samedi 28 août 2010
"LETTRE D'UNE INCONNUE" de Max Ophüls (N&B -1948),par Foxy Lady
"Letter from an unkown woman " (Lettre d’une inconnue), est un film de Max Ophüls, sorti en 1948. Exilé à Hollywood pendant la guerre, Ophüls, à qui l’on doit notamment « Les désemparés », « Madame de… » ou encore « Lola Montes », s’empare de la nouvelle éponyme de Stephen Zweig, et nous livre un pur bijou de cinéma.
L’histoire du film : un soir, alors qu’il rentre chez lui, Stefen Brand (Louis Jourdan), pianiste de renom, reçoit la lettre d’une inconnue. Il s’agit de son ancienne voisine, Lisa Berndle (Joan Fontaine), qui lui déclare l’amour qu’elle lui à voué toute sa vie, amour proche de la vénération, secret et absolu. Le film nous retrace donc le parcours de cette femme douce, qui a consacré sa vie à cet homme frivole qui a, quant à lui, été totalement aveugle à cette passion dévorante. Ils se croiseront de manière furtive puis se rencontreront 2 fois : la première, ils passeront la nuit ensemble, la seconde, elle viendra lui avouer la vérité sur son fils et il ne la reconnaîtra même pas… Drame cruel d’une rare intensité, j’ai été, de bout en bout, subjuguée par cet histoire d’amour hors du commun. Drame cruel parce que cet amour est à sens unique et que celle qui le ressent vit toute sa vie dans l’ombre d’un homme qui connaît à peine son existence. Peut-on faire pire en matière de passion bafouée ? J’avoue que la scène ou Lisa se rend au domicile de Stefen, avec l’intention de lui révéler la vérité sur leur fils, est d’une incroyable cruauté : elle espère qu’il va la reconnaître mais il n’en est rien, il se contente de lui proposer un verre croyant avoir affaire à une de ses nombreuses aventures sans lendemains…
Pour incarner ses personnages, Ophüls fait appel à deux acteurs remarquables : Joan Fontaine (la sœur fâchée de Olivia de Havilland), qui s’était illustrée dans « Soupçons » et « Rebecca » et Louis Jourdan, magnifique dans « Madame Bovary » que j’ai trouvé (pauvre mortelle que je suis !), d’une beauté renversante, en plus du charisme qui émane de sa personne. Joan Fontaine représente d’abord une jeune fille impressionnable et pure, puis se transforme sous nos yeux en héroïne romantique au destin tragique, qui ne peut vivre que pour et à travers l’autre dans la totale abnégation de sa personne. Louis Jourdan incarne ce pianiste frivole, entouré de divines créatures qu’il ramène chez lui, en quête de quelque chose qu’il n’a pas et qui est pourtant juste sous ses yeux. Je me suis interrogée sur la volonté d’Ophüls de mettre en évidence cet aspect du personnage de Stefen, qui, lorsqu’il voit Lisa, lui demande s’il l’a déjà vu sans savoir ou… car en réalité peut-on passer à côté du bonheur alors qu’il est à porté de main ? Comment d’ailleurs peut-on passer à côté de l’amour sans le reconnaître ?
« Lettre d’une inconnue » fait partie de ces films qui me font dire : « voilà pourquoi… »
Voilà pourquoi j’aime le cinéma de cette époque : parce que, pendant un court instant, calée sur un fauteuil, dans une salle obscure, je suis transportée dans un temps révolu… je perds toute notion du moment présent et de l’espace. Je redeviens une petite fille, les yeux écarquillé, subjuguée par la beauté des acteurs, des décors et des costumes et que, contrairement à une majorité de gens, le noir et blanc a un charme absolu et inégalable à mes yeux.
Loin du tapage et de la vulgarité auquel on nous habitue de plus en plus, cette œuvre tragique et subtile est comme la caresse du vent, on s’attache aux personnages, on les suit et on perçoit même derrière l’écran les battements de leur cœur (à moins que ce soit notre cœur que l’on entend… comment savoir ?)
Vous l’aurez compris, ce film m’a envoûté de bout en bout. En le voyant j’ai pensé à « Waterloo Bridge » (qui est une de mes références) dans l’idée d’une héroïne idéaliste au destin tragique, mais également dans l’ambiance générale qui se dégageait du film. On peut également souligner la reconstitution de la Vienne impériale qui est somptueuse et les morceaux de musique classiques (Wagner, Mozart, Liszt) qui bercent cette histoire d’amour contrariée.
Un chef d’œuvre absolu du 7ème art que je recommande à tous les fieffés romantique mais également aux autres qui, sans nul doute, en ressortiront bouleversés…
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Sans flagornerie (c'est pas le style de la maison), très beau commentaire qui donne envie de voir le film, même si on ignore tout de Max Ophüls
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