vendredi 27 août 2010

BILL DERAIME - "En Concert À L'Olympia" (1983) par Luc B.


Il y a eu les pro-Beatles contre les pro-Stones, ceux qui glorifiaient Led Zep contre ceux qui préféraient Deep Purple… Plus tard, il y a eu Michael l’immaculée confection contre Le Petit Prince, puis Oasis vs Blur, Britney Spears face à Christina Aguillera. Enfin, concernant ce dernier exemple, l’issue était simple : zéro partout, tout le monde au vestiaire !

Je dois confesser avoir fait, par le passé, un choix crucial, et certainement stupide. Suivre corps et âme Paul Personne et laisser Bill Deraime sur le bord de la route. Remarquez que laisser un bluesman au bord de la route, ne relève pas vraiment de l’abandon… il y a des chances qu’il en fasse quelques bons morceaux. Il y avait à mes yeux chez Paulo une énergie, un feeling, une authenticité que je ne trouvais pas chez Bill. Des textes forts, décalés, imagés, qui me parlaient directement. Et puis le Paulo, à la guitare, c’était quelqu’un. Certes, Bill Deraime, lui, avait réussi à placer des tubes en radio, « Faut que j’me tire ailleurs » et « Babylone », quand Paul Personne n’existait que par des mini-trente trois tours six titres auto-produits, qu’un disquaire de la rue Colbert tenait à ma disposition dans son magasin. Des tubes en radio, pour un bluesman, ce n’est pas rien. Mais les errances jamaïquaines, et petits détours variétoches de Bill, avaient refroidi mon cœur d’héritier en ligne direct des ramasseurs de coton (je suis né à Saint Symphorien, Mississippi, en 1966, mais personne n'est vraiment sûr de la date, mes parents ne savaient pas écrire).

Aussi, en ressortant ce vinyle de 1983, et m’apercevant au passage que je n’en trouvais pas d’édition en CD, je me suis dis qu’il était temps de redonner une chance Alain Deraime (de son vrai prénom). Le gars était monté à Paris vers 1968, avait formé un groupe plutôt folkeux tendance baba, rejoint par un certain Jean Jacques Milteau à l’harmonica. Premier album en 1979, et très vite le succès. Il a même écrit pour Johnny ! Mais sa maison de disque lui demande des tubes, des trucs calibrés, et Bill en a marre de courir après le succès. Coup de frein, repos, avant de repartir discrètement…

Cet album enregistré les 20 et 22 avril 1983 à l’Olympia aligne douze titres, chantés en français (à part un gospel du révérend Davis). Ca commence blues mid-tempo avec « Sur ma chaine bon marché » puis un rock enjoué et rigolo « L’occase » (une veille bagnole, pour emmener sa Géraldine, personnage récurrent de ses chansons), avant de replonger dans le blues pleurnichard « Je m’sentais mal », long morceau, avec chorus de guitare (Lionel Gaillardin) de sax puis de piano. Les titres qui suivent ne me transcendent pas plus que cela, « Qu’est ce que tu vas faire », « Cargo »… des tempos funky ou reggae. Arrive « Le chanteur maudit » plutôt rock, sur les chanteurs qui font la manche, texte vécu et drôle, et encore un beau et long chorus de piano (titre que l'on retrouvera 27 ans plus tard sur le disque QUELQUE PART). On enchaine avec « C’est dur boogie » où les deux sax (René Morizur et Alain Hatot) s’en donneront à cœur joie, dans un duel survolté, avec en prime solo de basse (Gilles Douïeb) et de batterie (Charlie Guedj). La suite est de toute beauté, dans le genre classique et efficace « Bye bye Mister blues », suivi du joli « Un dernier blues » (« un dernier blues avant d’partir, un dernier blues pour s’faire plaisir » hommage à son public, évocation de fin de spectacle, et Morizur au sax). En rappel, Deraime interprète « Géraldine » avec l’aide du public.

Bill Deraime, à l'écoute de ce disque, est plus auteur que performer. Les musiciens sont excellents, les morceaux s'étirent sur de bons chorus, mais il n'y a pas la nervosité, l'urgence, le feeling que l'on pourrait attendre d'une prestation blues. Le chanteur jette un regard attendri, inquiet, revendicatif sur le monde, les braves types, ceux qui ne prennent pas le bon chemin (il s’occupe d’associations de désintox), ceux qui n’ont pas de chance, et puis des histoires de petits bonheurs ou de petites tristesses de petites vies, avec des textes souvent tendres et ironiques. Un peu naïf parfois, un peu poncif, diront certains, mais tout cela part d’un bon sentiment. Et des sentiments, de l’humanité, assurément, l’homme n’en manque pas.
 



Extrait plus récent d'une prestation de l'ami Bill, qui se paye de luxe d'adapter Otis Redding.




Bill Deraime, Olympia 1983 (double vinyle), 12 titres, 76 minutes

9 commentaires:

  1. Entre Paulo et Bill, je vote Paulo ; question guitares, compositions, y'a pas photo. Même si Bill a parfois écrit des textes plus intéressants.
    Mais Bill n'en demeure pas moins un Grand Artiste. Sacré bonhomme, sacré voix, sacré parcours. Respects.
    (Superbe adaptation d'Otis)

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  2. Shuffle Master27/8/10 18:19

    Pas mieux.

