois dans une certaine nostalgie, mais sans aucune sensiblerie, l'on est plutôt dans l'humilité, la poésie et le recueillement. Et quand les instruments se mêlent à des harmoniques et des notes parfois complexes, en tout cas dans des mélodies qui innervent un swing qui leur est naturel, l'on se dit que oui, ce disque est une réussite. Matt Bauder, retenez ce nom. Je ne crois pas me tromper en disant qu'il s'agit d'un artiste de jazz à suivre de très près...
Matt Bauder en trio, dans une version de "Cleopatra's mood". On reconnaitra Tomas Fujiwara à la batterie (furtivement). Dans cette session, le bassiste n'est pas Jason Ajemian.
« DAY IN PICTURES » de Matt Bauder (2010, Clean Feed)
1. Cleopatra's Mood 7:14
2. Parks After Dark 11:17
3. January Melody 4:55
4. Reborn not Gone 6:22
5. Bill and Maza 13:14
6. Two Lucks 8:55
7. Willoughby 2:40
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