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  3. a conseiller aussi a nos (nombreux) lecteurs le plus récent (2005) "live at the new morning" dont est ,je crois, extrait cette vidéo. Superbe adaptation de "Sittin' on the dock of the day" qui est la premiere en une autre langue que l'anglais , Bill a obtenu l'autorisation de la faire de Steve Cropper lui meme, co auteur avec Otis de la chanson.

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  4. le nippon vengeur28/8/10 03:45

    « Il y avait à mes yeux chez Paulo une énergie, un feeling, une authenticité que je ne trouvais pas chez Bill. »

    Ha c’est marrant, moi c’est exactement le contraire ! C’est chez Bill Deraime que je trouvais une authenticité, bien plus que chez Paul Personne (voix de bad boy un peu trop forcée, un peu trop surfaite à mon gout chez P.P.). Chez Deraime, il y avait le sens de la formule dans les textes, un truc chaleureux, quelque chose qui allait droit au coeur.

    Suite à ton com je me suis rendu compte que je n’ai plus rien de Deraime dans ma discothèque. Quand je me suis débarrassé de tous mes 33 tours (plus assez de place, et j’étais fasciné par la technologie CD), je n’ai rien racheté de lui en numérique. Je viens de faire des recherches sur son site, et je me suis ainsi remémoré toute sa discographie. Je me rends compte que j’avais acheté à l’époque ses 7 premiers albums ! J’ai regardé sur Amazotrukmuche, et je suis scié de voir que pratiquement rien n’a été réédité en CD. Quel scandale ! C’est dur, comme dirait Bill ! Du coup, je vais acheter la compil 11 titres qui concerne ses 3 premiers albums (peut-être les meilleurs ?)

    Toute la chaleur de Bill:

    (Babylone tu déconnes)

    Quoi qu’il arrive demain/Je n’suis pas prêt d’oublier ça/
    Un mec heureux m’a serré la main/Un jour où j’avais froid/
    (…)
    Il m’a demandé comment ça va/J’ai répondu un peu surpris/
    Moi je suis loin du Nirvana mais la vie c’est la vie/
    Il m’racontait des tas d’histoires debout dans le compartiment/
    Quand j’ai vu tout le monde se parler comme une parenthèse qui s’ouvrait dans l’temps/
    (…)
    Si vous l’rencontrez par hasard ne le rembarrez pas/
    Les occasions sont tellement rares de rencontrer des mecs comme ça/
    Non c’n’est pas un ringard, n’vous apitoyez pas/
    La pitié salirait son art/C’est un comique en tenue d’Gala/
    Moi je l’ai revu depuis ce jour et j’aime bien aller le voir/
    Les médecins disent qu’il est fêlé/C’est vrai qui s’fend la poire/
    Chambre 23 pavillon des Lilas/
    Si tous les hôpitaux du monde pouvaient chanter comme ça…

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  5. le nippon vengeur28/8/10 04:03

    Bon, j’ai gagné le voyage en navette spatiale, là, oui ou mer** ????

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  6. tu as meme gagné un voyage sur la lune, offert gracieusement par la NASA ; oups, je viens de m'apercevoir en relisant les clauses qu'il s'agit d'un aller simple, c'est pas grave?
    Sinon je partage assez ton avis, les textes et la voix trainante de Billou m'ont toujours accroché , mais j'adore aussi Paulo; en fait je suis contre ces guéguerres , moi je suis Led Zep et Purple, Beatles et Stones , Aguilera et Spears, oups, pardon...

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  7. Pour une raison inexpliquée, notre partenariat avec la NASA s'est arrêté le 26 août. Il nous reste un aller-retour chez monsieur et madame Baloches, éleveurs de cochons, à Morzy-la-Couenne (Ardennes). Désolé, et merci du passage le Nippon...

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  8. Moi je préfère Aguilera. Vouaille !!

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  9. le nippon vengeur28/8/10 20:04

    A lire le message de Rockin je me réjouissais à l’avance. En effet, je ne suis pas contre un aller simple sur la Lune vu que j’en ai un peu marre de la planète Terre et de tous ceux qui y vivent (à part les japonais, et encore…) A partir du moment où il y a une citerne d’oxygène pour les 50 années à venir (je prévoie large), ca m’allait.

    Et pis crac ! Voilà Monsieur B qui casse le rêve. Ha d’accord, votre annonce c’était de la publicité mensongère ? Y’avait pas de voyage en navette à gagner alors ? Bah il est tout pourri vo’t site. En plus on peut même pas mettre des VNU, c’est pas drôle. Au supermarché du coin, les jours de promos, y font des cadeaux, eux, des vrais, c’est pas comme chez vous ! Et même sur un site comme Amazotrukmuche, y donnent des produits gratis si t’acceptes d’en dire du bien. Ca s’appelle être tastevin ou testeur, ch’ais plus. Tiens d’ailleurs j’y r’tourne de ce pas pour voir si ça s’engueule… Je n’vous salue pas.

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